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La chimie est une science de modèles et c’est d’un modèle macroscopique majeur en chimie dont il est question dans l’ouvrage d’Isabelle Kermen : le modèle de la réaction chimique. L’auteure distingue d’entrée de jeu la réaction chimique de la transformation chimique, une tâche qui dépasse la simple terminologie et qui s’inscrit dans une véritable réflexion épistémologique. Dans cet ouvrage en trois parties, Kermen présente d’abord une réflexion didactique et épistémologique sur les modèles en chimie, puis une analyse de la réaction chimique et les difficultés d’apprentissage des étudiants à ce sujet, et, enfin, des pratiques enseignantes observées lors de séquences d’enseignement de l’évolution des systèmes chimiques.
De façon avisée, Kermen met en parallèle la vision de la modélisation de didacticiens français, dont Tiberghien et Martinand, avec celle d’auteurs anglo-saxons comme Johnstone et Talanquer. Cet effort de comparaison contribue à l’importance de cet ouvrage : en effet, trop rares sont les auteurs en didactique de la chimie qui s’appliquent à tracer des ponts conceptuels entre des perspectives nationales variées.
En outre, la façon de Kermen de représenter la distinction réalité/modèle et les niveaux de perception (microscopique/macroscopique) propres à la chimie est plus satisfaisante que dans les autres modèles. Si le triplet de la chimie de Johnstone a été fondateur, il demeure que cette représentation de la chimie ne se base que sur une intuition. Les modèles proposés ensuite, notamment celui de Talanquer, ne semblent pas pouvoir s’opérationnaliser aussi facilement et sont plutôt des modèles épistémologiques.
De surcroit, Kermen présente des extraits de discussions observées en classe entre enseignant et étudiants. Ces extraits sont analysés en profondeur et utilisés pour illustrer le système d’appréhension proposé par l’auteure. La réflexion qu’elle développe est cohérente et minutieuse et parait féconde pour améliorer les pratiques enseignantes. De plus, son plan de recherches est inspirant pour qui voudrait mettre en place ce type de questionnement en classe, pour renforcer l’enseignement des modèles en sciences.
Il demeure toutefois qu’un seul modèle, celui de la réaction chimique, est présenté dans l’ouvrage, et deux contextes empiriques seulement sont utilisés pour illustrer et appuyer les propositions de l’auteure. Même si l’analyse est très approfondie, il aurait été intéressant qu’on nous propose d’autres contextes en chimie, pour assurer la transférabilité des conclusions.
De plus, la façon d’utiliser le symbole « = » dans l’équation d’une réaction réversible peut agacer les lecteurs hors France, puisqu’elle est incorrecte selon les prescriptions faites par l’Union internationale de chimie pure et appliquée. Il semble que cette utilisation soit prescrite dans les programmes ministériels français, ce qui laisse songeur.
Cet ouvrage très complet et approfondi constitue une lecture pertinente tant pour les didacticiens des sciences que pour les enseignants de chimie, qui pourront y trouver un éclairage particulier sur les difficultés conceptuelles à propos de la notion centrale de réaction chimique, ainsi qu’une réflexion intéressante sur la façon de guider le changement conceptuel.