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L’ouvrage présente une série de textes de l’auteur, qui donnent néanmoins une image cohérente de la psychologie culturelle et surtout une richesse de nouvelles perspectives et d’approches pour l’enseignant soucieux d’améliorer sa pratique. Pour les non-psychologues (dont je suis), notons que Bruner est une des grandes figures de la psychologie du vingtième siècle ayant fait carrière à Harvard et à Oxford en Angleterre avant de s’installer à l’Université de New York où, à 94 ans, il est toujours actif. Le texte original, The culture of education, paru pour la première fois en 1995 alors qu’il était âgé de 80 ans (1995), représente donc une synthèse riche de quelque soixante années de recherche et de réflexion en psychologie et en éducation. Dans l’espace limité d’une recension, il est difficile d’en rendre toute la richesse.
Bruner explique bien ce qu’est la psychologie culturelle, soit l’importance de l’environnement culturel pour comprendre le fonctionnement de l’esprit humain et il la justifie de façon convaincante. C’est d’ailleurs le but du premier et du dernier chapitre du livre : son intérêt pour l’éducation provient du fait qu’il voit l’éducation comme le cadre de validation empirique (7) des théories qui circulent dans cette école de psychologie. Ajoutons qu’il reconnaît l’importance des autres courants dans sa discipline et défend l’idée d’une meilleure concertation entre ces diverses approches pour répondre aux défis de l’éducation et de la société.
Ce qui rend le livre obligatoire pour tout enseignant consciencieux, c’est d’abord la vision de l’éducation présentée par l’auteur. Les questions fondamentales sont abordées : par exemple, est-ce que l’école doit viser l’épanouissement de l’élève d’abord ou principalement son intégration dans la société (noter que Bruner a joué un rôle clef pour partir le programme Head Start). En même temps, sans ressembler à un livre de recettes, les chapitres 2 à 8 présentent plusieurs approches concrètes pour améliorer tout enseignement.
Pour Bruner, la recherche de sens est le fondement de tout apprentissage, mais la science qui dépend de bases empiriques ne peut pas aborder cette dimension de la réalité. Le plus important travail, dans ce livre, est donc de développer les stratégies pédagogiques qui aideront l’apprenant à mieux construire le sens qu’il donne à la réalité et à sa propre réalité.
Selon Bruner, connaître le sens des choses s’obtient par des récits, des histoires, et il y a des universaux dans les récits clefs de toutes les cultures. Le chapitre 7 vise à identifier ces universaux tout en reconnaissant les difficultés inhérentes à la tâche. L’être humain et nos élèves vivent beaucoup plus dans le monde de la narration, de la recherche de sens, que dans le monde vérifié par les méthodes empiriques. L’ouvrage de Bruner appuiera l’enseignant qui veut aider les jeunes à mieux connaître ce monde dans lequel ils entrent et aussi le chercheur qui utilise les méthodes qualitatives.
Le livre de Bruner mérite qu’on le consulte. Par contre, ce qu’on peut reprocher à l’auteur, c’est d’avoir réuni une série de textes distincts entraînant plusieurs répétitions d’un chapitre à l’autre, un inconvénient de peu d’importance compte tenu de la grande richesse de l’ensemble.