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La formation permanente s’est inscrite en France dans le cadre de l’injonction productiviste des trente années de croissance ininterrompue d’après-guerre. La prise de conscience par les élites du besoin grandissant d’une main-d’oeuvre qualifiée et mobile a abouti à faire de la formation une composante centrale des relations sociales, au départ contre la volonté des premiers concernés : les salariés.
Dans ce contexte, Former pour réformer montre, à travers des analyses historiques, juridiques et sociologiques, comment la formation n’a pas d’abord été pensée comme la voie de la seconde chance, selon le slogan accolé à l’éducation permanente, mais comme le vecteur de la modernisation des rapports sociaux. Les différents chapitres, qui sont autant d’études de cas ou d’analyses historiques, visant à faire ressurgir les conflits et les confrontations des premiers commencements, révèlent la façon dont la formation professionnelle a été mise en scène.
Tout au long de ce livre, de nombreuses remarques, questions ou analyses montrent comment le champ de la formation est encore vaste et bien peu exploré par les chercheurs en comparaison de l’école. Cependant, la véritable force de cet ouvrage est de montrer comment la formation s’est construite, sur fond de malentendus, en se détachant de l’éducation, comment elle a été instrumentalisée à des fins politiques et économiques pour acheter la paix sociale, et finalement, comment elle est devenue un bien universel, même si elle reste d’abord un outil au service de l’ajustement économique plutôt que de la promotion sociale. Les différentes contributions permettent ainsi de remettre en question l’histoire réécrite tant par les syndicats, la formation comme conquête ouvrière, que par l’État, la formation comme ascenseur social.
L’ouvrage est centré sur la réalité française ; ce faisant, il n’évoque que timidement les influences européennes ou internationales, particulièrement importantes depuis deux décennies. Ainsi, les questions de l’individualisation de la formation ou de la formation tout au long de la vie sont abordées en de courtes pages qui auraient mérité plus de développement. Elles font pourtant l’objet de recherches en éducation depuis une vingtaine d’années dans le monde anglo-saxon.
En outre, les questions de diplomation, de validation des acquis de l’expérience et, à un degré moindre, les questions proprement pédagogiques ou didactiques ne sont qu’effleurées, laissant toute la place à une vision sociologique et politique. L’éducation permanente a pourtant été le champ d’un bouillonnement d’initiatives et d’expérimentations qui a largement participé au changement social décrit. Seul le chapitre périphérique, sur la formation syndicale à l’université, rend justice à cet aspect des choses.
Dans un retour sur la formation permanente, l’impact de l’arrivée des technologies de l’information et de la communication dans le monde du travail, qui ont touché de plein fouet les travailleurs peu qualifiés et qui ont été et demeurent un des enjeux (manqués ?) de ce type de formation, n’est pas du tout évoqué.
Il n’en demeure pas moins que ce livre reste un outil précieux d’histoire contemporaine pour mieux cerner les multiples contours du concept protéiforme de formation.