Il est généralement admis que nos systèmes scolaires en Occident traversent ponctuellement ou continuellement, selon le point de vue, une crise, entraînée par la démocratisation sans précédent de l’éducation depuis le milieu du siècle dernier. Reprenant à son compte ce constat, l’auteur soulève les dimensions pédagogiques, et phénoménologiques – pourrions-nous ajouter – de ce problème, alors que les enseignants se trouvent aujourd’hui confrontés à des élèves – qualifiés de sauvageons – radicalement différents de ceux auxquels avaient affaire leurs collègues cinquante ans plus tôt. Concrètement, il s’interroge sur les responsables de cette situation, et les conséquences qui en découlent pour les enseignants. Ainsi, l’objectif de l’auteur est double ; il consiste d’abord à identifier des coupables – pour ainsi dire – de façon à partager l’odieux d’une situation incombant trop facilement à ces derniers ; ensuite, il vise à proposer des pistes de solution pour s’adapter à ce contexte et soulager leur souffrance professionnelle. Cet ouvrage se divise en cinq chapitres. Le premier soulève la question des changements intervenus depuis un demi-siècle dans le système d’éducation français, ponctués graduellement, d’une part, par la violence et les incivilités, et, d’autre part, par l’impuissance et la dégradation des conditions de travail. Ces changements sont au coeur de ce que l’auteur désigne comme la mutation de la culture du professeur à celle du prof. Le second brosse un tableau de leur situation inconfortable : une crise de leur autorité, des institutions (collège unique) dont l’échec est inscrit dans les gènes, des parents agressifs, une administration scolaire laxiste et hypocrite, et des programmes culturellement pauvres et difficilement applicables. Le troisième chapitre vise à mettre au jour le rôle de deux responsables occultes, les chefs d’établissement et les inspecteurs. Le quatrième fait l’étalage de cette souffrance professionnelle en pointant les raisonnements habituels (l’échec est imputable à l’enseignant, alors que la réussite l’est à l’élève) et les mécanismes institutionnels (épreuve des collèges, commissions d’appel). Le dernier chapitre est l’occasion pour l’auteur d’exposer le fruit de ses réflexions et des pistes de solution. Affirmons-le d’emblée, nous n’avons pas apprécié cet essai. Les ingrédients nécessaires sont pourtant là : un sujet pertinent, des données percutantes, des thèmes (ex. : la judiciarisation du métier) originaux, un ton persuasif, sans verser dans l’exagération. Ce qui agace, c’est le traitement de la question qui, jusqu’à un certain point, crée une double impression de redondance et de déjà vu (lu ?). Les enseignants sont doublement victimes d’un environnement social et institutionnel ingrat et violent à leur égard, ce problème est remâché au cours des quatre premiers chapitres. Par ailleurs, plusieurs positions défendues par l’auteur rappellent celles soutenues depuis longtemps par des ténors de la recherche publiée en éducation, sans toutefois y faire référence, tels Neil Postman (pour l’influence du programme des médias sur les élèves), Diane Ravitch (pour un certain retour aux disciplines scolaires traditionnelles), ou Jean-Pierre Proulx (sur l’opinion publique à l’endroit de l’éducation).
Diakité, T. (2006). Mutations et crise de l’école publique : le professeur est mort, vive le prof. Paris, France : L’Harmattan[Record]
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Daniel Moreau
Université de Sherbrooke