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Le titre choisi pour l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Claude Derouet, Le collège unique en question, risque de porter à confusion quant à l’ordre d’enseignement dont il traite. En général, dans l’enseignement public nord-américain, les mots « collège » et « collégiens », tant en français (exemple : collège d’enseignement général et professionnel, abrégé en cégep) qu’en anglais (military college), font essentiellement référence à une structure d’enseignement supérieur qui, placée entre la scolarité obligatoire et l’Université, accueille des jeunes de 16 à 18 ans. Lecteurs et lectrices découvriront pourtant rapidement que ce même vocabulaire identifie, en France, les institutions de l’enseignement public obligatoire qui rassemblent, après l’école primaire et avant l’enseignement supérieur, des élèves âgés entre 11 et 16 ans, soit l’équivalent du high school nord-américain, des comprehensive schools britanniques et des écoles secondaires au Québec.
En reprenant l’historique de la réforme de l’ordre d’enseignement secondaire en France, l’introduction permet heureusement de maîtriser rapidement le vocabulaire des structures scolaires pour constater que, au-delà des mots, l’enseignement secondaire français affronte les mêmes problématiques, développe des thèmes similaires et suscite des débats aussi ardents que ceux retrouvés au plan international, tant dans les travaux de recherche en éducation que dans les rapports gouvernementaux. Des chercheurs émérites, responsables d’importantes équipes questionnant l’apparition du « collège unique » en remplacement des anciennes formes d’écoles secondaires françaises, coordonnent chacune des cinq parties du livre qui dressent, collectivement, un très large état des savoirs.
L’ouvrage développe ainsi une argumentation et une réflexion sur la « démocratisation » et la « massification » de l’accès aux études (sous la direction de Duru-Bellat) ; sur la querelle autour de l’autonomie des établissements scolaires (Derouet) ; sur la réforme des programmes et des disciplines, en particulier à propos de l’introduction des nouvelles technologies (Martinand) ; sur la pédagogie et l’intégration (Cousin) ; enfin, sur l’évolution du métier d’enseignant dans sa définition et dans ses rôles, tâches et responsabilités (Van Zanten). Chacun de ces thèmes aurait pu faire l’objet d’un livre entier. L’ensemble de la vingtaine de textes pourrait paraître disparate sans la synthèse remarquable présentée dans la postface. François Dubet y défend la pertinence de conduire des recherches, de publier des analyses et d’animer des discussions sur les diverses composantes de l’enseignement secondaire en arguant la complexité de cet ordre d’enseignement qui doit assurer la double mission contradictoire d’assumer la démocratisation réalisée à l’école primaire… tout en opérant la sélection pour l’enseignement supérieur : « les acteurs du collège arbitrent entre l’égalité de tous et la reconnaissance du mérite et des talents de chacun » (p. 356). Ce faisant, il situe tous les articles de l’ouvrage dans le fameux débat entre efficacité et équité : quelles sont les pratiques efficaces qui font progresser les élèves, et quelles sont les pratiques équitables qui font progresser tous les élèves et qui ne creusent pas les écarts ? Cette question peut servir de fil conducteur au lecteur pour accroître ses connaissances et interroger tant les aspects sociaux, politiques, économiques ou éthiques de l’enseignement secondaire, qu’on l’appelle collège ou école.