Abstracts
Résumé
Le but de cette étude consiste à décrire les stratégies d’apprentissage par la lecture rapportées par des élèves en difficulté d’apprentissage de première secondaire en classe de cheminement particulier (CP). Pour ce faire, deux objectifs sont poursuivis : (a) décrire les stratégies cognitives et d’autorégulation que ces élèves disent utiliser ; et (b) comparer ce portrait à celui rapporté par des élèves de première secondaire en classe ordinaire (CO). Le questionnaire « Lire pour apprendre » a été rempli par 111 élèves en CP et par 102 élèves en CO de la grande région de Montréal. Les résultats indiquent que les élèves en CP utilisent des stratégies peu efficaces et que leur portrait stratégique se démarque en certains aspects de celui des élèves en CO. Ces résultats sont discutés au regard d’un modèle d’apprentissage par la lecture.
Summary
The aim of this study is to describe strategies for learning through reading as reported by students with learning difficulties in a secondary one level “special track” class (CP). Two objectives include a) to describe cognitive strategies and self-regulation strategies that these students report, and b) to compare this portrait with that reported by regular class secondary one students (CO). The questionnaire “Reading to Learn” was administered to 111 students in CP and 102 students in CO in the greater Montreal region. The results show that CP students use strategies that have poor efficiency and that the portrait of their strategies is differentiated in certain aspects from that of the CO students. These results are discussed in light of a model of learning through reading.
Resumen
El propósito de este estudio consiste en describir las estrategias de aprendizaje por medio de la lectura, relatadas por alumnos en dificultad de aprendizaje de primer año de secundaria con itinerario particular de formación (CP). Para esto, se persiguen dos objetivos: (a) describir las estrategias cognitivas y de autorregulación que estos alumnos dicen utilizar; y (b) comparar este retrato a él relatado por alumnos de primer año de secundaria en clase normal (CO)*. El cuestionario « Leer para aprender » fue llenado por 111 alumnos en CP y por 102 alumnos en CO de la gran región de Montreal. Los resultados indican que los alumnos en CP utilizan estrategias poco eficaces y que su retrato estratégico se demarca en ciertos aspectos de él de los alumnos en CO. Estos resultados son analizados respecto a un modelo de aprendizaje por medio de la lectura
Article body
Introduction
Plusieurs situations d’apprentissage sont utilisées à l’école, mais l’une d’entre elles est particulièrement importante pour tous les élèves qui désirent réussir leurs cours et obtenir leur diplôme : apprendre par la lecture (Barton, 1997 ; Ciborowski, 1995 ; Ellis et Lenz, 1990 ; Laparra, 1991 ; Vacca, 1998). Nous concevons l’apprentissage par la lecture comme une situation et un processus par lesquels le lecteur/apprenant acquiert des connaissances par la lecture de textes informatifs et ce, en gérant cette situation et son environnement de travail, tout en étant motivé à le faire (Cartier, 2000). Ce processus d’apprentissage par la lecture est en relation de continuité avec celui de compréhension de texte. Lors de la compréhension de texte, l’élève est amené à interpréter les informations d’un texte à partir de ses propres connaissances sur le sujet (Smith, 1979). Dans le cas où l’élève est amené à acquérir intentionnellement de nouvelles connaissances sur un sujet par la lecture de différents textes (par exemple, apprendre sur les planètes en lisant trois chapitres d’une encyclopédie) ou à organiser différemment ses connaissances, il s’agit alors de l’apprentissage par la lecture.
Aux États-Unis, plusieurs recherches visant l’étude de l’engagement des élèves lorsqu’ils apprennent en lisant montrent que ces derniers ont de la difficulté à le faire (Beck et McKeown, 1991, Stetson et Williams, 1992). Au Québec, dans les écoles de milieux populaires, les élèves rapportent utiliser peu de stratégies adaptées à la situation ; ils mentionnent surtout lire et relire, se faire une image dans la tête, lire les textes sans planification (Cartier, 2003).
Ces constats sont préoccupants, car d’autres études ont montré que des difficultés d’apprentissage par la lecture peuvent mener à l’échec scolaire (Horton et Lovitt, 1994), lequel peut causer le décrochage scolaire (Hrimech, Théorêt, Hardy et Gariépy, 1993). Dans un contexte scolaire où les exigences de lecture sont de plus en plus importantes pour la réussite de l’élève (Vacca, 1998), pour son travail futur (Lindberg, 2003) et pour sa vie personnelle (Hittleman, 1988), il s’avère donc important de se pencher sur l’apprentissage par la lecture.
Or qu’en est-il des stratégies d’apprentissage par la lecture des élèves en difficulté d’apprentissage, c’est-à-dire de ceux qui, de façon générale, présentent un retard scolaire (MEQ, 1999) et qui sont susceptibles d’abandonner l’école ? Au Québec, ces élèves sont nombreux : ils représentent 8 % de l’ensemble des élèves du secondaire, près des deux tiers d’entre eux sont scolarisés dans des classes de cheminement particulier de formation (MEQ, 1999).
Cadre théorique
Pour analyser les stratégies des élèves qui ont des difficultés à apprendre en lisant au secondaire, nous utiliserons une adaptation de la deuxième version d’un modèle de l’apprentissage par la lecture (Cartier, 2002). Ce modèle (voir Figure 1) a été élaboré à partir du cadre de référence conçu pour la pédagogie universitaire (Cartier, 2000) et ajusté pour les élèves du secondaire en difficulté d’apprentissage.
Le processus de l’élève
Le processus d’apprentissage par la lecture sollicite deux principales composantes dans la réalisation d’une activité : les stratégies d’autorégulation et les stratégies cognitives. Comme l’apprentissage par la lecture est une situation complexe (Perry, 1998), elle requiert de l’élève qu’il s’autorégule (Butler et Cartier, 2004 ; Zimmerman, 2000). Les stratégies d’autorégulation constituent un ensemble de pensées et d’actions, orientées sur la fixation d’objectifs et sur la planification au début de l’activité, sur le contrôle et l’ajustement pendant l’activité et, à la toute fin, sur l’autoévaluation (Cartier, 2000 ; Pressley et Afflerbach, 1995 ; Wittrock, 1991 ; Zimmerman, 2000).
Pour traiter le texte (lire/relire) et les informations qu’il contient, les élèves utilisent des stratégies cognitives. Les stratégies cognitives comprennent un ensemble de pensées et d’actions qui permettent à l’apprenant de s’engager pendant l’activité d’apprentissage par la lecture (Cartier, 2000 ; Van Dijk et Kintsch, 1983 ; Vauras, 1991 ; Weinstein et Mayer, 1986). En plus des stratégies de lecture et de relecture visant le traitement du texte (par exemple, lire mot à mot, lire les titres, etc.), l’élève utilise des stratégies de traitement des informations allant de la reproduction d’informations textuelles, selon la structure intégrale du texte (stratégies de répétition), jusqu’à la réalisation d’une version personnalisée de la structure des informations (stratégies d’organisation, comme regrouper dans le schéma et le tableau, et d’élaboration, comme paraphraser et faire une image) (Vauras, 1991). De plus, des stratégies de sélection sont requises pour réduire la densité des informations et retenir les plus importantes (se donner des mots-clés) ou les secondaires (Van Dijk et Kintsch, 1983 ; Wittrock, 1991).
Ces stratégies d’autorégulation et cognitives sont sollicitées à différents moments de la réalisation d’une situation d’apprentissage. Ce processus doit donc être étudié comme étant un event (Winne et Perry, 2000), c’est-à-dire au début, pendant et à la fin de la situation. Ainsi, au début de l’apprentissage par la lecture, l’élève prend connaissance de cette situation puis se donne des objectifs personnels. De manière plus ou moins consciente, l’élève définit ce qu’il souhaite réaliser dans cette situation : par exemple comprendre et apprendre sur ce sujet. Dans certains cas, il peut poursuivre des objectifs qui vont à l’encontre de ceux visés, par exemple, souhaiter lire le moins possible. Poursuivre de tels objectifs peut nuire à l’engagement de l’élève dans cette situation d’apprentissage par la lecture. À partir de ses objectifs, l’élève planifie plus ou moins l’activité en prenant en compte, par exemple, les consignes de l’activité. Pendant l’activité, il mobilise des stratégies cognitives de lecture/relecture et de traitement des informations pour comprendre et apprendre en lisant. Tout au long de l’activité, il contrôle (vérifie) la réalisation de l’activité et le traitement de l’information. S’il éprouve des difficultés, il ajuste, si possible, sa façon de faire. À la fin de l’activité, il autoévalue l’atteinte de ses objectifs. Il peut aussi comparer son évaluation avec la performance obtenue. Tout au long de ce processus, l’élève peut aussi recourir à des stratégies d’évitement qui témoignent de sa difficulté à s’engager dans cette activité (par exemple, abandonner devant une difficulté) et des stratégies de demande d’aide.
Quelques recherches empiriques sur l’apprentissage par la lecture au secondaire d’élèves en difficulté d’apprentissage ont montré trois principaux problèmes reliés aux stratégies adoptées par ceux-ci : 1) ils manquent de stratégies (Chan, 1994 ; Hébert, 2004 ; Schmidt, Barry, Maxworthy et Huebsch, 1989) ; 2) ils en font une planification inadéquate (Schmidt et al., 1989) ; et 3) ils les utilisent de manière inadéquate (Barton, 1997 ; Kozminsky et Kozminsky, 2001 ; Laparra, 1986 ; Stetson et Williams, 1992).
En plus des stratégies d’autorégulation et cognitives reconnues comme étant nécessaires à l’apprentissage par la lecture, on retrouve les acquis de l’élève. Ces acquis médiatisent sa façon de réaliser une situation et se traduisent par : a) ses connaissances ; b) sa conception de l’apprentissage ; et c) sa motivation. Les connaissances de l’élève, essentielles à l’apprentissage par la lecture, portent sur différents aspects (Flavell, 1979 ; Wittrock, 1991) dont les sujets à traiter, l’activité à réaliser, les stratégies à mettre en oeuvre et le texte à lire. Ces connaissances déterminent la qualité du processus d’apprentissage par la lecture. Par exemple, un élève qui a peu de connaissances sur un sujet ne pourra pas s’engager à fond dans une activité qui porte sur celui-ci. Des recherches sur les connaissances de l’élève du secondaire en difficulté d’apprentissage lorsqu’il lit pour apprendre ont montré qu’elles étaient lacunaires sur les sujets de lecture, les structures de textes et les stratégies cognitives (Barton, 1997 ; Laparra, 1986 ; Stetson et Williams, 1992).
La façon dont l’élève réalise une situation d’apprentissage par la lecture est aussi influencée par sa conception de l’apprentissage (Butler et Cartier, 2004 ; Cartier, 2000 ; Säljö, 1984). La conception de l’apprentissage correspond à l’idée que l’élève se fait de ce qu’est « apprendre ». Dans le cas de l’apprentissage par la lecture, deux conceptions sont proposées par Säljö (1984), soit traiter des détails, soit traiter les idées principales. Ces deux conceptions ont une influence sur le choix des stratégies effectuées par l’élève. Dans le premier cas, il sélectionne des détails ou des informations spécifiques présentées, alors que dans le deuxième cas, il mobilise ses ressources pour dégager les informations principales contenues dans des textes.
Enfin, dans ce modèle, la motivation est la troisième composante des acquis de l’élève qui entre en jeu lors de l’apprentissage par la lecture. Ainsi, un élève qui ne se perçoit pas comme étant compétent pour réaliser une situation s’y engagera difficilement et pourra même l’éviter. Cela est aussi vrai dans le cas où cet élève ne saisit pas la valeur de cette activité ou n’a pas le contrôle souhaité pour la réaliser (Viau, 1994). Bien que Brozo (1992) ait montré que les élèves faibles peuvent avoir tendance à éviter les activités d’apprentissage par la lecture, on connaît peu la motivation à apprendre en lisant de l’élève en difficulté d’apprentissage.
La situation scolaire
La prise en compte de la situation scolaire dans le modèle de l’apprentissage par la lecture est importante. Elle prend appui sur les travaux de Collins, Brown et Newman (1989) et de Zimmerman (2000) qui ont reconnu l’importance du contexte dans l’apprentissage. Quatre aspects d’une situation d’apprentissage peuvent influer sur le processus des élèves. Plusieurs chercheurs ont montré que les activités d’apprentissage influent sur le processus d’apprentissage des élèves dans différentes situations d’apprentissage (Hadwin, Winne, Stockley, Nesbit et Woszczyna, 2001 ; Falardeau et Loranger, 1993). En situation de lecture, les exigences de ces activités dirigent l’attention des élèves lorsqu’ils traitent les informations contenues dans un texte et les aident à s’ajuster (Wittrock, 1991). D’autres facteurs ont aussi une influence sur ce processus, dont la fréquence des occasions d’apprendre en lisant (Guthrie, Schafer et Huang, 2001), les caractéristiques des textes à lire (Pressley et Afflerbach, 1995 ; Vauras, 1991) et les domaines d’apprentissage (Laparra, 1986).
Au secondaire, le contexte de classes de cheminement particulier est à la fois semblable et différent de celui des classes ordinaires (MEQ, 1988). D’abord, il semble que les élèves en classe de cheminement particulier ont peu l’occasion d’apprendre en lisant. En effet, les activités qui leur sont proposées sont principalement des exercices individuels dans des manuels et dans des cahiers de formation (Hébert, 2004). Ces activités offrent des opportunités d’apprentissage plutôt restreintes, par exemple faire des exercices et lire de courts textes pour répondre à des questions. Les activités proposées aux élèves sont donc peu complexes et leur demandent de lire peu lorsqu’ils doivent se renseigner sur un sujet donné. Bien que ces activités ne soient pas les meilleures pour apprendre en lisant, il est important de constater que l’apprentissage par la lecture fait partie des situations proposées aux élèves, même s’ils ont de la difficulté à le faire.
Par ailleurs, certains enseignants oeuvrant auprès d’élèves qui ont des difficultés d’apprentissage choisissent de faire lire à leurs élèves des textes adaptés. Ellis et Lenz (1990) ont souligné un ensemble de problèmes reliés à ces textes dont, entre autres, ceux d’offrir des informations peu élaborées et insuffisantes pour comprendre les idées ou les concepts présentés, et de proposer de petits paragraphes qui morcellent l’information, ce qui peut nuire à leur regroupement autour d’une idée principale. Les textes adaptés proposés aux élèves dans les cahiers d’exercices présentent donc certaines de ces caractéristiques problématiques et, conséquemment, sont difficiles à lire pour les élèves.
Enfin, au sujet des domaines d’apprentissage, les élèves de classe de cheminement particulier suivent le même curriculum de formation que ceux des classes ordinaires pour certaines matières (dont la géographie, le français et les mathématiques). Toutefois, dans les classes de cheminement particulier de formation, l’enseignement est surtout concentré sur les matières de base, le français et les mathématiques (MEQ, 1988). On met donc moins l’accent sur les domaines d’apprentissage dans lesquels se réalise principalement l’apprentissage par la lecture (écologie, sciences, histoire, etc.).
En somme, les connaissances sur le portrait stratégique d’apprentissage par la lecture de l’élève en difficulté d’apprentissage sont partielles. On connaît ses faiblesses générales, mais on ne sait pas ce qu’il fait d’adéquat dans cette situation, et on ignore les stratégies auxquelles il recourt de façon spécifique, de même que les objectifs d’apprentissage qu’il poursuit dans une telle situation. Enfin, le contexte d’enseignement en classe de cheminement particulier semble offrir aux élèves certaines occasions de lire pour apprendre, mais sans leur offrir les conditions optimales pour le faire.
Objectifs de recherche
Compte tenu du manque de connaissances sur les objectifs d’apprentissage et les particularités des stratégies des élèves en difficulté en situation d’apprentissage par la lecture, il importe d’étudier le processus de ces élèves. De plus, il est important de prendre en compte le contexte de classe de cheminement particulier de formation, car il comporte des caractéristiques particulières pour la formation de ces élèves. En lien avec ces constats, le but de cette recherche consiste à décrire le fonctionnement stratégique des élèves de première secondaire scolarisés en classe de cheminement particulier (CP) ayant des difficultés d’apprentissage lorsqu’ils lisent pour apprendre, tel que le rapportent ces derniers. Cela permettra de cerner les stratégies distinctives perçues par les élèves de cheminement particulier lorsqu’ils lisent pour apprendre. Pour ce faire, nous poursuivons deux objectifs : (a) décrire les stratégies cognitives et d’autorégulation que ces élèves disent utiliser ; et (b) comparer ce portrait à celui rapporté par des élèves de première secondaire en classe ordinaire (CO).
Éléments méthodologiques
La présente recherche est descriptive et comparative. Le groupe de participants à cette étude est constitué de 213 élèves provenant de 19 classes réparties dans quatre écoles de la grande région de Montréal. Ce groupe compte 111 élèves (50 filles et 61 garçons dont la moyenne d’âge est de 15 ans) de dix classes de cheminement particulier, et 102 élèves de première secondaire (63 filles et 39 garçons dont la moyenne d’âge est de 14,5 ans) provenant de neuf classes ordinaires. Dans toutes les classes, le programme de formation est celui de première secondaire. Tous les participants nous ont remis un formulaire de consentement dûment signé par un parent ou un tuteur. L’échantillon des élèves de classes de cheminement particulier de formation a été sélectionné selon la méthode de choix raisonné (Beaud, 1984) dont les critères étaient : (a) avoir terminé leur primaire, avoir fait un an de mise à niveau dans une classe de présecondaire ou avoir déjà fait une année au secondaire ; et (b) présenter un retard scolaire, mais aucun diagnostic associé tel qu’un trouble de comportement, un trouble d’apprentissage ou autre.
Passation du questionnaire
La collecte des données a eu lieu lors d’une période de cours. Au début de la période, un exemple d’activité d’apprentissage par la lecture en géographie a été présenté aux élèves afin que tous se réfèrent à la même situation d’apprentissage. Des auxiliaires de recherche lisaient aux élèves le questionnaire sur les stratégies d’apprentissage par la lecture et ces derniers y répondaient au fur et à mesure. Les élèves ont été invités à poser des questions lorsque le besoin se présentait. La passation du questionnaire a pris entre 50 et 60 minutes.
Instruments de collecte des données
Deux instruments ont été utilisés dans le cadre de cette recherche. L’exemple d’activité d’apprentissage par la lecture présenté aux élèves portait sur un contenu du programme de formation en géographie. Les consignes consistaient à leur demander de s’imaginer qu’ils faisaient en classe une activité comme celle présentée, dans laquelle on leur demandait de se renseigner sur un sujet donné en lisant des textes.
Le questionnaire utilisé (Cartier et Butler, 2003) a été élaboré pour évaluer la perception que les élèves ont de leur fonctionnement lorsqu’ils réalisent une activité d’apprentissage par la lecture. Les questions ont été présentées lors des trois étapes de l’activité : au début, pendant et à la fin de l’activité. Ce questionnaire est présentement en cours de validation. La validité du contenu a été évaluée auprès d’élèves et de chercheurs experts dans le domaine. Il est de type autodéclaré, ce qui signifie que les élèves rapportent la fréquence à laquelle ils perçoivent utiliser différentes stratégies dans ce type d’activité (presque jamais ; parfois ; souvent ; presque toujours). Les résultats obtenus à huit questions du questionnaire portant sur les stratégies cognitives et d’autorégulation (une au début de l’activité, quatre pendant l’activité et une à la toute fin) seront analysés en cohérence avec les objectifs de l’étude. Les catégories de questions et les énoncés du questionnaire sont présentés dans la partie « Résultats ».
Méthodes de compilation et d’analyse des résultats
Les questionnaires ont été saisis dans le logiciel de traitement de données Excel. Pour répondre au premier objectif de cet article, des analyses de distribution de réponses ont été effectuées. Les pourcentages des réponses « souvent » et « presque toujours » ont été additionnés pour chacun des items, et regroupés dans des tableaux de compilation par composantes de référence (par exemple, stratégies cognitives, stratégies d’autorégulation de planification). Pour répondre au deuxième objectif, les comparaisons entre les élèves CP et CO ont été effectuées à partir des résultats obtenus aux analyses non paramétriques de rang moyen (U de Mann-Whitney), appropriées pour des données catégorielles et ordinales, pour chacun des items. Les résultats significatifs à 5 % ont été analysés et regroupés par composante dans des tableaux de compilation.
Résultats
Objectif 1 : Description des stratégies cognitives et d’autorégulation mentionnées être utilisées par les élèves CP
Les résultats sont présentés selon les trois moments de l’activité : au début, pendant et à la toute fin. Au début de l’activité, les élèves CP disent poursuivre des objectifs (Tableau 1) qui sont en lien avec le type d’activité complexe qu’est l’apprentissage par la lecture : réussir, bien réaliser l’activité et comprendre. Le volet « apprendre » est l’objectif le moins souvent mentionné. Les objectifs « autres », qui ne portent pas directement sur la situation, sont moins mentionnés par les élèves ; par exemple, travailler avec mes amis (55,8 %) et finir le plus vite possible (30 %). Toutefois, ces pourcentages demeurent assez élevés pour nuire à l’engagement de ces élèves dans la situation.
Lorsque vient le temps de mobiliser des stratégies qui permettent d’atteindre les objectifs reliés à la situation, le portrait diffère. Les résultats qui portent sur le début de l’activité d’apprentissage par la lecture indiquent que les élèves CP planifient peu leur travail (Tableau 2). En effet, c’est la stratégie « lire le texte en premier » (87,4 %) qui est la plus souvent mentionnée par les élèves. On retrouve cependant un certain nombre d’élèves qui disent planifier la réalisation de l’activité, par exemple « en pensant aux consignes » (53,7 %). En général, ce manque de planification peut poser problème à ces élèves dans une situation complexe comme celle de l’apprentissage par la lecture.
Pendant l’activité, les stratégies cognitives les plus souvent rapportées par les élèves (Tableau 3) sont les stratégies de lecture et de relecture, dont « lire le texte mot à mot » (70,1 %) et « lire les titres et les sous-titres » (65,1 %). Au plan du traitement des informations, les résultats montrent que ce sont les stratégies de sélection, comme « souligner les informations importantes » (65,1 %) et les stratégies d’élaboration, comme « me faire une image de ce que je lis » (57,6 %), qui sont les plus fréquemment mentionnées par les élèves. Les stratégies d’organisation, comme « trouver les liens entre les informations » (45 %), et les stratégies de répétition, comme « retenir les mots clés, les détails ou les faits » (47,3 %), sont les moins fréquemment rapportées. Ainsi, un plus grand nombre d’élèves disent seulement utiliser les stratégies de lecture et de relecture ainsi que celles de sélection lorsqu’ils apprennent en lisant. On constate donc des lacunes certaines au plan des stratégies d’organisation et d’élaboration.
Pendant l’activité, les stratégies de contrôle (Tableau 4) reliées à la performance et à la réalisation de l’activité sont rapportées par un plus grand nombre d’élèves que celles reliées au traitement des informations. Par exemple, 64,2 % disent « se demander s’ils auront une bonne note pour l’activité », 61,6 % des élèves disent « revoir les consignes pour être sûrs de faire ce qui est demandé », alors que 58,3 % d’entre eux disent « vérifier s’ils savent de quel sujet traite le texte ».
En ce qui a trait aux stratégies d’ajustement utilisées lorsqu’ils éprouvent des problèmes pendant l’activité (Tableau 5), le même constat s’observe. Dans une moindre proportion, les élèves mentionnent recourir aux stratégies de traitement des informations. La stratégie la plus choisie cible la mémorisation des informations (50 %). Les participants disent utiliser surtout des stratégies de lecture et de relecture comme « relire les informations » (70,8 %), de réalisation de l’activité comme « revoir les consignes » (62,1 %) et de demande d’aide (60,7 %). Pendant l’activité, les stratégies de contrôle et d’ajustement montrent donc des lacunes certaines au plan du traitement des informations contenues dans le texte.
À la fin de l’activité, les élèves mentionnent avoir surtout recours aux stratégies d’autoévaluation qui ciblent le travail bien fait (58,8 %) et les façons de travailler (53,2 %). L’accent est principalement mis sur la réalisation de l’activité. Ici aussi, les élèves rapportent moins de stratégies de traitement des informations.
Deux constats généraux peuvent être faits. Tout au long de l’activité, un certain pourcentage d’élèves mentionnent poursuivre des objectifs ou avoir recours à des stratégies qui ne visent pas l’engagement des élèves dans la situation (par exemple, lire le moins possible). Ces résultats sont présentés dans les catégories « autres ». Les résultats obtenus dans cette catégorie varient en moyenne de 13,2 % (stratégies d’ajustement) à 36,5 % (stratégies de contrôle). Bien que ces résultats soient faibles, ils représentent quand même plusieurs élèves qui disent ne pas s’engager vraiment dans l’activité. Enfin, on peut aussi observer dans les résultats que plus de 20 % des élèves mentionnent demander l’aide de quelqu’un à différents moments de l’activité, dont au tout début pour l’amorcer et à la toute fin pour l’évaluer. C’est lorsqu’ils éprouvent de la difficulté à réaliser l’activité qu’un grand nombre d’entre eux (60 %) disent demander de l’aide. Ces stratégies « autres » et de demande d’aide fréquemment mentionnées peuvent représenter un indice de la difficulté qu’éprouvent certains élèves à apprendre en lisant. Des analyses portant sur ces sous-groupes d’élèves permettraient de mieux comprendre leur fonctionnement.
Objectif 2 : Comparaison des stratégies cognitives et d’autorégulation mentionnées être utilisées par des élèves en classe de cheminement particulier (CP) à celles rapportées par des élèves en classe ordinaire (CO)
Les résultats sont présentés selon les constats généraux obtenus lors de l’analyse des énoncés et de leur catégorie. Le Tableau 7 présente l’ensemble des résultats obtenus. De façon générale, 24 différences ont été observées suite à l’analyse de comparaison. Ces différences peuvent expliquer les difficultés des élèves CP à apprendre en lisant.
D’abord, les élèves CP poursuivent davantage d’objectifs « autres » que les élèves CO (par exemple, travailler avec leurs amis). De plus, ils disent avoir plus souvent recours à la demande d’aide lors de la planification, de l’ajustement et de l’auto-évaluation. Par ailleurs, lorsqu’ils éprouvent des problèmes, les élèves CP, plus souvent que les élèves CO, arrêtent de travailler et abandonnent (ajustement) et, lors de l’autoévaluation, remettent leur travail sans l’avoir révisé. Enfin, plus que les élèves CO, les élèves CP rapportent essayer de mémoriser l’information lorsqu’ils éprouvent des problèmes. Ces objectifs et stratégies qui distinguent les élèves CP des élèves CO montrent que les premiers disent recourir à des stratégies qui ne reflètent pas un engagement soutenu et efficace dans la situation.
Pour leur part, davantage les élèves CO que les élèves CP disent recourir à des stratégies cognitives de lecture et de traitement des informations. De même, ils disent mieux contrôler leur travail sur le traitement de l’information et l’ajuster plus sur la lecture du texte et le traitement de l’information. Finalement, ils mentionnent qu’ils autoévaluent leur travail en vérifiant s’ils ont bien réalisé l’activité. Ce portrait est plus favorable que celui des élèves CP quant à l’engagement et à la persévérance dans la situation, bien qu’il présente aussi des lacunes (par exemple, stratégies d’organisation).
En résumé, il est possible de conclure que les élèves CP ont une perception de leur portrait stratégique dont certains aspects sont adéquats (par exemple, lire et relire), d’autres lacunaires (par exemple, stratégies d’élaboration et d’organisation) et d’autres inadéquats (par exemple, stratégies autres, dont ne pas réviser). Ces résultats sont importants, car ils vont dans le même sens que ceux auxquels sont arrivés d’autres travaux sur ce sujet (Schmidt, Barry, Maxworthy et Huebsch, 1989). De plus, ils vont plus loin, car ils permettent de connaître les objectifs que les élèves disent se donner et décrivent l’ensemble du portrait que ces élèves se font d’eux-mêmes en mettant en lumière des forces et des faiblesses.
Discussion
La discussion de cette étude sera effectuée en lien avec les deux objectifs de l’étude.
En réponse à l’objectif 1, sur les stratégies cognitives et d’autorégulation mentionnées être utilisées par les élèves CP, trois constats seront discutés.
Les élèves poursuivent des objectifs qui prennent en compte plusieurs exigences de l’activité (avoir de bonnes notes, comprendre ce qu’ils lisent et bien réaliser l’activité), mais moins celle de l’« apprentissage ». Une hypothèse possible à cette tendance réside dans les connaissances acquises par les élèves sur l’activité. En lien avec le modèle de l’apprentissage par la lecture, il est permis de penser que depuis le début de leur formation, ils ont principalement appris à lire et à comprendre un texte pour répondre à des questions. De plus, dans les programmes d’adaptation scolaire, les élèves ont souvent à travailler dans des cahiers d’exercices. Or, en réalisant ces activités, il est possible que les élèves aient conclu qu’à l’école, l’accent était mis sur la réalisation d’activités de réponse à des questions, plus que sur l’acquisition de connaissances. Ces activités, qui demandent aux élèves de lire des textes et de sélectionner des informations, sont importantes pour l’apprentissage par la lecture, mais elles ne sont pas suffisantes. Afin de lire pour apprendre, les élèves doivent avoir pour objectif d’acquérir des connaissances sur un sujet particulier. Les objectifs poursuivis par les deux tiers des élèves CP tiennent moins compte de cet aspect essentiel.
Les élèves CP mentionnent utiliser fréquemment des stratégies cognitives de lecture/ relecture et des stratégies de sélection. L’écart entre les pourcentages d’élèves qui mentionnent utiliser des stratégies cognitives varie passablement (entre 19 et 70 %), mais pour la plupart des stratégies, le pourcentage d’élèves est faible. Les résultats obtenus sur les stratégies cognitives vont dans le même sens que ceux d’autres études effectuées sur les élèves en difficulté d’apprentissage, en milieu populaire et dans des écoles de raccrocheurs (Cartier, 2003 ; Cartier et Théorêt, 2001 ; Cartier et Langevin, 2005 ; Schmidt, Barry, Maxworthy et Huebsch, 1989). Ceux-ci montrent que ces derniers rapportent utiliser un nombre restreint de ces stratégies lorsqu’ils lisent pour apprendre, lesquelles ne sont pas suffisantes pour le faire de façon efficace.
Ce que les élèves CP disent faire le plus souvent consiste à recourir à des stratégies cognitives de lecture/relecture du texte et de sélection. Ces stratégies sont en lien avec des objectifs tels avoir de bonnes notes et bien réaliser une activité.Cela leur demande, par exemple, de répondre aux questions, de se rappeler ce qu’ils savent, de souligner et de porter attention aux idées importantes, etc. Cependant, ces stratégies permettent difficilement à elles seules de comprendre et d’apprendre en lisant. Pour ce faire, les élèves doivent aussi avoir recours aux stratégies d’élaboration, dont le résumé, et aux stratégies d’organisation, dont le schéma.
Comment expliquer ces résultats ? D’abord, peut-être les élèves CP n’ont-ils pas de connaissances suffisantes sur les stratégies ou sur l’activité pour pouvoir apprendre de façon efficace. Comme on l’a vu dans le modèle de l’apprentissage par la lecture, il est permis de penser que depuis le début de leur formation, on leur a principalement enseigné à lire les textes et à répondre à des questions. Un répertoire limité de stratégies peut expliquer le choix des élèves de recourir principalement aux stratégies de traitement de texte et de sélection en situation d’apprentissage par la lecture.
Une autre hypothèse possible réside dans la conception de l’apprentissage que se font les élèves. En lien avec le modèle de l’apprentissage par la lecture, on peut supposer qu’au fil de leurs expériences scolaires, les élèves ont développé une conception de ce qu’est « apprendre », qui consiste à traiter des détails. Un contexte qui favorise l’activité de questionnement sur des détails dans les textes peut avoir influencé le développement de cette conception. Ce fonctionnement rapporté par les élèves, qui consiste à sélectionner des informations dans un texte, est important dans le cas de l’apprentissage par la lecture, mais non suffisant. Pour lire pour apprendre, les élèves doivent recourir à des stratégies qui permettent d’acquérir des connaissances à partir de leur lecture sur un sujet donné en établissant des liens entre les informations du texte (organisation) et entre ce qu’ils connaissent et ce qu’ils lisent (élaboration). Enfin, il est possible que les élèves n’aient pas la motivation nécessaire pour recourir à des stratégies qui demandent un plus grand investissement de temps et d’énergie (Viau, 1994). Les élèves ne perçoivent peut-être pas la valeur de cette activité. Peut-être n’ont-ils pas le sentiment d’être compétents ou d’avoir le contrôle voulu pour la réaliser ? Brozo (1992), dans une étude auprès d’élèves en difficulté, a montré que ces derniers avaient tendance à éviter les activités de lecture pour apprendre.
Les élèves CP disent recourir plus fréquemment aux stratégies de contrôle et d’ajustement que de planification et d’autoévaluation. En général, la proportion des élèves qui mentionnent utiliser des stratégies d’autorégulation est variable (entre 20 et 62 %). Toutefois, pour les stratégies de contrôle et d’ajustement, la proportion est un peu plus élevée. Les résultats obtenus sur les stratégies d’autorégulation vont dans le même sens que ceux obtenus dans le cadre d’autres recherches. Ils ont montré que les élèves en difficulté d’apprentissage, en milieu populaire ou dans des écoles de raccrocheurs, rapportent utiliser un nombre restreint de stratégies d’autorégulation dans différentes situations, lesquelles ne sont pas suffisantes pour apprendre de façon efficace (Cartier, 2003 ; Cartier et Théorêt, 2001 ; Cartier et Langevin, 2005 ; Loranger, 1994 ; Pintrich et Garcia, 1994 ; Zimmerman, 2000 ; Zimmerman et Martinez Pons, 1986).
Une explication de ce portrait pourrait résider dans le fait que les occasions d’apprendre en lisant à l’école ne sont pas assez nombreuses. En effet, il semblerait que certains enseignants en milieu populaire hésitent à faire lire leurs élèves (Kara, 2002). De plus, un manque de complexité des activités pourrait faire en sorte que les élèves n’aient pas besoin d’autoréguler leur fonctionnement. Dans le cadre théorique, nous avons vu que dans les classes de cheminement particulier de formation, les enseignants semblent recourir davantage à la lecture dans des cahiers d’exercices, lesquels demandent principalement à l’élève de sélectionner les informations qui permettent de répondre à des questions sur le texte. De plus, il est permis de penser que les activités de lecture proposées aux élèves, principalement axées sur la lecture d’un texte à la fois, ne leur offrent pas un contexte d’apprentissage complexe dans lequel ils ont à s’autoréguler. Leur formation et leurs activités peuvent donc les amener à débuter directement par la lecture du texte, à tenter de le comprendre et à sélectionner des informations sans avoir à s’autoréguler.
En réponse à l’objectif 2, Comparaison des stratégies cognitives et d’autorégulation mentionnées être utilisées par des élèves CP à celles rapportées par des élèves CO, deux constats seront discutés.
Les élèves CP disent recourir plus fréquemment que les élèves CO aux stratégies non reliées à l’activité. Ce résultat concorde avec celui obtenu par Zimmerman et Martinez Pons (1986) dans leur étude portant sur l’autorégulation d’élèves du secondaire dans différentes activités scolaires. Une explication de l’utilisation de ces stratégies peut résider dans leur motivation à apprendre en lisant. Est-ce que l’activité présentée est intéressante ou importante pour eux ? Si les élèves ne voient pas l’intérêt de s’engager dans cette situation, on peut penser qu’ils ne s’y investiront pas ou peu. Or il est permis de penser que les élèves des classes de cheminement particulier lisent davantage dans des cahiers d’exercices que ceux des classes ordinaires. De plus, dans ces classes, un accent est souvent mis sur les cours de base, français et mathématiques, et moins sur les cours dans lesquels la lecture est davantage utilisée pour apprendre. Ainsi, les élèves de ces classes ne voient peut-être pas la valeur d’une telle situation. Une autre question importante à se poser sur le plan motivationnel consiste à savoir si les élèves se perçoivent comme étant capables de réaliser les activités proposées. Cette perception défavorable de leur compétence pourrait aussi expliquer leur manque d’engagement dans l’activité. Une analyse de la motivation des élèves à lire pour apprendre permettrait d’obtenir un portrait d’apprentissage plus complet et nuancé.
Les élèves CP disent recourir plus fréquemment que les élèves CO aux stratégies de demande d’aide. Ce résultat va à l’encontre de celui obtenu par Zimmerman et Martinez Pons (1986) dans leur étude portant sur l’autorégulation d’élèves du secondaire dans différentes activités scolaires. Dans la présente étude, la demande d’aide est présente aux trois moments de la situation. On peut expliquer cette plus forte demande d’aide des élèves CP par leur portrait de stratégies cognitives plus faible que celui des élèves CO. Ces derniers mentionnent recourir davantage à des stratégies de lecture et de relecture ainsi que de traitement de l’information que les premiers. Il est donc permis de penser que les élèves reconnaissent qu’ils ont de la difficulté à accomplir une activité et recourent à l’aide d’autrui pour y arriver.
Conclusion
La proportion des élèves en difficulté d’apprentissage en classe de cheminement particulier qui mentionnent utiliser des stratégies cognitives et d’autorégulation appropriées à la situation est, en général, faible. Ce qu’ils disent faire le plus souvent consiste à recourir à des stratégies cognitives de lecture du texte, comme lire les titres ; à des stratégies de contrôle, comme revoir les consignes ; et à des stratégies d’ajustement, comme relire les informations lors de problèmes. Les stratégies les moins mentionnées par les élèves sont, en moyenne, les stratégies de planification, les stratégies cognitives de traitement des idées et les stratégies d’autoévaluation. Ce portrait, qui met l’accent sur la lecture et l’ajustement, est en lien avec les stratégies les plus souvent mentionnées par les élèves : lire le texte en premier sans planifier et demander de l’aide pour s’ajuster en cas de problème. De plus, deux particularités différencient les élèves en difficulté en classe de cheminement particulier de ceux qui sont en classe ordinaire lorsqu’ils lisent pour apprendre. Ils veulent : (a) finir le plus vite possible ou lire le moins possible ; et b) recourir à tout moment à l’aide d’autrui.
Ce portrait de ce que les élèves mentionnent faire lorsqu’ils lisent pour apprendre est utile aux enseignants et aux chercheurs parce qu’il donne le point de vue des élèves eux-mêmes. Le portrait présenté par les élèves en difficulté d’apprentissage, qui montre des lacunes certaines, semble indiquer que ces derniers n’ont pas une vision seulement positive de leur fonctionnement. Leurs perceptions traduisent des lacunes dans leur portrait ainsi que l’utilisation de stratégies inadéquates pour bien réaliser cette situation d’apprentissage. Ce portrait des stratégies d’apprentissage par la lecture pourrait expliquer les faibles performances obtenues par les élèves fréquentant les classes de cheminement particulier. La connaissance de ces aspects est importante, car elle donne les éléments-clés sur lesquels les interventions et l’évaluation des interventions peuvent porter. Par exemple, les enseignants et les chercheurs peuvent se demander : est-ce que le contexte pédagogique favorise ces obstacles ? Est-ce que les élèves ont la motivation nécessaire pour réaliser une activité ? Est-ce qu’ils ont les connaissances sur les stratégies nécessaires pour le faire ? Est-ce que ce qu’ils pensent correspond à ce qu’ils font ?
Les résultats obtenus nous incitent à souligner certaines limites de cette étude. D’abord, l’échantillon d’élèves CP comprend une plus grande proportion de filles (61,76 %) que dans la moyenne des classes de cheminement particulier (45,05 %) (MEQ, 1999). De plus, le portrait obtenu à partir des réponses données par les élèves a pu être influencé par le phénomène connu sous le nom de « désirabilité sociale », selon lequel des réponses sur une utilisation plus fréquente que réelle des différentes stratégies d’apprentissage peuvent être fournies afin de donner une image positive de soi. Les élèves qui ont participé à l’étude sont aussi ceux dont nous avons obtenu le consentement des parents. Cette importante exigence éthique en recherche fait aussi en sorte que nous n’avons pu établir le portrait de l’ensemble des élèves qui fréquentent les classes visitées. Enfin, le choix d’analyser les résultats obtenus par l’ensemble du groupe nous amène à préciser que d’autres analyses seraient nécessaires afin de mieux connaître le fonctionnement des élèves en classe de cheminement particulier : par exemple, l’étude du sous-groupe d’élèves qui a l’objectif de comprendre et celui qui a l’objectif de lire le moins possible.
Ainsi, les recherches futures devraient s’attarder à décrire le portrait des élèves en triangulant ces résultats, par exemple avec des observations, afin d’obtenir un aperçu de l’écart qui existe entre ce que les élèves font et ce qu’ils pensent faire. De plus, d’autres études seraient nécessaires pour la poursuite de la validation du modèle et du questionnaire et pour l’analyse des relations entre les aspects émotionnels, motivationnels, cognitifs et métacognitifs de l’apprentissage par la lecture.
Appendices
Références
- Barton, M.L. (1997). Addressing the literacy crisis : Teaching reading in the content areas. NASSP Bulletin, 81(587), 22-30.
- Beaud, J.-P. (1984). Les techniques d’échantillonnage. In B. Gauthier (dir.), Recherches sociales. De la problématique à la collecte des données (p. 175-200). Québec : Presses de l’Université du Québec.
- Beck, I.L. et McKeown, M.G. (1991). Research directions : Social studies texts are hard to understand : mediating some of the difficulties. Language Arts, 68, 482-490.
- Brozo, W.G. (1992). Hiding out in secondary content classrooms : Coping strategies of unsuccessful readers. Journal of Reading, 33(5), 324-328.
- Butler, D.L. et Cartier, S.C. (2004). Promoting effective task interpretation as an important work habit : A key to successful teaching and learning. Teachers College Record, 106(9), 1729-1758.
- Cartier, S.C. (2000). Cadre conceptuel d’analyse de la situation d’apprentissage par la lecture et des difficultés éprouvées par les étudiants. Res academica, 18(1-2), 91-104.
- Cartier, S.C. (2002). Lire pour apprendre au secondaire : le cas d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage. Rapport interne no 3, Université de Montréal.
- Cartier, S.C. (2003). Lire pour apprendre. In N. Van Grunderbeeck, M. Théorêt, S. Cartier et R. Chouinard (dir.), Étude longitudinale et transversale des conditions scolaires favorables au développement des habitudes et des compétences en lecture chez des élèves du secondaire (p. 36-70). Rapport de recherche, Université de Montréal.
- Cartier, S.C. et Butler, D.L. (2003). Questionnaire Lire pour apprendre. Document inédit.
- Cartier, S.C. et Langevin, L. (2005). Strategic profiles of students aged 16 to 19 and attending “second chance” schools. Communication présentée dans le cadre du Congrès annuel de l’American Educational Research Association (AERA), Montréal, avril.
- Cartier, S.C. et Théorêt, M. (2001). Lire pour apprendre : une compétence à maîtriser au secondaire, rapport au ministre de l’Éducation, Programme de soutien à l’école montréalaise, 2001.
- Chan, L.K. (1994). Relationship of motivation, strategic learning, and reading achievement in grades 5, 7, and 9. Journal of Experimental Education, 62(4), 319-339.
- Ciborowski, J. (1995). Using textbook with students who cannot read them. Remedial and Special Education (RASE), 16(2), 90-101.
- Collins, A., Brown, J.S. et Newman, S.E. (1989). Cognitive apprenticeship : Teaching the crafts of reading, writing, and mathematics. In L.B. Resnick (dir.), Knowing, learning, and instruction : Essays in honor of Robert Glaser (p. 453-494). Hillsdale, NJ : Lawrence Erlbaum Associates.
- Ellis, E.S. et Lenz, B.K. (1990). Techniques for mediating content-area learning : issues and research. Focus on Exceptional Children, 22(9), 1-16.
- Falardeau, M. et Loranger, M. (1993). Le choix de stratégies d’apprentissage dans différents contextes scolaires par l’élève du primaire et du secondaire. Revue canadienne de l’Éducation, 18(4), 307-322.
- Flavell, J.H. (1979). Metacognition and cognitive monitoring : A new area of cognitive-developmental inquiry. American Psychologist, 34(10), 906-911.
- Guthrie, J.T., Schafer, W.D. et Huang, C.-W. (2001). Benefits of Opportunity to Read and Balanced Instruction on the NAEP. The Journal of Educational Research, 94(3), 145-162.
- Hadwin, A.F., Winne, P.H., Stockley, D.B., Nesbit, J.C. et Woszczyna, C. (2001). Context moderate students’ self-reports about how they study. Journal of Educational Psychology, 93(3), 477-487.
- Hébert, C. (2004). Exploration des stratégies d’autorégulation d’élèves du secondaire qui ont des difficultés d’apprentissage lorsqu’ils lisent pour apprendre. Mémoire de maîtrise inédit, Université de Montréal, Montréal.
- Hittleman, D.R. (1988). Using literature to develop daily-living literacy : Strategies for students with learning difficulties. Reading, Writing, and Learning Disabilities, 4, 1-12.
- Horton, S. et Lovitt T.C. (1994). A Comparison of two methods of administering group reading inventories to diverse learners. Remedial and Special Education, 15(6), 378-390.
- Hrimech, M., Théorêt, M., Hardy, J.Y. et Gariépy, W. (1993). Étude sur l’abandon scolaire des jeunes décrocheurs du secondaire sur l’Île de Montréal. Montréal : Conseil scolaire de l’île de Montréal.
- Kara, D. (2002). Perceptions d’enseignants du secondaire en milieu multiethnique de l’apprentissage par la lecture. Travail dirigé inédit, Université de Montréal, Montréal.
- Kozminsky, E. et Kozminsky, L. (2001). How do general knowledge and reading strategies ability relate to reading comprehension of high school students at different educational levels ? Journal of Research in Reading, 24(2), 187-294.
- Laparra, M. (1986). Analyse des difficultés des élèves en matière de lecture et d’écriture des textes explicatifs. Pratiques, 51, 77-85.
- Laparra, M. (1991). Problèmes de lecture posés par l’écriture de textes historiques à visée didactique. Pratiques, 69, 97-134.
- Lindberg, V. (2003). Learning practices in vocational education. Scandinavian Journal of Educational Research, 47(2), 157-179.
- Loranger, A.L. (1994). The study strategies of successful and unsuccessful high school students. Journal of Reading Behavior, 26(4), 347-360.
- Ministère de l’Éducation du Québec (1988). Les cheminements particuliers de formation. Sainte-Foy : Gouvernement du Québec.
- Ministère de l’Éducation du Québec (1999). Une école adaptée à ses élèves - Politique de l’adaptation scolaire et plan d’action en matière d’adaptation scolaire. Sainte-Foy : Gouvernement du Québec.
- Perry, N.E. (1998). Young children’s self-regulated learning and contexts that support it. Journal of Educational Psychology, 90, 715-729.
- Pintrich, P.R et Garcia, T. (1994). Self-regulated learning in college students : Knowledge, strategies, and motivation. In P.R. Pintrich, D.R. Brown et C.E. Weinstein (dir.), Student Motivation, Cognition, and Learning (p. 113-133). Hillsdale, NJ : Erlbaum.
- Pressley, M. et Afflerbach, P. (1995). Verbal Protocols of Reading : The Nature of Constructively Responsive Reading. Hillsdale, NJ : Erlbaum.
- Säljö, R. (1984). Learning from reading. In F. Marton (dir.), The Experience of Learning (p. 71-89). Édimbourg : Scottish Academic Press.
- Schmidt, C.M., Barry, A., Maxworthy, A.G. et Huebsch, W.R. (1989). But I read the chapter twice. Journal of Reading, 32(5), 428-433.
- Smith, F. (1979). La compréhension et l’apprentissage. Montréal : HRW.
- Stetson, E.G. et Williams, R.P. (1992). Learning from social studies textbooks : Why some students succeed and others fail. Journal of Reading, 36(1), 22-30.
- Vacca, R.T. (1998). Let’s not marginalize adolescent literacy. Journal of Adolescent and Adult Literacy, 41(8), 604-609.
- Van Dijk, T.A. et Kintsch, W. (1983). Strategies of discourse comprehension. New York, NY : Academic.
- Vauras, M. (1991). Text learning strategies in school-aged students. Helsinki : Academiae Scientiarum Fennicae.
- Viau, R. (1994). La motivation en contexte scolaire. Saint-Laurent : Renouveau péda-gogique.
- Weinstein, C.E. et Mayer, R.E. (1986). The teaching of learning strategy. In M.C. Wittrock (dir.), Handbook of Research on Teaching (p. 315-327). New York, NY : Macmillan (3e éd.).
- Winne, P.H. et Perry, N. E. (2000). Measuring self-regulated learning. In P. Pintrich, M. Boekaerts et M. Zeidner (dir.), Handbook of self-regulation. Orlando, FL : Academic Press.
- Wittrock, M.C. (1991). Generative teaching of comprehension. The Elementary School Journal, 92(2), 167-182.
- Zimmerman, B.J. (2000). Attaining self-regulation : A social cognitive perspective. In M. Boekaerts et P.R. Pintrich (dir.), Handbook of self-regulation (p. 13-39). New York, NY : Academic Press.
- Zimmerman, B.J. et Martines Pons, M. (1986). Development of a structured interview for assessing student use of self-regulated learning strategies. American Educational Research Journal, 23(4), 614-628.