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Face à ce titre évocateur, le lecteur averti peut se poser la question de savoir pourquoi fixer des balises dans le champ d’études des représentations sociales. Cet ouvrage collectif peut être interprété comme un plaidoyer pour la prise en compte des fondements de la théorie des représentations sociales, tant dans les recherches en sciences de l’éducation que dans les initiatives de développement et d’application parcellaires de la théorie elle-même. L’instabilité du concept des représentations sociales et des paradigmes existants amène Garnier et Doise à tenter de contrôler l’incontrôlable dans l’unité et la permanence qui assurent le succès de la théorie. Ils tirent les leçons épistémologiques et politiques des dérives et prônent la « nécessité d’une cohérence dans l’utilisation des concepts et de leurs opérationnalisations à l’intérieur d’une même recherche » (p. 296).
Pour Bataille, la notion de représentation a besoin de clarification dans le champ des sciences de l’éducation où il existe un écart « entre une (trop ?) riche épistémologie de la complexité – la saisie multiréférentielle d’un objet – et une certaine pauvreté des moyens … les outils multidimensionnels » (p. 26). En effet, le noyau central de la représentation est souple et permet une grande variété d’interprétation. Bougeat, dans son article pose la question de l’articulation et de l’illustration des éléments centraux et périphériques d’une représentation sociale qui est un système sociocognitif permettant à l’individu de communiquer, d’interpréter et d’orienter ses conduites. Toutefois, pour de Sà Pereira et de Oliveira, une des caractéristiques du système central d’une représentation est sa relation à la mémoire collective. Pour comprendre les représentations sociales et l’expression de la réalité sociale, Tylick et Petr utilisent le dialogue entre les participants qui développent et problématisent un thème afin de mesurer la convergence thématique. Au sujet de l’économie, van Bavel et Licata affirment que « le savoir économique expert semble davantage ancré dans une représentation mathématique de l’économie » (p. 83) que dans une expérience de l’économie en harmonie avec la réalité sociale. C’est par la triangulation des méthodes (interviews individuelles et de groupe), plus l’analyse de l’argumentation d’articles portant sur l’économie qu’ils produisent ces résultats. Neculau fait ressortir que « le processus des représentations ne peut être détaché des activités dans lesquelles les acteurs sociaux sont engagés … les représentations sociales englobent et structurent des éléments cognitifs provenant des relations concrètes avec le contexte social » (p. 281), car le contexte social est total. Un des aspects fondamentaux du livre, c’est qu’il fait le point sur l’évolution des connaissances relatives aux paradigmes existants. Il montre que, depuis Moscovici (1961, 1976, 1984, 1991), ce champ d’études sociales immigre et s’émancipe. La théorie est appliquée, voire galvaudée, dans une pluralité de contextes, de points de vue et dans diverses disciplines.
L’ouvrage propose des analyses discursives qui révèlent les représentations sociales des individus et des groupes dans leur partialité. Il décrit des approches méthodologiques pour conduire des recherches, et de ce dernier point de vue, c’est une référence pour divers acteurs du champ des pratiques de l’éducation et des autres univers pratiques, techniques et scientifiques. Ses grandes qualités, légèrement ternies, toutefois, par un manque d’homogénéité de l’ensemble, sont d’abord de concilier les différents domaines de connaissance dans le champ des représentations en général et des représentations sociales en particulier et, ensuite, de clarifier certaines confusions théoriques et méthodologiques par le recours à une perspective interdisciplinaire. Au demeurant, pour Moscovici (2003), il y a continuité dynamique et non rupture entre le théorique et l’appliqué.