FR:
Aram J. Pothier (1854-1928), premier Franco-Américain à occuper le poste de gouverneur, est un personnage controversé dans sa communauté franco-américaine du Rhode Island. Est-il un Canadien français modèle ou un lâche « assimilateur »? La presse francophone de l’époque est divisée sur ce point. Cet article essaie de mieux comprendre l’identité franco-américaine du futur gouverneur à la lumière de sa correspondance et de ses choix privés. En 1889, commissaire du Rhode Island à l’Exposition universelle de Paris, Pothier écrit vingt lettres à son frère Joseph, qui sont riches d’enseignements du point de vue linguistique et identitaire. La correspondance de Pothier lorsqu’il revient à Paris pour l’Exposition universelle de 1900 n’a pas été conservée, mais c’est à cette occasion qu’il fait la connaissance de sa future épouse, la Française « Françoise de Charmigny ». Cette histoire privée d’Aram Pothier révèle un homme – voire un couple – imbu du rêve américain d’enrichissement personnel et de promotion sociale, mais nullement tenté par l’assimilation. Pothier ne renie jamais l’idéologie de la survivance basée sur la langue, la religion et les traditions françaises. Pourtant, dans sa nouvelle identité à trait d’union, la référence nationale française, symbolisée par son choix d’épouser une Parisienne, remplace en grande partie la référence canadienne. En fin de compte, Aram J. Pothier n’est ni l’homme idéal conçu par les idéologues de la survivance ni un aspirant Yankee. Il réussit à forger sa propre identité franco-américaine en se servant du prestige culturel dont jouit la république soeur aux États-Unis, en alliance avec sa femme française, actrice prête à s’inventer elle aussi un nouveau personnage.
EN:
Aram J. Pothier (1854–1928), the first Franco-American to serve as governor, was a controversial figure in his Franco-American community in Rhode Island. Was he a model French-Canadian or a cowardly “assimilator”? The French-language press of the time is divided on this point. This article attempts to better understand the future governor’s Franco-American identity in the light of his correspondence and private choices. In 1889, as commissioner for Rhode Island at the Paris World’s Fair, Pothier wrote twenty letters to his brother Joseph, which are rich in linguistic and identity-related insights. Pothier’s correspondence upon returning to Paris for the 1900 World’s Fair has not been preserved. Yet it was on this occasion that he met his future wife, the Frenchwoman “Françoise de Charmigny.” Aram Pothier's story reveals a man—indeed a couple—imbued with the American dream of personal enrichment and social advancement, but in no way tempted by assimilation. Pothier never disavowed the ideology of survivance based on French language, religion, and traditions. Yet, in his new hybrid Franco-American identity, the French national reference, symbolized by his choice to marry a Parisian, largely replaced the Canadian one. In the end, Aram J. Pothier was neither a classic believer in survivance nor an aspiring Yankee. He succeeded in forging his own Franco-American identity using the cultural prestige enjoyed by France, the sister republic, in the United States, in alliance with his French wife, an actress ready to invent a new persona of her own.