Itinéraires

Un sociologue au pays du loisir

  • Gilles Pronovost

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Cover of D’une génération à l’autre., Special Issue, 2024, pp. 9-242, Recherches sociographiques

Je dois ma vocation de chercheur à Paul R. Bélanger, professeur au Département de sociologie de l’Université Laval au moment de mes études de baccalauréat et de maîtrise entre 1966 et 1970. Il m’a fait confiance en m’engageant comme assistant de recherche. Je retiens aussi la grande autonomie qu’il m’a accordée. Il a scellé de façon décisive ma résolution d’entreprendre une carrière universitaire. Avec seulement ma maîtrise en poche, c’est sur un simple coup de téléphone au doyen de la recherche que j’ai obtenu un poste à l’Université du Québec à Trois-Rivières en 1970! Celle-ci venait d’être créée l’année précédente et, en quête de spécialités pour la faire se démarquer, le recteur Gilles Boulet avait prévu de créer plusieurs centres de recherche, dont un « Centre de recherche en loisir » jumelé à un programme inédit en « récréologie » (devenu maintenant un programme en « Loisir, culture et tourisme » avec une offre aux trois cycles universitaires). Qui plus est, j’ai eu la chance inouïe d’avoir été chercheur à temps plein pendant les six premières années de ma carrière et d’avoir pu ainsi me familiariser avec ce nouveau champ d’études avant d’entreprendre des études de doctorat. Car ayant fait des études classiques, j’en étais à ma dix-neuvième année à la sortie de ma maîtrise; une pause s’imposait avant la réalisation d’un projet de longue haleine d’études doctorales dans la même discipline. J’ai choisi l’Université Laval pour quelques raisons pratiques liées à mon premier et seul poste universitaire, mais aussi parce que j’y trouvais un cadre disciplinaire ouvert à l’anthropologie et à la philosophie – j’ai d’ailleurs fait une partie de ma scolarité au doctorat en philosophie de l’UQTR. Nicole Gagnon a assumé avec bienveillance la direction de ma thèse, dans laquelle j’ai tenté de retrouver les fondements de l’analyse sociologique à travers l’étude du loisir moderne. Cela m’a permis de me spécialiser dans ce domaine de recherche relativement négligé, voire dévalorisé en sociologie. Par la suite, en 1981-1982, j’ai effectué un postdoctorat à l’Université de Birmingham en Angleterre, où était logé le Center for Contemporary Cultural Studies, fondé par Stuart Hall et Richard Hoggart. J’y ai surtout étudié le processus de genèse du loisir moderne. Une hypothèse centrale de la sociologie du loisir voulait que l’une de ses causes majeures était l’industrialisation, avec la différenciation des temps sociaux qui la caractérise (Thompson 1979; 1988). L’Angleterre étant le lieu premier de la « révolution industrielle », je voulais en retrouver les traces (Pronovost, 1983). Au départ, la sociologie du loisir a emprunté deux voies différentes. Aux États-Unis, ce qui deviendra la notion de « loisir » a, tout au début du vingtième siècle, été identifié par des animateurs, penseurs et philosophes à un « problème social », problème de « délinquance juvénile », d’éducation et d’aménagement urbain. Une littérature considérable traite du loisir abordé comme un problème; elle s’appuie sur des notions de « jeu », de « libertés individuelles », et même d’une représentation de ce que seraient fondamentalement la « nature humaine » et la « civilisation »; c’était explicitement situé dans le cadre des politiques urbaines. Cette conception du loisir a mené à des programmes de formation pour des « leaders » imbus d’une telle philosophie morale. L’autre voie est celle des études urbaines et a engendré une série d’études sociologiques et anthropologiques, dont des exemples typiques sont les célèbres monographies de Robert S. Lynd publiées en 1929 et 1937 à partir d’études de terrain menées dans la même ville en 1924 et 1925, puis en 1935 (Lynd et Lynd, 1959; …

Appendices