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Mon parcours dans la recherche de savoirs fondés en sociologie[Record]

  • Simon Langlois

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Au cours de ma vie, j’ai participé à plusieurs ensembles sociaux fort différents. Je suis ce que mes collègues français appellent un « transclasse », ayant fait l’expérience de la mobilité sociale intergénérationnelle ascendante, autre manière de caractériser le cheminement personnel d’un individu connaissant de l’intérieur – et appréciant, je le souligne – des mondes sociaux fort différents. Petit-fils de cultivateur et né dans un milieu modeste et urbain (Montmagny), j’ai connu de l’intérieur la ferme familiale autosuffisante d’autrefois et le monde ouvrier par mon père peintre en bâtiments et mes oncles oeuvrant dans le secteur de la construction domiciliaire. Ma mère avait avec regret abandonné tôt l’école, étant l’aînée d’une famille nombreuse, et elle a été femme au foyer avant de retourner aux études à 45 ans pour ensuite oeuvrer comme éducatrice en centre d’accueil pour enfants. Par ma conjointe Micheline, j’ai connu une autre facette du monde ouvrier à Thetford Mines. Ma belle-mère a élevé douze enfants pendant que mon beau-père foreur de son métier oeuvrait dans les grands chantiers de construction de son époque (Manicouagan, etc.). J’ai observé dans ces deux milieux à peu près tous les cas de figure possibles de changements survenus au sein des familles. J’ai aussi connu un monde social fort différent, ayant migré vers un autre univers au sens culturel et sociologique qui m’a conduit à devenir professeur d’université, impliqué dans plusieurs revues savantes, invité dans des universités étrangères, membre de l’Académie canadienne des sciences sociales de la Société royale du Canada ou Prix du Gouverneur général du Canada. Mais contrairement aux « récits doloristes » – j’emprunte la formule à Gérald Bronner (2023) – de bon nombre de transclasses contemporains, je n’ai jamais ressenti de mauvaise conscience ni connu de sentiment de honte. Je suis resté proche de mon milieu d’origine tout en étant à l’aise dans l’univers culturel qui est le mien. J’ai beaucoup aimé l’école qui m’a fait entrer dans un nouvel univers et, très tôt, j’ai formulé le projet de devenir enseignant. J’appartiens à la dernière promotion des collèges classiques, ayant obtenu en 1967 mon B. A. ès arts du collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, l’un des plus anciens collèges du Québec. J’y ai été initié aux lettres classiques et à la philosophie dans la grande tradition canadienne-française, ayant reçu cependant des enseignements très modernes : le personnalisme, l’existentialisme, le marxisme (eh oui ! dans un collège en milieu rural), Rousseau, Beauvoir, Sartre et Camus, sans oublier les mathématiques dites modernes. Sous l’influence de très bons professeurs, j’ai choisi d’étudier la sociologie, ce qui m’a conduit à l’Université Laval (baccalauréat et maîtrise) et à la Sorbonne (Paris V) pour le doctorat. Je n’ai pas eu de mentors au sens strict, mais plutôt des influences fortes et diversifiées. J’ai une grande dette envers Nicole Gagnon qui a dirigé mon mémoire de maîtrise en sociologie portant sur les représentations sociales. Elle m’a initié à la recherche empirique et à la rigueur de la pensée en sociologie à l’Université Laval, alors que j’étais son assistant d’enseignement. Nous avons cependant été un peu durs avec le professeur Gagnon – et non la professeure, elle insiste sur ce point – à l’époque de la contestation étudiante de 1968… Nicole poursuivait la tradition implantée par Gérald Fortin dont la pensée et l’approche de la sociologie m’ont marqué. Fortin pratiquait la sociologie scientifique et il a réalisé des enquêtes originales. Il était très impliqué dans la société québécoise, maître à penser du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) et promoteur de la société de participation (l’utopie de l’époque), ainsi que du développement prenant appui sur …

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