Je suis originaire du Québec rural profond, deuxième enfant d’une famille de cultivateurs de onze enfants. Dans le rang où j’ai grandi, il y avait une douzaine de familles et il en reste seulement deux aujourd’hui. Il y avait aussi une école de rang avec une seule classe multiniveau de la première à la sixième année et notre maitresse d’école avait seulement une 10e année de scolarité. Cela ne m’a pas empêché, comme d’autres de cette école, de faire des études universitaires. C’est au Cégep de Rimouski que j’ai découvert la sociologie grâce à un excellent professeur, Alain Marcoux, devenu politicien et même ministre des Affaires municipales. Mais mon intérêt pour la sociologie s’était sans doute forgé avant le passage au cégep par mon implication dans un mouvement de jeunesse rurale, les Cercles de jeunes agriculteurs. Cet engagement m’a même valu une place dans un stage de l’Office franco-québécois pour la jeunesse qui m’avait permis de connaître des mouvements semblables en France et de découvrir un intérêt soutenu pour les voyages en pays lointains. C’est au cégep que j’ai découvert les écrits de Fernand Dumont et d’autres sociologues, tous de l’Université Laval, sauf Guy Rocher dont la célèbre Introduction à la sociologie (1969) m’a définitivement orienté vers cette discipline. C’est à cette université que je me suis inscrit au baccalauréat en sociologie en 1971, université située à 300 kilomètres de chez moi, mais qui était la plus proche de mon coin de pays. Au baccalauréat en sociologie, j’ai particulièrement aimé les cours de Nicole Gagnon, car ils proposaient des méthodes de recherche quantitative qui donnaient à la sociologie des outils rigoureux d’analyse des réalités sociales. J’ai aussi découvert le livre de Gérald Fortin, La fin d’un règne (1971), dont les conclusions m’apparaissaient choquantes et allaient m’orienter un peu plus tard vers les études et la recherche en sociologie rurale (j’y reviendrai). À la fin du premier cycle, trois emplois s’offraient à moi, mais j’ai préféré continuer en maîtrise de sociologie, toujours à l’Université Laval. J’ai particulièrement apprécié cette période où on proposait des assistanats de recherche ou d’enseignement qui nous procuraient un sentiment d’inclusion dans la cité savante; ce sentiment était d’autant plus fort que l’université nous fournissait un bureau qui attestait de cette nouvelle identité. Fernand Dumont avait lancé un grand projet de recherche sur les mutations de la société québécoise, mutations dont on faisait l’hypothèse qu’elles pouvaient être appréhendées par l’étude d’histoires de vie collectées auprès de Québécois de toutes conditions. On me proposa l’étude d’une histoire de vie d’un ouvrier du textile de la région de Sherbrooke. Je me suis passionné pour ce récit qui me semblait révéler les changements en cours dans le monde du travail industriel, mais aussi dans la société québécoise en général. De plus, je découvrais le monde de la recherche qualitative. Cela m’a permis de publier mon premier article dans une grande revue scientifique, Recherches sociographiques, ainsi que deux des quatre articles sur la méthode de l’histoire orale réunis dans un ouvrage dirigé par Nicole Gagnon et Jean Hamelin, intitulé L’histoire orale (1978). Cette publication consacrait mon appartenance au monde académique. J’avais terminé mon mémoire de maîtrise sur les idéologies éducatives agricoles et l’origine de l’agronomie québécoise, qui a été publié dans Les cahiers de recherche de l’Institut des sciences humaines de l’Université Laval. Mes travaux ont particulièrement contribué au renouvellement de deux champs de recherche ou autrement dit, deux domaines du savoir : celui des études rurales et de la sociologie rurale québécoise, et celui des études régionales renouvelé par la nouvelle approche théorique du développement territorial. …
Appendices
Bibliographie
- Fortin, Gérald, 1971 La fin d’un règne, Montréal, Hurtubise HMH.
- Gagnon, Nicole et Jean Hamelin (dir.), 1978 L’histoire orale, Saint-Hyacinthe, Éditions Édisem.
- Jean, Bruno, 1997 Territoires d’avenir. Pour une sociologie de la ruralité, Québec, Presses de l’Université du Québec.
- Jean, Bruno, 2008 « Le développement territorial : une discipline scientifique émergente », dans : Guy Massicotte (dir.), Sciences des territoires, Perspectives québécoises, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2008, p. 283-313.
- Rocher, Guy, 1969 Introduction à la sociologie générale, 3 volumes, Montréal, Hurtubise HMH.