Comptes rendus

Gérard Bouchard, Pour l’histoire nationale. Valeur, nation, mythes fondateurs, Boréal, 2023, 392 p.[Record]

  • Félix Bouvier

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Depuis 2006 s’est déroulé au Québec un important débat quant à ce qui doit être mis de l’avant, ou non, dans l’enseignement de l’histoire au secondaire. Jusqu’à maintenant, Gérard Bouchard, très probablement notre historien vivant le plus important, ne s’en était que très peu mêlé. Par-delà les aspects pédagogiques et didactiques de ce débat, sur lesquels Bouchard s’attarde néanmoins, son enjeu principal concerne dès le début la place que doit ou devrait avoir le thème de la nation en enseignement de l’histoire… nationale. Avec ce très solide et vibrant témoignage, d’une belle érudition, solidement étayé et à de multiples égards pertinent, Bouchard vient probablement de clore ce débat. Du moins y apporte-t-il une contribution dorénavant incontournable. En 2006, le monde québécois de l’enseignement de l’histoire, avec ses intellectuels et ses historiens, qui ne s’intéressaient généralement plus à ces questions depuis des lunes, prit soudainement conscience (Robitaille, 2006; Bouvier et Lamontagne, 2006) que le programme ministériel Histoire et éducation à la citoyenneté, alors en gestation avancée, niait ou marginalisait, autant que faire se pouvait, la nation canadienne, devenue canadienne-française puis québécoise au fil de son histoire depuis le dix-septième siècle, tout comme les questions qui lui étaient intimement liées telles l’oppression ou l’affirmation nationales. Un débat souvent acrimonieux s’est alors ensuivi. Finalement, à la suite du rapport du ministère de l’Éducation rédigé par Jacques Beauchemin et Nadia Fahmy-Eid (2014), le programme fut modifié complètement, avec comme nouveau prisme la question nationale illustrée surtout par l’histoire politique et sociale, plus ou moins à l’opposé, en enseignement de l’Histoire du Québec et du Canada (Gouvernement du Québec, 2017), de ce qui se faisait depuis 2006-2007. Gérard Bouchard fouille ce thème en profondeur, ce qui nous donne « un ouvrage ambitieux qui propose une réflexion d’ensemble sur la genèse, la situation et le devenir de l’histoire nationale et de son enseignement au Québec […], cela incluant une [très solide] réhabilitation de la nation » (p. 7-9). C’est ainsi que les tenants et aboutissants du concept de nation sont examinés, avec des volets comparatifs internationaux souvent éclairants. Pour ce qui est du Québec, la recherche menée concerne les valeurs liées à ce thème national central, surtout depuis le 20e siècle. Cela se fait d’abord à partir d’une étude approfondie des manuels scolaires. L’auteur note, comme Lemieux (2021), que l’approche idéologique de la fameuse Commission Parent des années 1960, bien importante quant à l’enseignement de ce qu’on appelait jusqu’alors l’histoire du Canada, « s’en remettait à l’orientation de ce qu’on a appelé l’École historique de Québec, d’obédience fédéraliste, par opposition à celle de Montréal, plus nationaliste » (p. 56), ce qui se répercuta dans les programmes d’enseignement de 1982 et, évidemment, de 2006-2007 (p. 57). Pour Bouchard, il est étonnant et décevant que, même depuis 2017, « le lien affectif à la nation ne fasse pas partie des finalités de l’enseignement » (p. 64). Pour pallier cela, il fouille nos mythes nationaux, dont le principal est la Conquête – ou Défaite, dirais-je – de 1760, et propose de les intégrer davantage à l’enseignement. Il insiste aussi beaucoup sur l’intégration harmonieuse de la diversité – et des questions autochtones –, sans oublier la masse historique, autrefois si catholique, de ce peuple québécois bellement résilient. Ainsi, nos valeurs historiques à promouvoir « sont les repères dont on s’attend à ce qu’ils orientent le devenir d’une nation, ordonnent ses choix, nourrissent les identités et inspirent les comportements » (p. 80). Quant au pluralisme, sur lequel il insiste, Bouchard rappelle un élément plutôt fondateur de notre récit national, à savoir …

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