Abstracts
Résumé
Cet article a pour objectif de décrire et de comprendre l’expérience des membres des groupes sous-représentés au regard de leur accès à l’emploi et de leur inclusion dans les milieux de travail au Québec. Recourant à un devis de recherche exploratoire, des entretiens semi-dirigés ont été réalisés auprès de 12 personnes appartenant à des groupes sous-représentés (femmes, minorités visibles, personnes handicapées, personnes LGBTQ+). Les résultats mettent d’abord en lumière les situations d’exclusion auxquelles sont confrontées ces personnes. Elles se manifestent par la non-reconnaissance de la valeur des individus dans le milieu de travail, qui résulte en un faible sentiment d’appartenance des personnes à leur organisation. Parmi les différentes stratégies individuelles déployées, certaines conduisent davantage à l’assimilation et à la différenciation qu’à l’inclusion. Si les raisons pour lesquelles les personnes participantes considèrent être dans des situations d’exclusion, d’assimilation ou de différenciation sont nombreuses, il semble qu’elles reposeraient essentiellement, selon les personnes rencontrées, sur des biais inconscients des employeurs. Pour favoriser l’inclusion, les résultats révèlent l’importance de l’ouverture à la diversité, du soutien organisationnel ainsi que de la sensibilisation et de la formation pour lutter contre les préjugés inconscients. La contribution principale de cet article réside dans la mise en évidence des expériences et des situations communes des personnes appartenant pourtant à des groupes différents, en leur donnant la parole.
Mots-clés :
- diversité,
- inclusion,
- gestion de la diversité,
- emploi,
- stratégies individuelles
Abstract
The aim of this article is to describe and understand the experience of members of diversity groups with regard to their access to employment and inclusion in Quebec workplaces. Using an exploratory research design, we conducted semi-structured interviews with 12 people from under-represented groups (women, visible minorities, people with disabilities, LGBTQ+ people). The results highlight the situations of exclusion faced by people from diverse backgrounds, such as not being recognized in the workplace. Often, this then manifests in a weak(er) sense of belonging of to their organization. Among the various strategies deployed to counteract this trend, some lead to assimilation and differentiation more so than to inclusion. Most participants attributed their situations of exclusion, assimilation or differentiation to the unconscious biases on the part of their employers, albeit they likewise mentioned many other reasons. According to the results, inclusion hinges significantly on openness to diversity, organizational support, awareness-raising and training in combating unconscious bias. The main contribution of this article lies in highlighting the common experiences and situations of people belonging to different groups, by giving them a voice.
Keywords:
- diversity,
- inclusion,
- diversity management,
- employment,
- individual strategies
Article body
La manière de concevoir la diversité du personnel en emploi et les situations auxquelles sont confrontées les personnes qui la représentent diffèrent selon les pays et les régions du monde en raison d’une variété de facteurs (Racine et Hallée, 2018). Le contexte socioéconomique, les politiques et les lois du travail, les normes ou les valeurs sociales et professionnelles ainsi que l’état du marché du travail influencent l’accès et le maintien des personnes dans la sphère professionnelle (Beaudry et Gagnon, 2022), notamment pour les individus sous-représentés en emploi.
D’abord, l’accès à un emploi s’avère difficile pour certaines personnes. Historiquement, des groupes se butent à des obstacles d’ordre systémique, soit à des politiques, des pratiques, des traditions ou des valeurs institutionnelles qui ont pour effet de les exclure ou de freiner leur accès à l’emploi (Gouvernement du Canada, 2021). Par exemple, des études montrent que la discrimination persiste au Québec au moment de la présélection des curriculums vitae lorsqu’un nom à consonance étrangère y est inscrit, notamment pour les personnes candidates d’origine arabe ou africaine (Beauregard, 2020; Brière, Fortin et Lacroix, 2018). Qui plus est, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap demeure plus faible que celui des personnes n’ayant pas d’incapacité (Institut de la statistique du Québec [ISQ], 2021). Ainsi, il existe différentes barrières systémiques à l’emploi en fonction du groupe auquel les personnes appartiennent. Ensuite, lorsque la recherche d’emploi est couronnée de succès, les personnes sont susceptibles de rencontrer des obstacles compromettant leur inclusion dans leur milieu de travail. À titre d’illustration, les personnes immigrantes connaissent un taux de surqualification supérieur à celui des personnes natives (Turcotte et Cornelissen, 2020). Si elles accèdent donc à un emploi, ce dernier ne correspond cependant pas aux compétences qu’elles détiennent. Devant les difficultés rencontrées, différentes stratégies individuelles sont adoptées afin, d’une part, d’accéder à l’emploi et, d’autre part, d’y demeurer. Ces stratégies s’inscrivent dans un contexte complexe, certains facteurs organisationnels concourant à l’inclusion des personnes et d’autres favorisant plutôt leur exclusion.
Le présent article s’intéresse au vécu des personnes des groupes sous-représentés quant à leur accès à l’emploi et à leur inclusion dans les milieux de travail au Québec. Dans la province, le législateur[1] considère que les femmes, les personnes handicapées, les minorités visibles et ethniques ainsi que les personnes autochtones subissent des inégalités en emploi. Pourraient s’ajouter les membres de la communauté LGBTQ+[2] qui, selon les études québécoises récentes, sont victimes de discrimination en milieu de travail (Blais, Philibert et Chamberland, 2018). Chacun de ces groupes présente des caractéristiques qui lui sont propres. Même s’ils tendent à rencontrer certains obstacles similaires à l’embauche et en emploi, ils font le plus souvent l’objet d’études distinctes, en vase clos, afin de faire état de leur parcours particulier au regard de l’inclusion. La contribution principale de cet article réside dans la mise en évidence des situations communes aux personnes appartenant à divers groupes, en leur donnant la parole. Il vise donc une meilleure compréhension de leurs expériences de même que des stratégies individuelles ou des comportements adoptés pour accéder à l’emploi et s’y maintenir. Les pratiques organisationnelles font également l’objet d’une analyse afin d’envisager de meilleures options d’inclusion en milieu de travail.
Une recension synoptique des écrits permet de poser les jalons théoriques de l’inclusion dans une première partie. La démarche méthodologique est ensuite exposée, avant d’entreprendre la présentation des principaux résultats qui sont finalement discutés.
La conceptualisation de l’inclusion en milieu de travail
La persistance largement documentée des inégalités et des discriminations en emploi au Canada soulève de nombreuses questions au regard de la capacité des organisations[3] en matière d’inclusion d’un personnel diversifié. La notion d’inclusion prend entre autres appui sur la théorie de la distinction optimale (Optimal Distinctiveness Theory) (Brewer, 1991, p. 477) qui postule que les individus ont tout autant besoin d’être reconnus et de ressembler aux autres que de vivre leur singularité et leur individualité. Dans cet ordre d’idées, l’inclusion correspond à la création d’un environnement au sein duquel les personnes, peu importe leur identité ou leur façon d’être, sont pleinement elles-mêmes, contribuent au collectif comme membres à part entière, sont valorisées dans leur singularité et ont accès à des possibilités intéressantes et significatives (Roberson, 2006; Shore et al., 2011).
Shore et al. (2011) proposent une conceptualisation de l’inclusion en milieu de travail qui repose sur le croisement de deux dimensions : la valeur de la singularité des personnes et l’appartenance au groupe.
L’inclusion et l’exclusion
Dans ce modèle, l’inclusion correspond à la conjugaison d’une valorisation du caractère singulier des personnes à un fort sentiment d’appartenance, possible lorsque celles-ci sont pleinement acceptées comme membres du groupe. Shore et al. (2011) indiquent que lorsqu’une personne n’est pas considérée comme un membre du groupe et que sa valeur unique n’est pas reconnue, elle rencontre des situations d’exclusion. L’exclusion du milieu de travail peut prendre diverses formes (Miminosvili et Černe, 2022), dont le rejet de candidatures, l’ostracisme (Zhao et al., 2016), le harcèlement (Yao, Luo et Zhang, 2020), la médisance (Yao et al., 2020), l’incivilité (Arshad et Ismail, 2018) et le cynisme (Aljawarneh et Atan, 2018). Elle n’est pas sans conséquences pour les personnes et les organisations. Par exemple, elle affecte le bien-être (O’Reilly et Banki, 2016; Scott et al., 2014), l’estime de soi (Sharp, Peng et Jex, 2020) ainsi que l’engagement (Robinson, O’Reilly et Wang, 2013) et elle est associée à des comportements contre-productifs (Hitlan et Noel, 2009).
Figure 1
Modèle de l’inclusion (Shore et al., 2011)
L’assimilation et la différenciation
Sur un continuum allant de l’inclusion à l’exclusion se trouvent des situations d’assimilation et de différenciation. Certaines études conceptualisent l’assimilation comme un transfert de connaissances de l’organisation vers l’individu et une appropriation de la culture organisationnelle qui génèrent un certain nombre de bénéfices instrumentaux, dont la performance dans les tâches (Johannessen, 2018; Miller et Manata, 2020). Cependant, l’assimilation vise l’élimination des différences aux fins d’une acceptation par le groupe (Jean, 2000). Des personnes ont le choix de dévoiler leur différence, parce qu’elle est non visible (p. ex., l’orientation sexuelle ou une incapacité sensorielle comme la surdité partielle). Dans ce cas, l’assimilation peut prendre la forme d’un camouflage de ce qui les distingue, c’est-à-dire que les personnes tentent de cacher leurs différences au groupe. D’autres personnes présentent toutefois des caractéristiques apparentes (p. ex., couleur de la peau, genre ou incapacité physique) qui ne peuvent être dissimulées (Shore et al., 2011). Dans ces situations où la différence est affichée de fait, l’assimilation se manifeste par des comportements de conformité. Si tout individu peut effectivement se conformer aux normes organisationnelles, que ses différences soient visibles ou non, le phénomène est exacerbé pour les personnes qui présentent des différences visibles, ces dernières ayant davantage tendance à supprimer leurs propres valeurs pour prétendre adopter celles de la majorité, alors qu’en réalité, elles ne les partagent pas. Il s’agit donc d’une conformité de façade (Hewlin, 2009; Perrigino et Jenkins, 2023) susceptible de susciter une fatigue émotionnelle. Ce type de fatigue correspond au fait que l’énergie émotionnelle nécessaire à la réalisation du travail est épuisée (Hewlin, 2009). Par exemple, dans une entreprise typiquement masculine, les femmes cadres peuvent tenter d’adopter des attitudes et des comportements qui correspondent à la culture organisationnelle, notamment parce que des stéréotypes sexistes et des barrières liées au genre perdurent. Dans les cultures organisationnelles masculines, les initiatives des femmes cadres, visant par exemple l’instauration de pratiques de gestion participative, demeurent peu soutenues par leurs homologues masculins et ces dernières font souvent face à la nécessité de se plier à la volonté de la majorité (Eliev et Bernier, 2003). Cette adaptation constante est à même de susciter une fatigue importante. Dans cet exemple, la caractéristique qui différencie les personnes est liée au genre et ne peut être cachée. Eliev et Bernier (2003) se demandent comment seraient interprétées ces initiatives si elles étaient plutôt le fait de collègues masculins. La nécessité de s’adapter et de renoncer à certaines idées ou valeurs serait-elle du même ordre? La question se pose par ailleurs pour les collègues masculins qui présentent une différence non visible et non dévoilée (p. ex., être une personne gaie ou neuroatypique).
La différenciation consiste, quant à elle, en une valorisation de la singularité des personnes sans qu’elles soient considérées comme parties prenantes à part entière du groupe (Shore et al., 2011). Les différences individuelles sont alors abordées sous l’angle des avantages escomptés (El Abboubi et Cornet, 2013), les organisations pouvant en tirer des bénéfices. Par exemple, certains avantages découlant de la féminisation de la police sont parfois perçus dans ce milieu, les policières étant considérées comme compétentes pour intervenir dans des situations liées à leurs qualités dites « naturelles », comme lors des différends familiaux (Boussard, Loriol et Caroly, 2007). La valorisation des différences en milieu de travail (Ely et Thomas, 1996) peut cependant conduire à l’exacerbation des stéréotypes accolés à certains groupes (par exemple, des compétences dites féminines ou masculines ou des traits culturels distincts) (Haas et Shimada, 2014) et être la source de discrimination. À titre d’illustration, chez les policières, elle conduit à une division genrée du travail, certaines tâches leur étant assignées, alors qu’elles sont davantage exclues d’autres types de tâches, associées aux compétences masculines comme le travail de brigade (Boussard, Loriol et Caroly, 2007).
Éviter l’exclusion : les stratégies individuelles déployées pour accéder à un emploi et s’y maintenir
Certaines stratégies sont adoptées par les personnes des groupes sous-représentés pour obtenir un emploi et s’y maintenir. Si ces stratégies ne mènent pas nécessairement à une situation d’inclusion sur le plan de l’appartenance et de la valorisation de leur singularité, elles visent néanmoins à éviter l’exclusion. La littérature se fait cependant plutôt discrète à ce sujet, étant plus axée sur les stratégies organisationnelles que sur celles adoptées par les individus. En revanche, quelques études mettent l’accent sur la conformité aux normes culturelles du groupe dominant (Hogg et Turner, 1987) et le fait que les personnes des groupes sous-repésentés adoptent certaines de ses caractéristiques (Shore et al., 2011) et masquent leurs connaissances (Miminoshvili et Černe, 2022). À titre d’illustration, pour accéder à un emploi, des personnes racisées utilisent des techniques de « blanchiment » de leur curriculum vitae, comme la modification de leur nom, l’omission de certaines expériences ou l’ajout d’expériences dans des milieux typiquement blancs (Kang et al., 2016). Une fois en emploi, il s’avère parfois difficile pour les personnes immigrantes de créer un lien de confiance avec leurs collègues. En effet, puisqu’elles estiment que leurs connaissances et leurs idées ne sont ni respectées ni considérées, les personnes immigrantes tendent à dissimuler celles-ci. Il leur devient ardu de coopérer et d’apporter leur aide dans l’équipe (Miminoshvili et Černe, 2022). Dans le même ordre d’idées, Lhuilier et Waser (2014) évoquent la stratégie de dissimulation des personnes atteintes du VIH en milieu de travail qui choisissent de taire leur diagnostic pour éviter la stigmatisation pouvant en découler.
Les facteurs organisationnels d’inclusion lors de l’embauche et en emploi
Outre les stratégies adoptées par les personnes des groupes sous-réprésentés pour éviter l’exclusion, certaines actions déployées par des organisations contribuent à l’inclusion en emploi. Les initiatives ou les projets ponctuels, qui ne concernent que les groupes sous-représentés, ne suffisent pas à créer un milieu de travail inclusif (Brière et al., 2022). Il s’agit plutôt d’adopter une perspective proactive en apportant des changements profonds qui touchent l’ensemble de l’organisation (Beaudry et Gagnon, 2019; Barel et Frémeaux, 2013). L’adoption d’une orientation préventive, axée d’une part sur les politiques et les pratiques formelles de gestion des ressources humaines et, d’autre part sur la lutte contre la discrimination et les inégalités, est alors privilégiée dans la visée d’instaurer une culture organisationnelle inclusive (Shore, Cleveland et Sanchez, 2018).
Dans une optique préventive, les actions concernent entre autres les politiques et les pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) (Cornet et Warland, 2008; El Abboubi et Cornet, 2013; Shore, Cleveland et Sanchez, 2018; Triana et al., 2021), comme la dotation, l’évaluation du personnel ou la gestion de carrière. Il s’agit d’abord d’en faire l’analyse pour repérer les effets de discrimination et d’exclusion que ces politiques et ces pratiques génèrent (Commission des droits de la personne et de la jeunesse [CDPJ], 2003). En effet, les mesures ou les décisions qui en découlent sont potentiellement désavantageuses pour les membres de certains groupes. Par exemple, un test d’aptitudes physiques à l’embauche fondé sur des standards masculins est discriminatoire envers les femmes. Les normes gagnent alors à être revues pour refléter les exigences réelles du poste. L’analyse doit également se pencher sur l’objectivité des règles et des procédures découlant des politiques et des pratiques (CDPJ, 2003). Lorsque ces règles et ces procédures sont floues, subjectives ou informelles, elles laissent place à des décisions arbitraires, au sein desquelles peuvent s’insérer des biais cognitifs. Ces biais correspondent à des attitudes ou à des stéréotypes qui, sous la forme de raccourcis mentaux, affectent la compréhension, les actions et les décisions de manière inconsciente, involontaire et non intentionnelle (Brière et al., 2022). À titre d’illustration, lorsque le processus d’évaluation du personnel ne repose sur aucun critère objectif et établi, le risque que la personne qui évalue s’appuie sur ses perceptions plutôt que sur des faits est plus élevé. Par exemple, il pourrait s’agir du biais de confirmation (Brièreet al., 2022) qui consiste à ne considérer que les comportements, les attitudes ou les réalisations du personnel évalué confirmant les croyances qu’entretient à leur égard l’individu qui évalue. Le climat organisationnel tend donc vers un climat d’inclusion lorsque les facteurs de discrimination et d’exclusion sont reconnus et que des actions sont prises pour les enrayer (Ashburn-Nardo, Morais et Goodwin, 2008). Une telle démarche appelle une modification des politiques et des pratiques, selon l’analyse réalisée, pour agir à la source et éliminer les facteurs de discrimination et d’exclusion.
La modification des politiques et des pratiques de gestion des ressources humaines ne suffit cependant pas. En plus de l’adoption de pratiques préventives, le management gagne à s’orienter vers la promotion de la diversité (Shore, Cleveland et Sanchez, 2018) et à favoriser une culture d’inclusion. Cette culture d’inclusion repose entre autres sur des normes et des valeurs qui prônent le respect mutuel, l’ouverture et l’altérité (Chavez et Weisinger, 2008). Elle nourrit un climat au sein duquel chaque personne se sent valorisée et appréciée en tant que membre de son organisation (Mor Baracket al., 2016). Une telle culture contribue au sentiment qu’ont les personnes que leurs connaissances, leurs perspectives singulières et leurs antécédents sont considérés dans l’environnement de travail (Nishii, 2013). Il s’agit dès lors de lancer un signal visible quant à l’engagement de l’organisation au regard des enjeux de la diversité (Avery et al., 2007). Les efforts portent également sur la modification des modes de prise de décision, pour assurer la participation de toutes les personnes concernées (Nishii et Rich, 2014).
Méthodologie
Cet article a pour objectif de décrire et de comprendre l’expérience des personnes membres des groupes sous-représentés en emploi au regard de leur inclusion dans les milieux de travail au Québec. Plus précisément, il s’agit de faire état de situations vécues dans leurs démarches d’accès au marché du travail et au maintien en emploi, des stratégies individuelles adoptées et des facteurs organisationnels facilitant l’inclusion.
Une démarche de recherche qualitative
Recourant à un devis de recherche exploratoire, la présente étude s’appuie sur une démarche méthodologique qualitative qui s’inscrit dans un paradigme épistémologique constructiviste postulant l’existence de multiples réalités socialement construites (Guba et Lincoln, 1989). Puisque cet article s’intéresse au point de vue des personnes, la recherche qualitative est pertinente en ce qu’elle offre l’avantage d’explorer en profondeur les expériences reliées à un phénomène social, celui de l’inclusion dans les milieux de travail, et d’en dégager une certaine signification (Stroebe et Schut, 2003). Elle permet de saisir la manière dont ces personnes se représentent la réalité et s’y ajustent. Dans cette visée, le recours à l’entretien individuel semi-directif a été privilégié, soit l’animation souple, par un chercheur ou une chercheuse, d’une interaction verbale ressemblant à une conversation et visant une compréhension riche du phénomène à l’étude, coconstruite avec la personne interviewée (Savoie-Zajc, 2016).
Après examen de la littérature, certaines thématiques se sont avérées peu explorées du point de vue des personnes des groupes sous-représentés. Plus précisément, un guide a préalablement été construit autour des trois thèmes centraux de la recherche : les situations vécues relatives à l’accès à l’emploi et au maintien dans le milieu de travail, les stratégies adoptées par les membres des groupes sous-représentés de même que les facteurs organisationnels contribuant à leur inclusion. La construction du guide a également fait l’objet de discussions avec des responsables d’organismes d’aide à l’emploi qui soutiennent notamment les personnes immigrantes et les personnes handicapées.
La population à l’étude et l’échantillonnage
La population à l’étude est celle des personnes sous-représentées sur le marché du travail au Québec. À cet égard, le législateur[4] a ciblé cinq groupes historiquement victimes de discrimination en emploi :
les femmes;
les minorités visibles : personnes autres qu’Autochtones qui ne sont pas de race blanche et qui n’ont pas la peau blanche;
les minorités ethniques : personnes autres qu’Autochtones ou minorités visibles dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais;
les personnes handicapées : personnes ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante, sujettes à rencontrer des obstacles dans la réalisation des activités courantes;
les personnes autochtones : peuples des Premières nations, Inuit ou Métis du Canada.
Qui plus est, des études montrent que la discrimination et le harcèlement envers la main-d’oeuvre LGBTQ+ persistent dans les milieux de travail (Blais, Philibert et Chamberland, 2018; Cech et Pham, 2017; Sears et al., 2021). Or, l’identité et l’expression de genre[5] ainsi que l’orientation sexuelle[6] sont des motifs de discrimination prohibés par la Charte des droits et libertés de la personne. Bien que la communauté LGBTQ+ soit actuellement exclue des lois sur l’équité en matière d’emploi, des réflexions sont en cours pour intégrer cette communauté aux groupes d’équité en matière d’emploi[7]. C’est dans cette perspective que les membres de la communauté LGBTQ+ sont donc retenus pour la présente étude en plus des groupes identifiés dans la loi. Les critères d’admissibilité suivants ont guidé la sélection des personnes participantes : 1) elles devaient s’identifier à l’un ou à plusieurs de ces groupes; 2) elles devaient, au cours des cinq dernières années, avoir occupé un emploi au Québec.
Il importe de mentionner que l’étude réalisée s’inscrit dans le courant des recherches sensibles, c’est-à-dire génératrices de menaces pour les personnes impliquées (Hennequin, 2012). Ces menaces peuvent prendre trois formes : intrusives, de sanction ou politiques (Lee et Renzetti, 1990). Dans le cas de cette étude, il s’agissait de menaces intrusives, puisque la participation pouvait s’avérer anxiogène en raison des questions concernant la sphère privée et posées à des personnes en situation de vulnérabilité. Par ailleurs, malgré la mention de la confidentialité du processus et des résultats, certaines personnes pouvaient craindre d’être identifiées, en raison du recoupement d’informations sur leur profil distinctif (emploi occupé et caractéristiques personnelles) et donc de subir des sanctions à la suite de leur témoignage (comme la perte d’un emploi ou du harcèlement). Dans ce contexte, le recrutement s’est avéré laborieux et itératif.
L’échantillon théorique, de nature intentionnelle de type non probabiliste cadre bien avec la recherche sensible (Gagnon, Beaudry et Deschenaux, 2019). En effet, considérant l’objet à l’étude, aucune liste de participants et de participantes potentiels n’était disponible. Une stratégie de « visibilisation de l’intention de recherche » (Damazière et Zune, 2019) a donc été adoptée[8].
Outre le thème de la recherche à caractère sensible, il convient d’évoquer le concept de research fatigue (Clark, 2008) qui se manifeste entre autres par la réticence ou le refus de s’engager dans un projet de recherche. Il survient notamment lorsqu’un groupe a déjà fait l’objet de nombreuses études (Racine, 2020), ce qui est le cas des personnes autochtones au Canada qui ont fréquemment été sollicitées par la communauté scientifique (Castellano, 2004). C’est l’une des raisons pour lesquelles certains groupes sous-représentés ne font pas partie de l’échantillon de la présente étude. Même si les membres de chacun d’entre eux ont été invités à participer, l’équipe de recherche a choisi de ne pas insister pour éviter de contribuer à cette « fatigue de recherche ». C’est ainsi que l’échantillon est composé de 12 personnes appartenant à quatre des six groupes sous-représentés (tableau 1), soit :
les femmes, dont celles travaillant dans un secteur à prédominance masculine;
les minorités visibles qu’elles soient immigrantes ou nées au Canada;
les personnes handicapées;
les personnes LGTBQ+.
Aucune personne s’identifiant comme Autochtone ou membre d’une minorité ethnique n’a donc participé. Le processus de collecte des données a pris fin lorsque la saturation théorique a été atteinte, soit au moment où les entretiens n’apportaient plus de nouvelles informations.
Tableau 1
Répartition des personnes participantes
*Afin de préserver l’anonymat, le prénom des personnes participantes a été modifié. Les informations dévoilées sur leurs caractéristiques demeurent limitées pour éviter l’identification des personnes par recoupement.
Collecte et analyse des données qualitatives
Les entretiens individuels, d’une durée moyenne de 60 minutes, ont été réalisés en mode virtuel, par le biais d’une plate-forme de visioconférence protégée[9]. Les témoignages recueillis ont fait l’objet d’une analyse thématique, guidée par l’objectif de la recherche. Une arborescence formée de trois niveaux (Paillé et Mucchielli, 2021) a été développée, permettant de diviser le corpus des données selon les trois thèmes à l’étude (situations vécues, stratégies et facteurs d’inclusion). Les deux autres niveaux découlent des codes émergents puisés dans le discours des personnes participantes. D’abord, six sous-thèmes ont été dégagés : les perceptions des employeurs, le dévoilement, le choix de l’emploi/secteur, la sensibilisation, le soutien organisationnel et les pratiques de gestion[10].
Résultats
Les entretiens ont été l’occasion pour les personnes participantes de s’exprimer sur les situations vécues au Québec concernant leur accès à l’emploi et leur inclusion dans leur milieu de travail. Elles ont également pu rendre compte des stratégies déployées tout au long de leur parcours professionnel pour lutter contre ces difficultés. Finalement, elles ont réfléchi aux facteurs organisationnels favorisant l’inclusion, à la lumière de leur propre expérience.
Les situations vécues en matière d’inclusion : des expériences communes aux différents groupes sous-représentés dans l’accès en emploi et dans le milieu de travail
Les situations vécues par les personnes sous-représentées en emploi sont marquées par un certain nombre d’obstacles qui s’échelonnent tout au long de leur parcours, autant lors de la recherche d’un emploi que dans le cadre des activités professionnelles. Bien que les marqueurs identitaires s’avèrent distincts selon les personnes participantes, des situations communes se dégagent. Ce sont d’ailleurs ces expériences partagées par les membres des différents groupes qui sont expliquées avec le plus d’insistance lors des entrevues. Ils témoignent le plus souvent des perceptions et des attitudes des employeurs à leur égard, prenant la forme de préjugés, comme l’illustre Marwa en évoquant son expérience avec les personnes responsables de son recrutement :
Les personnes sont vraiment rapides à juger les minorités visibles. On pense aux problèmes qu’on voit dans les médias. Ce sont toujours les Arabes qui causent des problèmes. Juste parce que je suis Arabe, ça ne veut pas dire que moi je cause beaucoup de problèmes. Ça fait que c’est une grande difficulté pour les minorités visibles de travailler.
Marwa, femme et minorité visible née au Canada
Les personnes rencontrées disent combien ces préjugés s’avèrent blessants, tout en ajoutant qu’ils demeurent inconscients chez ceux qui les énoncent. Ils sont alimentés par une méconnaissance de leur situation. Les employeurs confrontés à des expériences ou à des situations peu connues ou nouvelles réagissent parfois par l’évitement. Comme l’explique Lucas, par crainte de commettre un impair ou de créer un malaise, la réaction première de l’employeur est parfois de fuir les discussions autour de certains thèmes :
Je pense que la grande majorité des comportements ou même des mots blessants qui véhiculent des préjugés viennent de gens qui ne sont même pas mal intentionnés. Ils sont justes ignorants. Parfois aussi, c’est la peur de blesser l’autre. On est tous pareils, on a peur de se mettre les pieds dans la bouche. Ce qu’on fait dans ce temps-là? On ignore la personne pour éviter de se tromper, pour ne pas la blesser.
Lucas, homme homosexuel
Les craintes des employeurs, qui découlent de préjugés et d’une méconnaissance des différents groupes, ne sont pas sans conséquences, notamment parce qu’elles bloquent l’accès à l’emploi. Les personnes participantes indiquent que l’embauche d’un membre d'un groupe sous-représenté est perçue comme un processus complexe induisant une charge supplémentaire pour les employeurs. L’inclusion s’avère impossible, alors même que l’accès à l’emploi est freiné par ces réticences. C’est particulièrement vrai pour les personnes en situation de handicap qui témoignent des nombreux refus à la suite d’entrevues de sélection :
C’est vraiment la peur de l’inconnu des employeurs. Eux, ce qui les inquiète, c’est ma sécurité. Je voulais un travail en loisir avec une clientèle autiste. [Les recruteurs] m’ont donné des bons commentaires, mais ils ne pouvaient pas me donner la formation d’autodéfense parce qu’ils pensaient que je ne serais pas capable de la suivre. Sinon, j’aurais probablement eu le travail. Je ne sais pas si ce sont des excuses ou des vraies raisons, mais il y a toujours quelque chose qui m’empêche d’aller jusqu’au bout.
Martin, homme handicapé (handicap physique)
S’ils ont le choix entre moi et une autre personne, ils vont aller vers l’autre personne. Ça me limite.
Suzie, femme handicapée (maladie invalidante)
La recherche d’emploi par les femmes dans les secteurs d’activité à prédominance masculine s’avère également ardue, parce que les employeurs craignent qu’elles ne puissent pas accomplir toutes les tâches, comme l’évoque Xiu :
C’était quand même stressant de chercher un emploi. Je savais que ça serait difficile. Je venais de sortir de l’école et je suis une femme. [Les employeurs] préfèrent les gars parce qu’ils sont plus forts. Oui, c’est sûr.
Xiu, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Asie travaillant dans un secteur à prédominance masculine
La difficulté d'accès à l'emploi frappe également les membres de minorités visibles, surtout les personnes immigrantes. Celles-ci mettent l’accent sur l’importance de l’expérience de travail au Québec au-delà de l’obtention des diplômes. Selon elles, les employeurs accorderaient plus de valeur à cette expérience, comme gage de compétence, qu’aux études réalisées. Qui plus est, une fois en poste, les compétences des personnes immigrantes acquises à l’étranger sont mises en doute. Les répercussions sont importantes, parce qu’elles n’ont pas le sentiment d’apporter leur pleine contribution à leur équipe de travail :
J’ai vécu beaucoup de difficultés à trouver un emploi. Beaucoup, énormément de difficultés. Je faisais beaucoup d’entrevues, mais à chaque fois, c’était « vous avez les compétences, vous avez le diplôme, mais on trouve que vous n’avez pas assez d’expérience ». Ils trouvaient toujours une petite raison, toujours le « oui, mais… ».
Marie, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Afrique
Les gens qui proviennent de l’Afrique francophone parlent déjà français. La plupart sont des universitaires et ils ont déjà une certaine expérience significative du travail. Le vrai problème quand les gens arrivent ici, c’est une certaine désillusion, parce qu’en dépit de tout ce qu’ils ont comme bagage, il y en a certains qui ont de la difficulté à se faire reconnaître leurs diplômes. Quand on a un immigrant de ce type-là au sein de son entreprise, généralement l’employeur n’exploite pas toutes ses compétences comme il faut. On n’exploite pas tout le potentiel de ces personnes-là. On les cantonne à une tâche bien précise […] Dans mon organisation, j’ai postulé sur un poste. Je répondais à tous les critères. Entre-temps, parce que je travaillais très bien, ma directrice m’a demandé de former une nouvelle collègue. Donc, je lui ai appris comment ça fonctionne et je l’ai soutenue pour qu’elle puisse devenir indépendante dans son travail. Ensuite, à ma grande surprise, on m’apprend que ma candidature n’a pas été retenue et, quelques jours après, j’apprends que la collègue que j’ai formée avait eu le poste.
Ahmad, homme, minorité visible et immigrant originaire d’Afrique
Les réticences des employeurs se manifestent non seulement à l’étape de l’embauche, mais également une fois que les personnes occupent un poste. Si ces réticences risquent d’affecter la répartition des tâches et leur progression de carrière, elles peuvent même mener à une perte d’emploi. C’est le cas de Mathias :
Je voulais continuer à travailler en restauration, parce que je développais un intérêt pour me former comme chef. Je ne me sentais pas à l’aise de dire à des personnes avec qui je travaillais que j’étais trans et que mon pronom c’était « il ». C’est rare que j’en parlais. Mais, la fois où je me sentais prêt à devenir chef, j’en avais parlé. Pour eux c’était impossible qu’il puisse y avoir une personne qui soit dans cette situation-là, parce que ça créait trop de confusion pour la clientèle. En tout cas, j’ai eu un renvoi par rapport à ça. Ça a été quand même un coup dur.
Mathias, personne trans
Les stratégies individuelles déployées sur le marché du travail
Devant ces différentes situations où l’inclusion s’avère difficile, les personnes rencontrées ont déployé diverses stratégies, notamment celles liées au dévoilement de leurs caractéristiques personnelles. À cet égard, Lucas exprime le dilemme devant lequel se trouvent les membres de certains groupes sous-représentés au regard de la divulgation de leurs caractéristiques personnelles :
Il y a deux choix : soit qu’on devient aussi blanc que le mur derrière, soit qu’on met ça de l’avant tout de suite. Il y a des gens qui sont tellement habitués à se fondre dans les murs, à être tellement transparents, à pas vouloir qu’on les voie. Mais, en réalité, ils veulent juste être eux-mêmes. Ce n’est pas un caprice d’être soi-même, mais malheureusement, il y a des gens qui pensent que ça l’est.
Lucas, homme homosexuel
Certaines personnes choisissent donc de camoufler des aspects de leur identité ou leurs caractéristiques, lorsque c’est possible. Marie explique par exemple qu’elle modifie son curriculum vitae de peur de ne pas être contactée pour une entrevue. Elle masque donc les indices qui peuvent laisser deviner ses origines :
J’en étais arrivée à un point où j’enlevais mon nom de famille. Donc, dans mon CV, j’écrivais Marie. J’enlevais mon nom de famille. Vous voyez comment ça peut aller loin. C’est comme rentrer dans les rangs pour voir si ça marche.
Marie, femme, minorité visible, immigrante originaire d’Afrique
Dans le même ordre d’idées, Audrey, comédienne, évite, dans la mesure du possible de faire part de son handicap cognitif aux employeurs :
Je ne veux pas me cacher. Ce n’est pas de la honte, pas du tout. Je l’assume, mais j’ai de la difficulté à en parler aux réalisateurs par peur qu’ils ne me prennent pas pour un rôle. Aussi, le syndrome ne me définit pas. Pourquoi j’en parlerais, sauf s’il y a une journée où j’ai de la difficulté à me contrôler sur le plateau? Parfois, je sens que ça va être une journée difficile, alors je le dis. Mais, sinon, je ne le dis pas.
Audrey, femme handicapée (handicap cognitif)
Le dévoilement s’effectue donc par étapes, selon la situation. Bien entendu, certaines caractéristiques individuelles sont visibles et leur présence ne pose pas ce dilemme. Il s’agit d’un questionnement qui est suscité avec plus d’acuité pour les personnes LGBTQ+ et celles qui vivent avec un handicap non visible, par exemple.
Les témoignages mettent en lumière d’autres stratégies déployées pour accéder au marché du travail et s’y maintenir. Parmi celles-ci, le choix de l’emploi est particulièrement important. Les personnes rencontrées se dirigent davantage vers des secteurs qu’elles perçoivent comme plus ouverts à la diversité :
Des minorités visibles se disent qu’elles ont plus de chance quand elles postulent à des emplois dans l’administration publique ou dans les universités. Même si elles peuvent être victimes de discrimination dans ces secteurs, ça va être moindre. C’est une chose qu’on entend beaucoup. C’est beaucoup plus diversifié dans le public que dans le privé.
Ahmad, homme, minorité visible et immigrant originaire d’Afrique
Les personnes participantes décident parfois de changer d’emploi lorsqu’elles ont le sentiment de ne pas être valorisées ou acceptées dans leur singularité. C’est alors l’occasion pour elles de mettre cartes sur table avec leur nouvel employeur et d’assumer pleinement leurs caractéristiques identitaires :
On était au début de ma transition. Je n’avais pas encore demandé de changer de nom et de changer le pronom utilisé. Ça me créait trop de stress d’essayer de faire un « coming out » dans un milieu où je travaillais avec une clientèle aisée. Donc, j’ai changé d’emploi. J’ai passé une entrevue avec le directeur, puis j’ai décidé que je lui disais que j’étais en processus de transition. J’ai pris mon courage à deux mains.
Louis, personne trans non binaire
D’autres personnes choisissent également le statut d’entrepreneur ou de travailleur autonome pour ne dépendre que d’elles-mêmes et ne plus être confrontées à l’exclusion ou encore par dépit, faute d’un emploi stable :
J’ai décidé de partir à mon compte. Je me suis dit : « Je vais créer mon travail, parce que ce n’est pas vrai que je vais encore subir … ».
Mathias, personne trans
Je monte sur scène, je suis travailleur autonome. J’aime l’humour, c’est ce qui me permet de vivre un peu. Mais c’est sûr que j’aimerais avoir un emploi plus stable. Puis je mérite un emploi plus stable. J’aimerais avoir un emploi et faire ma passion en même temps.
Martin, homme handicapé (handicap physique)
Des situations particulières et des stratégies à la pièce
Outre les difficultés mentionnées jusqu’à maintenant, et qui se posent pour la plupart des personnes rencontrées, des obstacles particuliers freinent l’inclusion de certains groupes. C’est le cas de l’adaptation physique des lieux de travail. À cet égard, Suzie et Martin, deux personnes dont la mobilité est réduite, évoquent l’absence de mains courantes, d’ascenseurs, de rampes d’accès qui complique leurs déplacements dans les espaces de travail. Les lacunes au regard de l’adaptation des milieux concernent également les personnes trans qui mentionnent les espaces genrés en entreprise :
C’est stressant quelquefois, parce que, dépendamment où on est rendu dans notre transition, on ne se sent pas à l’aise d’aller dans les toilettes des femmes ou des hommes si elles ne sont pas mixtes. Donc, j’essayais le plus possible d’éviter les toilettes.
Louis, personne trans non binaire
Les stratégies adoptées relèvent donc de l’évitement pour Louis. Dans le cas de Suzie, elle demande à l’employeur de pallier les entraves à sa mobilité, par exemple en tenant les réunions au rez-de-chaussée.
La question de la surqualification est également abordée par les personnes immigrantes s’identifiant comme membre de minorité visible. Ahmad et Marie expliquent en effet que différents emplois leur ont été refusés en raison de leurs trop nombreux diplômes pour le poste à pourvoir. Or, les postes requérant effectivement tous les diplômes qu’ils détenaient s’avéraient également inaccessibles en raison de leur manque d’expérience en sol québécois. Il s’agit donc d’un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
Devant cette situation, la stratégie de Marie consiste à devenir son propre employeur et à se lancer dans l’entrepreneuriat :
En fait, j’ai vécu beaucoup de difficultés et c’est là qu’est venue l’idée de créer mon propre emploi. Donc c’est là que ç’a commencé à germer dans ma tête en me disant : « Personne ne veut me prendre, il faut que je trouve un emploi pour moi. » Et c’est un peu comme ça que j’ai commencé à être entrepreneure sociale et à partir un projet.
Marie, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Afrique
Quant à Ahmad, il explique modifier son CV en conséquence :
J’ai eu recours à un organisme qui aidait les immigrants à trouver un emploi à l’extérieur de Montréal. On m’a dit que tous mes diplômes pouvaient poser un problème. Le conseiller m’a dit d’indiquer tout au plus ma maîtrise, peut-être même pas ma maîtrise. J’ai décidé de ne plus inscrire mon doctorat dans mon CV. C’est comme ça que j’ai eu mon poste dans la fonction publique.
Ahmad, homme, minorité visible et immigrant originaire d’Afrique
Les femmes travaillant dans des milieux à prédominance masculine expliquent quant à elles subir du harcèlement qui se manifeste par des gestes déplacés, comme en témoigne notamment Xiu :
Les gars, à mon ancien travail, ils étaient vraiment cons. Ils écoutaient des vidéos de pornographie. Je me demandais ce qui se passait. Ils ont décidé de me la montrer. C’était dégueulasse. Aussi, ma collègue menuisière, il y a un gars qui lui tapait les fesses.
Xiu, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Asie travaillant dans un secteur à prédominance masculine
Pour prévenir ces situations, Xiu explique qu’elle en parle avec ses collègues et ses patrons et qu’elle pose ses limites.
Les facteurs qui contribuent à l’inclusion des personnes dans les milieux de travail
Les personnes rencontrées en entrevue ont été invitées à réfléchir sur les facteurs organisationnels contribuant à l’inclusion en milieu de travail, à partir de leurs propres expériences.
La sensibilisation et la formation
Ce sont avant tout les aspects humains qui sont évoqués de manière constante dans les témoignages recueillis, ce qui s’explique notamment par le fait que les attitudes et les préjugés des employeurs constituent les obstacles les plus importants selon elles. À cet égard, la sensibilisation des employeurs, voire de l’ensemble du personnel, aux réalités des personnes des groupes sous-représentés constitue une étape essentielle à leur inclusion. Celle-ci passe notamment par des pratiques formelles, comme la formation et le recours à des ressources externes, mais également par des pratiques informelles, relevant davantage des discussions entre les personnes. Lucas évoque par exemple des pratiques formelles qu’il convient de déployer progressivement :
Le secret, c’est dans la connaissance, dans la formation. On voudrait que les changements arrivent du jour au lendemain, mais il y aura toujours des gens réfractaires pour plusieurs raisons. Il faut briser ces barrières-là avec la formation. Y aller en douceur avec des midis-conférences, des ateliers, peu importe comment on appelle ça.
Lucas, homme homosexuel
Il en va de même de Louis qui insiste sur l’importance d’avancer à petits pas :
Moi, je pense qu’il faudrait des formations sur la diversité sexuelle et de genre dans les milieux de travail. Pas besoin de quelque chose de 75 heures! Une petite formation pour se mettre à jour. Comme gestionnaire, ça peut être utile. Ça pourrait arriver qu’un employé te demande d’utiliser le pronom « iel » ou « il ». Il faut que tu sois au courant de ces aspects-là. Ça fait partie des pratiques, tout comme sensibiliser les autres quand ils se trompent.
Louis, personne trans non binaire
Mathias souligne par ailleurs que l’expertise n’est pas nécessairement disponible dans l’organisation et que le recours à des ressources externes est pertinent :
Il y a aussi le devoir de l’employeur ou du gestionnaire d’aller chercher des personnes-ressources adéquates pour faire des formations.
Mathias, personne trans
Ahmad relève finalement la possibilité de proposer des activités moins structurées qui ouvrent la voie aux discussions plus libres :
Dans la fonction publique, il y a beaucoup de diversité. La sensibilisation est grande. Il y a des formations obligatoires sur les biais. Aussi, dans certains ministères, on accorde un espace de parole aux personnes qui font partie des groupes désignés. Elles peuvent dire ce qu’elles ressentent. Ça permet vraiment de régler les problèmes. Parfois, les gens, ce n’est pas parce qu’ils sont racistes, c’est parce qu’ils ne sont pas conscients de ce qu’ils disent ou de ce qu’ils font. Le fait d’avoir un espace commun où on peut vraiment discuter de cette question-là à coeur ouvert, ça permet vraiment de grandir ensemble.
Ahmad, homme, minorité visible et immigrant originaire d’Afrique
Le soutien social
Une fois les membres de l’organisation sensibilisés, le soutien de l’employeur et des collègues devient possible. Lorsque les personnes participantes évoquent des expériences positives en emploi, elles mettent surtout l’accent sur ce soutien social qui prend diverses formes, notamment procurer de l’information et des outils nécessaires pour réaliser adéquatement le travail, mais également sur le plan humain, comme adopter une attitude empathique et s’intéresser sincèrement à elles. Plusieurs extraits d’entretiens mettent en exergue l’importance de ce soutien social :
Ma patronne avait mis toutes les conditions nécessaires pour que je fasse mon travail. Elle était très ouverte. Elle m’a donné tous les outils. Elle était très présente pour moi sur tous les points.
Ahmad, homme, minorité visible et immigrant originaire d’Afrique
Avoir des gens qui sourient. C’est très important des gens qui vous sourient. Parce que parfois, on a des questions, et quand on trouve des personnes accueillantes, c’est plus facile. Aussi, il faut essayer de comprendre d’où vient l’immigrant. Il a vécu comment, comment il entrevoit les choses? Comprendre son vécu pour mieux l’accompagner. Et avoir une vision positive de la personne. Elle n’est pas là pour prendre quelque chose, mais pour apporter quelque chose à l’entreprise.
Françoise, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Afrique
J’aime ça quand le monde me pose des questions sur mon origine parce que ça veut dire qu’il s’intéresse à moi. J’aime expliquer de quelle région je viens. Je me sens accueillie.
Qi, femme, minorité visible et immigrante originaire d’Asie travaillant dans un secteur à prédominance masculine
Il y a deux responsabilités : qu’eux, ils s’informent et que nous on en parle. Si les personnes atteintes n’en parlent pas, ça crée des malaises. Ils vont se dire : on ne sait pas quoi faire, parce qu’elle n’en parle pas, donc on va faire comme si de rien n’était! Mais, c’est pire. Puis, eux, ils doivent s’informer. C’est bien quand ils demandent : « As-tu des moments qui te stressent plus? Comment tu vas aujourd’hui? » C’est ça qu’il faut dans le milieu de travail, c’est la communication entre les deux.
Audrey, femme handicapée (handicap cognitif)
Comme gestionnaire, tu dois te réserver du temps pour connaître la personne. Ça peut être de demander comment elle veut qu’on la prénomme, quel pronom on utilise. Après, ça peut être de poser des questions sur les enjeux qu’elle vit au quotidien. Alors, c’est plus facile de t’adapter à sa réalité. Parfois, on pense que la personne est incompétente, mais non. Elle vit juste des enjeux au quotidien.
Mathias, personne trans
L’accent est donc mis sur le soutien social disponible dans l’organisation. C’est le thème qui est évoqué avec le plus d’insistance par les personnes participantes. À cet égard, Louis fait part d’une situation particulière dans laquelle le soutien manifesté par ses collègues a fait d’eux de véritables alliés :
C’était vraiment un peu plus difficile avec la clientèle pendant ma transition. Parfois, ça donnait des situations un peu malaisantes. Quand les clients me mégenraient, pas intentionnellement, mes collègues redisaient mon nom plus fort : « Oui, mon collègue LOUIS va vous aider ». Donc, j’ai eu le soutien des gens avec qui je travaillais.
Louis, personne trans non binaire
La formalisation des pratiques
Dans le même ordre d’idées, Lucas explique l’importance de formaliser les pratiques par la création de réseaux d’alliés et d'alliées. De tels réseaux permettent d’établir un lieu d’expression sûr pour les personnes LGBTQ+ par exemple, mais qui pourraient s’avérer pertinents pour d’autres groupes :
Dans les milieux, il peut y avoir un réseau d’alliés. On invite chaque milieu à identifier une personne dans l’entreprise. On met un « sticker » sur sa porte pour l’identifier. Ça veut dire qu’il y a cette personne à qui on peut parler sans jugement, c’est un lieu neutre. C’est une étape importante d’identifier un lieu, une personne à l’intérieur de l’entreprise qui est là pour m’écouter, pour m’entendre, pour prendre ma défense, pour référer au besoin vers une autre instance.
Lucas, homme homosexuel
Ce réseau d’alliés et d'alliées constitue une démonstration forte de l’ouverture à la diversité dans l’organisation, laquelle s’avère un facteur d’inclusion important pour les personnes participantes. L’ouverture se manifeste de diverses manières, notamment par les politiques et les pratiques de GRH; elle contribue à l’attraction de candidatures variées, ce qui accroît la diversification de la main-d’oeuvre. Selon les personnes participantes, le contact avec un personnel diversifié réduit les préjugés et favorise l’inclusion en milieu de travail :
C’est d’afficher cette volonté de diversité. L’idée, c’est de mettre en place des politiques, des mesures d’inclusion, de soutien qui vont faire en sorte que, lorsque le temps sera venu d’afficher des postes, ces entreprises-là auront déjà affiché leurs couleurs. Il y aura déjà une culture interne qui va attirer des gens qui vont se sentir accueillis, qui ne se sentiront pas pénalisés d’avance, qui ne se sentiront pas jugés. Donc d’afficher ses couleurs, de mettre en place des mesures, de les faire connaître, d’instaurer une culture de la diversité et de l’inclusion.
Lucas, homme homosexuel
Selon les personnes participantes, les moyens à mettre en oeuvre pour s’adapter aux besoins des personnes dépendent de l’ouverture à la diversité des employeurs. Suzie mentionne par exemple l’accessibilité au milieu de travail pour les personnes handicapées. Louis propose d’identifier le personnel travaillant au service à la clientèle en inscrivant leur prénom sur une étiquette apposée à leurs vêtements, ce qui évite aux personnes trans de se faire « mégenrer ». Lucas propose des lieux physiques neutres en milieu de travail, comme les toilettes. La neutralité peut également se manifester dans la communication en privilégiant une écriture inclusive. Ahmad et Qi ajoutent l’importance des activités qui permettent la socialisation avec les collègues, notamment pour briser l’isolement des personnes immigrantes qui disposent souvent d’un réseau social restreint dans leur pays d’accueil.
Les pistes d’action s’avèrent donc multiples et sont générales ou spécifiques à certains groupes. Elles reposent sur des rapports humains sains et agréables et des pratiques revisitées pour prendre en compte les besoins et les réalités des personnes qui composent l’organisation.
Discussion
Les résultats de la présente étude mettent d’abord en lumière les situations relatives à l’accès à l’emploi qu’expérimentent les personnes des groupes sous-représentés. Des expériences d’exclusion sont rapportées : une non-reconnaissance de la valeur des individus et une non-intégration à l’organisation (Shoreet al., 2011). Mais les situations d’exclusion se présentent aussi une fois qu’elles ont un emploi dans l’organisation. L’expression de la singularité peut, par exemple, mener à une perte d’emploi ou à du harcèlement. Qui plus est, des situations d’assimilation sont évoquées, lorsque les lieux physiques s’avèrent inadaptés.
Si certaines personnes réussissent au fil du temps à intégrer effectivement un milieu de travail, c’est qu’elles usent de stratégies individuelles. Pour plusieurs, il s’agit de cacher certaines expériences ou caractéristiques personnelles (Miminosvili et Černe, 2022). Afin d’éviter l’exclusion, les stratégies déployées concourent donc à une assimilation au sein de l’organisation : les différences et caractéristiques personnelles sont atténuées en vue de favoriser l’appartenance au groupe (Jean, 2000). L’accès au marché du travail implique dès lors de renoncer à leur singularité pour se conformer à la majorité (Shore et al., 2011). Les conséquences peuvent s’avérer importantes pour les personnes des groupes sous-représentés, générant du découragement, de la frustration et de l’anxiété. Bien loin encore de l’inclusion en milieu de travail, les comportements de conformité sont souvent adoptés par dépit.
Faute d’inclusion en emploi, d’autres personnes privilégient l’entrepreneuriat ou le travail autonome. Leur stratégie repose donc sur la renonciation au statut de salarié pour embrasser une carrière différente. De cette manière, elles peuvent exprimer leur singularité en toute liberté. La question du dévoilement identitaire à leur employeur et à leurs collègues, par exemple, n’est alors plus à l’ordre du jour. Cette stratégie mène à une forme de différenciation, c’est-à-dire que les personnes choisissent de valoriser leur singularité, sans toutefois être considérées comme parties prenantes d’un groupe (Shore et al., 2011), d’une organisation qui les emploie en l’occurrence. Il est à noter que toutes les personnes rencontrées qui ont emprunté cette voie avaient d’abord tenté d’accéder à un emploi salarié. La différenciation constitue donc une solution de repli, en réponse à des parcours professionnels semés d’embûches.
Si les raisons pour lesquelles les personnes participantes expliquent être dans des situations d’exclusion, d’assimilation ou de différenciation sont nombreuses, elles indiquent que c’est essentiellement en raison des préjugés inconscients (Brière et al., 2022). Les réticences des employeurs à gérer des situations complexes seraient induites par leurs préjugés et leur méconnaissance à l’égard des membres des groupes sous-représentés sur le marché du travail.
Pour favoriser l’inclusion, les résultats révèlent l’importance de la sensibilisation des membres de l’organisation aux préjugés inconscients, mais également à l’ensemble des aspects relatifs à la diversité en milieu de travail. La formation, qui procure des outils pour lutter contre ces préjugés et pour faciliter l’inclusion, est également soulignée. L’objectif est donc d’adopter une orientation axée sur la prévention, en proposant des politiques et des pratiques de gestion visant à empêcher l’exclusion (Shore, Cleveland et Sanchez, 2018). D’autres mesures liées à la gestion des ressources humaines sont évoquées par les personnes participantes, comme l’aménagement des lieux physiques de travail ou la rédaction d’annonces d’emploi inclusives.
Les solutions mises de l’avant par les personnes participantes visent également une orientation axée sur la promotion de la diversité (Shore, Cleveland et Sanchez, 2018). Elles portent surtout sur l’ouverture à la différence qui se manifeste par sa reconnaissance et sa mise en valeur, mais également par le soutien organisationnel. Par exemple, la présence d’alliés et alliées en milieu de travail contribue à la création d’un environnement sécuritaire sur le plan psychologique. L’écoute et le dialogue accroissent le sentiment de respect et la valorisation des personnes.
Pour être inclusive, l’organisation doit non seulement enrayer la discrimination et l’iniquité en milieu de travail, mais également favoriser le déploiement de pratiques et de processus inclusifs (Shore, Cleveland et Sanchez, 2018), de façon à permettre aux membres d’exprimer leur singularité tout en contribuant de manière pleine et entière à l’organisation. Les stratégies individuelles qui mènent à l’assimilation ou à la différenciation deviennent alors obsolètes, puisque l’environnement de travail favorise un équilibre entre la valorisation de la singularité des personnes et leur appartenance à l’organisation. Pour y arriver, une gestion proactive de la diversité, qui pose d’abord un diagnostic organisationnel sur les sources d’exclusion et les obstacles à l’inclusion en milieu de travail, s’avère nécessaire (Beaudry, Gagnon et Deschênes, 2019). Un regard attentif est alors porté sur les préjugés qui génèrent de l’exclusion, comme l’ont relevé les personnes rencontrées. Une fois le diagnostic posé, l’objectif est d’éliminer en amont les barrières rencontrées en modifiant les politiques et les pratiques de gestion pour les rendre équitables et inclusives. Une telle démarche nécessite cependant des ressources (financières, humaines et matérielles). De plus, elle s’avère complexe, notamment parce qu’elle implique le développement d’une culture organisationnelle inclusive, qui requiert une réévaluation des valeurs et des normes acquises afin de prôner le respect mutuel, l’ouverture et la reconnaissance de l’altérité (Chavez et Wisinger, 2008).
⁂
Cet article proposait d’explorer les situations relatives à l’accès au marché du travail et au maintien en emploi, de même que les stratégies individuelles et les facteurs organisationnels influençant l’inclusion dans les milieux de travail québécois. Les entretiens semi-dirigés auprès de douze personnes appartenant aux groupes sous-représentés en milieu de travail révèlent l’importance des barrières à l’inclusion et tracent les contours des situations d’exclusion auxquelles ces personnes sont confrontées. Devant ces expériences, différentes stratégies sont déployées, mais elles conduisent le plus souvent à l’assimilation ou à la différenciation, sans permettre une réelle inclusion. La participation pleine et entière des personnes à leur organisation, dans le respect de leur singularité, semble toutefois possible dans la mesure où les politiques et les pratiques organisationnelles visent la prévention de l’exclusion et la promotion de la diversité. En amont, un véritable diagnostic en matière d’équité et d’inclusion ouvre la voie à une gestion proactive de la diversité.
L’étude permet également de mettre en relief le vécu commun de personnes appartenant à des groupes différents. Si des particularités apparaissent pour chacun des groupes, la similarité des situations vécues et le partage de stratégies sont également constatés. Par ailleurs, des recoupements se dégagent au regard des facteurs organisationnels qui favoriseraient l’inclusion, selon les personnes rencontrées. Alors que les études à ce jour portent le plus souvent sur un groupe spécifique de la diversité, notre étude qualitative, avec son recours à une population plus vaste, celle des personnes sous-représentées sur le marché du travail, s’est avérée utile pour identifier des points de rencontre et constater que la gestion de la diversité relève d’enjeux à la fois généraux et particuliers. Une gestion à la carte n’est donc pas la seule voie à emprunter.
Différentes limites restreignent la portée de la présente étude. D’abord, un biais lié à la désirabilité sociale est à considérer, étant donné la nature de la collecte des données : l’entrevue semi-dirigée, qui suppose la rencontre entre deux individus, y est effectivement particulièrement sujette, la personne interviewée pouvant chercher à bien paraître ou à rendre service (Savoie-Zajc, 2016). Notre enquête étant réalisée auprès de douze personnes participantes, nos conclusions ne sauraient être généralisées à l’ensemble des membres des groupes sous-représentés ni aux différents milieux de travail et secteurs d’activité. Qui plus est, l’échantillon n’inclut que quelques groupes seulement. Il pourrait s’avérer utile d’élaborer un devis quantitatif visant un échantillon représentatif qui permettrait de brosser un portrait chiffré des obstacles rencontrés, des stratégies déployées et des facteurs organisationnels d’inclusion. Une analyse intersectionnelle, qui se pencherait sur une combinaison de divers systèmes d’oppression, s’avérerait, entre autres, particulièrement féconde pour mieux comprendre les dynamiques d’exclusion.
Appendices
Notes biographiques
Catherine Beaudry est professeure titulaire en gestion des ressources humaines à l’Université du Québec à Rimouski et détentrice d’un doctorat en relations industrielles de l’Université Laval. Elle est également conseillère en ressources humaines agréée. Ses intérêts de recherche concernent la gestion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI) en milieu de travail. Elle a reçu la distinction Alcide C. Horth en 2019 pour l’excellence de ses travaux de recherche. Elle a récemment publié un ouvrage collectif aux éditions JFD sur la diversité en milieu de travail.
Andrée-Anne Deschênes est professeure en gestion des ressources humaines à l’Université du Québec à Rimouski et titulaire d’un doctorat en sciences de l’administration – management de l’Université Laval. Elle est également conseillère en ressources humaines agréée. Son expertise porte sur l’adéquation entre l’individu et son environnement de travail, ainsi que sur le développement des compétences. Ses recherches récentes se sont concentrées sur les effets de la transition numérique et sur la gestion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion en milieu de travail. Ses plus récents articles sont parus dans la Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels et dans l’European Review of Applied Psychology.
Guitté Hartog est chargée de cours et professionnelle de recherche à l’Université du Québec à Rimouski et détentrice d’un doctorat en psychologie sociale de l’Université Laval. Elle a travaillé 11 ans comme professeure chercheure à la Benemérita Universitad Automa de Puebla, au Mexique. Elle a fondé et dirigé La Manzana - Revue internationale sur les masculinités. Ses travaux de recherche portent sur les enjeux de l’EDI. Elle a été récipiendaire du prix reconnaissance en EDI décerné par la Fondation de l’UQAR en 2019. Son plus récent article porte sur les témoignages poétiques de fierté des femmes autochtones du Québec et du Mexique dans les Cahiers du CIÉRA.
Mouhamadou Sanni Yaya est membre de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec et arbitre accrédité en droit civil et commercial de l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec. Titulaire d’un doctorat en droit (LLD) de l’Université de Montréal et d’un doctorat en droit privé et sciences criminelles de l’Université Paris-Saclay, il est professeur à l’Université du Québec à Rimouski. Ses intérêts de recherche concernent les aspects légaux de l’EDI, le droit du travail et du télétravail ainsi que le droit des technologies de l’information. Il a récemment publié un chapitre de livre sur le traitement jurisprudentiel d’une plainte pour discrimination à l’emploi par les tribunaux canadiens et québécois dans un ouvrage collectif sur la diversité paru aux éditions JFD.
Samuel Saint-Yves Durand est comptable professionnel agréé (CPA) auditeur et professeur agrégé en comptabilité à l’Université du Québec à Rimouski. Ses intérêts de recherche touchent la comptabilité de gestion, le management, l’innovation, l’entrepreneuriat et l’EDI. En outre, il participe activement à différentes activités de coaching pour la relève entrepreneuriale et siège à plusieurs conseils d’administration au sein d’organisations régionales et provinciales. Son plus récent article, portant sur l’entrepreneuriat, est paru dans la revue Organisation et territoires.
Notes
-
[1]
Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics, RLRQ c A-2.01.
-
[2]
Personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans et queer. Le + signifie que d’autres groupes peuvent s’ajouter à l’acronyme. Sur l’ajout éventuel de cette communauté aux groupes d’équité en matière d’emploi, voir l’énoncé de politique 1 relatif à la consultation sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/ministere/portefeuille/travail/programmes/equite-emploi/rapports/loi-revision-definir-elargir-groupes-enonce-politique-1.html.
-
[3]
Sont nommées organisations des groupements ou des associations qui embauchent des personnes. En sciences de la gestion, les organisations correspondent aux administrations publiques, aux organismes et aux entreprises. Le terme organisation est donc utilisé au sens large et peut être associé au rôle d’employeur.
-
[4]
Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics, RLRQ c A-2.01.
-
[5]
L’identité et l’expression du genre est un motif de discrimination ajouté à la Charte le 10 juin 2016 à la suite de l’adoption de Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres, LQ 2016, c 19.
-
[6]
L’Assemblée nationale a amendé la Charte des droits et libertés de la personne pour y inclure l’orientation sexuelle comme motif de discrimination interdit en 1977.
-
[7]
Voir l’énoncé de politique 1 relatif à la consultation sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi précité, note 2.
-
[8]
Différentes démarches ont alors été entreprises. La constitution de l’échantillon a été rendue possible grâce au soutien d’organismes à but non lucratif voués à l’insertion en emploi. Partenaires de la recherche, ils ont diffusé l’information dans leurs réseaux. Les personnes intéressées pouvaient alors contacter l’équipe de recherche et convenir d’un moment pour l’entretien. À cet échantillonnage volontaire, s’est ajouté le recours à l’échantillonnage en boule de neige (Beaud, 2016) pour accroître la participation, alors que l’accès aux données s’avérait difficile en raison de l’objet d’étude.
-
[9]
Les discussions ont été enregistrées, puis retranscrites en verbatim sur un support protégé auquel seuls les membres de l’équipe de recherche avaient accès.
-
[10]
Ces six thématiques ont été recoupées en 37 catégories, selon les témoignages recueillis. Cette codification a été réalisée par la chercheuse principale et validée par les collègues s’impliquant dans la recherche. Approuvée par le comité d’éthique à la recherche de l’Université du Québec à Rimouski, l’étude respecte les normes d’éthique, soit le caractère volontaire et confidentiel de la participation. Les personnes participantes étaient donc libres de se retirer à tout moment, sans avoir à se justifier. Elles pouvaient également consulter le verbatim de leur entrevue et demander d’exclure certains extraits. Pour assurer la confidentialité des personnes participantes, des noms fictifs ont été attribués à chacune d’elles et les données ont été décontextualisées. Plus précisément, toute information permettant de les identifier par recoupement a été retirée.
Bibliographie
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List of figures
Figure 1
Modèle de l’inclusion (Shore et al., 2011)
List of tables
Tableau 1
Répartition des personnes participantes