Comptes rendus

Éric Laliberté et Michel O’Neill (dir.), Pèlerinage, marche pèlerine et marche de longue durée au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, 330 p.[Record]

  • Jacques Pallard

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Il aura fallu quarante-cinq ans, après l’organisation en 1976 à l’Université du Québec à Trois-Rivières du colloque « Les pèlerinages au Québec », pour qu’une rencontre universitaire soit à nouveau dédiée, en avril 2021, aux études pèlerines québécoises, à l’occasion d’un colloque de la Société québécoise pour l’étude de la religion. Pareille distance entre les deux événements signale sans nul doute une retombée d’intérêt de la communauté scientifique à l’égard de la pratique pèlerine, alors même que celle-ci connaissait un renouveau notable. La Chaire Jeunes et religions, pilotée par Jean-Philippe Perrault à l’Université Laval, a joué un rôle décisif dans la mobilisation des chercheurs. À compter de 2018, elle a en effet offert, sur ce thème, un espace d’enseignement et de recherche, permettant ainsi la formation d’un réseau composé d’observateurs participants. Cette initiative s’est inspirée de l’Institute for Pilgrimage Studies de l’Université William & Mary de Williamsburg, aux États-Unis, fondé en 2011 par George Greenia, qui ne manque pas de décrire ses « premiers pas comme pèlerin » sur le chemin de Compostelle (p. 22-23). L’ouvrage engage un fécond tour d’horizon dicté par une question centrale : « Où en sont la recherche et les pratiques pèlerines au Québec? » (p. 3). La réponse – plurielle – est ordonnée à l’étude des pratiques et des recherches pèlerines tant à l’échelle internationale que dans le contexte québécois. Signe de ce retour en grâce, qui revêt par bien des aspects la forme d’une recherche-action, la plupart des contributeurs ont estimé utile et judicieux d’évoquer les débuts de leur propre pratique pèlerine, comme pour mieux permettre d’en saisir la portée et la signification. Ainsi, Karine Boivin, professeure en sciences de l’activité physique, dit avoir entamé en juin 2017 sa première marche au long cours en Espagne (p. 191). La journaliste et auteure bretonne Fabienne Bodan précise que « les chemins de pèlerinage sont au coeur de [sa] vie depuis 2012 » (p. 43). Et Mathieu Boisvert reconnaît que c’est à l’invitation des initiateurs de l’ouvrage qu’il a conçu la mise en parallèle de ses recherches réalisées in situ sur les pèlerinages hindous et son propre parcours d’universitaire intéressé, en Asie du Sud, à l’interaction du religieux avec la sphère sociopolitique. Se trouvent dès lors étroitement associées, avec un effet d’intelligibilité, observation empirique et approche théorique, expérience et réflexion. Matthew R. Anderson estime ainsi que son intérêt pour le pèlerinage s’articule autour de « deux axes initiaux : étudier le pèlerinage en tant qu’historien et théologien, et être pèlerin, en marchant un peu partout à travers le monde » (p. 143). Éric Laliberté indique que le pèlerinage est entré dans sa vie, sans qu’il y prenne garde, au cours des années 1980 (p. 55) et que c’est en 2013 qu’il s’est lancé « dans un processus de recherche visant à comprendre la dynamique pèlerine au 21e siècle » (p. 57). Dans cette configuration, Compostelle occupe une place privilégiée et exerce une fonction fondatrice. Son ancrage dans l’imaginaire a d’ailleurs conduit à « revisiter » des points forts de la pratique pèlerine sur le territoire du Québec, en direction, notamment, des trois grands sanctuaires : Notre-Dame-du-Cap, Sainte-Anne-de-Beaupré et l’Oratoire Saint-Joseph. Pour É. Laliberté, « si Compostelle se distingue, c’est en termes de paradigme émergeant du langage » (p. 72); il s’associe avec Michel O’Neill pour déceler dans l’attrait du « pèlerinage à pied vers Saint-Jacques-de-Compostelle la bougie d’allumage du raz-de-marée d’intérêt pour le sujet » p. 323). Sans doute, en effet, le terme « pèlerinage » est-il de nature à soulever quelque défiance en raison de sa connotation religieuse dans un Québec …