Comptes rendus

Mario Polèse, Le miracle québécois. Récit d’un voyageur d’ici et d’ailleurs, Montréal, Boréal, 2021, 336 p.[Record]

  • André Turmel

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Que voilà un essai qui sort carrément de l’ordinaire! Nous n’avons pas l’habitude de lire un économiste né ailleurs mais qui a fait toute sa carrière à l’INRS pendant plus de quarante ans avec un CV impressionnant (conseiller d’agences nationales et internationales, enseignant dans de grandes universités américaines, européennes et latino). Et qui parle du miracle québécois comme société, dont certains qualifiaient les citoyens de « Nègres blancs » (Vallières, c’est bien connu, mais aussi Gérard Bergeron dans Le Canada français après deux siècles de patience, au chapitre VII intitulé « Les Québécois en Amérique du Nord : le Nègre blanc »). Quelques mots sur la trajectoire biographique de Polèse afin de mieux comprendre d’où il vient pour parler de miracle québécois. C’est un immigrant allophone qui décide néanmoins de s’intégrer à la majorité francophone du Québec. Il s’agit de son histoire familiale en somme : né durant la Deuxième Guerre mondiale aux Pays-Bas, d’une mère juive, il a passé son enfance en Hollande jusqu’à l’âge de neuf ans, puis a immigré à New York où il a été scolarisé du primaire jusqu’au doctorat. Il maîtrise trois langues : le néerlandais, l’allemand parlé à la maison, et l’anglais. Il a aussi trois religions (catholique par son père, juif par sa mère et protestant par baptême), bien que ses parents fussent non pratiquants, sinon anticléricaux. L’horreur nazie n’était pas une abstraction. La perte non plus : d’un pays, d’une langue, d’un statut social. Son père était francophile, ayant travaillé à Paris dans les années 1920. Les vacances familiales se passent à Montréal et à Québec et il choisit le français plutôt que l’espagnol comme langue seconde au high school de New York. Il habite depuis quarante ans à NDG, est marié à une québécoise de Lévis avec laquelle il a eu deux enfants qui sont « en train de bâtir le Québec d’aujourd’hui ». Il dit de lui qu’il est un Québécois venu d’ailleurs, mais que le Québec est sa patrie. Comment Polèse en est-il venu à voir le Québec comme un miracle? C’est qu’il n’a jamais cessé de s’intéresser au destin de sa société d’adoption. « Aucun Québécois de souche, je pense, n’aurait osé donner un tel nom à un ouvrage sur le Québec », dit-il (Ibid.). Et pourtant, il n’hésite pas à le faire, en trois parties : la profondeur de l’abîme, le grand virage, à la recherche des racines du miracle. Ce qu’on lit constamment en la matière provient d’une vision défaitiste de cette société, laquelle serait marquée par ses défaites (la Conquête, l’échec des Patriotes et des deux référendums, etc.) et incapable de s’assumer entièrement. À ceci Polèse oppose le parcours qu’il dit remarquable de ce peuple singulier, dans ses défaites comme dans ses victoires. Qu’à cela ne tienne : le miracle est un processus à double volet. C’est d’abord celui de la cohabitation de deux peuples sur un même territoire dans un processus de renversement de la domination qui les divise et les partage. Puis, c’est celui d’une « révolution culturelle » qui transforme les institutions, change les moeurs et la culture de cette société. Voyons voir. En 1960, Lesage disait que le Québec était en retard d’une génération sur le reste du Canada en matière de scolarisation, de niveau de vie, de santé et de bien-être. Puis il y eut l’angoissante découverte de l’insécurité linguistique, due au fait que les immigrants optaient massivement pour l’anglais. Cette société continuait néanmoins à languir dans un état d’infériorité généralisée. Or, en une soixantaine d’années, tant l’infériorité économique que l’insécurité linguistique – la loi 101 consolidant …