Comptes rendus

Patrice Groulx, François-Xavier Garneau : Poète, historien et patriote, Boréal, Montréal, 2020, 278 p.[Record]

  • Maxime Raymond-Dufour

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Contrairement à certains de ses contemporains, François-Xavier Garneau est resté bien vivant dans la mémoire collective québécoise. Cependant, il a laissé plus de traces que ce qui avait été étudié jusqu’à présent. Depuis un moment déjà, on entendait Patrice Groulx parler de son projet de recherche sur l’historien du 19e siècle lors de colloques et de conférences. Le projet massif arrivé à son terme étend notre connaissance collective sur cet homme de lettres, cet historien, qui a marqué son époque. Cette biographie, à la fois attendue et nécessaire, retrace en parallèle la vie personnelle et familiale de Garneau, ses réussites et ses ambitions d’homme de lettres, ancrées dans le contexte bas-canadien de l’époque. C’est avec un plaisir évident – et une plume quelque peu romantique qui aurait fait rougir Garneau lui-même – que Groulx raconte les origines de l’historien. Dès le premier chapitre, il nous fait entendre les « grincements de scie » et « les coups de mailloche » des chantiers navals de Québec (p. 21). L’auteur adopte ainsi un ton qui tranche avec la sobriété habituelle de ce type d’études très fouillées. La qualité de la recherche est incontestable. De manière convaincante, Groulx raconte la vie de Garneau avec beaucoup de détails : des informations intéressantes sur les lectures de l’historien et sur sa relation avec de nombreux notables et politiciens patriotes et réformistes, parmi lesquels Papineau, Lafontaine, les deux Viger et « le bouillant » O’Callaghan. À bien des égards, la vie de Garneau suit les aléas de l’évolution politique et culturelle du Bas-Canada. De poète romantique nationaliste aux abords des Rébellions, il se résout à un certain pragmatisme quand il devient historien du Canada et greffier de la ville de Québec. Comme nous l’apprend Groulx, Garneau reste toute sa vie admirateur de l’intègre Louis-Joseph Papineau, même s’il se rend à l’intelligence calculatrice de Louis-Hyppolite Lafontaine et des réformistes comme beaucoup de ses compatriotes. Groulx offre également une vue saisissante de la vie personnelle de Garneau, principalement sa quête de notoriété et d’élévation sociale et les aléas financiers des Garneau. Armé de son talent et de son ambition, l’historien a laissé derrière lui la pauvreté de son enfance, même s’il a légué des dettes importantes à sa succession. Il n’est jamais devenu riche, mais Garneau possède à la fin de sa vie un actif qui dépasse largement celui de son père. Le lecteur est frappé par l’affection profonde qu’entretient Groulx avec son objet. C’est en admirateur de Garneau que l’auteur le dépeint comme un libre-penseur armé d’une ambition sans limites, insoumis au clergé catholique, écrivant par moment malgré une critique publique impitoyable. L’ouvrage n’a pas le même ton critique que les précédentes monographies de Patrice Groulx, notamment Les Pièges de la mémoire dans lequel il décape le mythe de Dollard des Ormeaux et lance quelques pointes à l’autre Groulx, Lionel de son prénom. La plus grande qualité de cette biographie est d’offrir un éclairage nouveau sur des sujets récurrents dans l’historiographie québécoise. Je note en particulier les détails sur la réaction à la première édition de l’Histoire du Canada, publiée entre 1845 et 1847, qui est ici exposée avec maitrise. Groulx raconte efficacement le projet de Jacques Viger (1787-1858) de torpiller l’Histoire en collaboration avec des intellectuels cléricaux, dont Jean-Baptiste-Antoine Ferland, grand rival de Garneau. On savait que l’Histoire avait reçu un accueil plus que tiède de la part des milieux cléricaux et « cléricophiles », mais jamais ces débats n’ont été racontés avec autant de précision grâce au recours à la correspondance privée. De même, les détails sur les motivations de …