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Le titre est trompeur puisque le livre porte non pas sur le ministère mais bien sur les ministres de la culture. Et il ne s’agit pas d’une histoire mais d’un essai, voire de mémoires et de souvenirs. L’auteur, Claude Trudel, a été sous-ministre pendant quelques années, un temps député et, à ces titres, a côtoyé de nombreuses personnalités politiques. Il a exercé lui-même des fonctions administratives et politiques au niveau municipal. Conscient de la portée de son témoignage, il écrit d’ailleurs : « On pourra discuter de mes choix, contester mes jugements, rejeter mes conclusions, d’autant plus qu’ils ne s’appuient sur rien d’autre que mon opinion, fruit d’une fréquentation de plus de soixante ans du milieu culturel québécois et de ses acteurs » (p. 12). Ces mémoires sont enrichis d’entrevues, de consultation de documents publics, des débats parlementaires et d’extraits de journaux.

On ne doit donc pas s’attendre à une véritable mise en contexte économique et socio-historique de l’évolution du ministère au sein de la société québécoise. La périodisation est simplement calquée sur les événements qui se sont produits au sein de l’institution et sur le profil et les actions des divers ministres qui se sont succédé. Ainsi on distingue quatre périodes historiques, « qui correspondent commodément à autant de changements gouvernementaux » : mise en place des institutions nationales (1965-1976); consolidation (1976-1994); politiques culturelles sectorielles (1994-2007); « de nouvelles voies pour la culture » (2008-2021).

Claude Trudel s’attache à l’histoire personnelle de chacun des ministres de la culture. Il décrit ce qui lui semble leurs véritables intentions, leurs convictions. Il fait état de leurs principales réalisations et de leurs échecs. Il distribue à tout vent jugements, commentaires, reproches et louanges. S’il résiste à quelque classement ou hiérarchie, il affiche nettement ses préférences pour trois d’entre eux : Georges Lapalme, Jean-Paul L’Allier et Liza Frulla. Les « facteurs de succès » d’un ministre, explique-t-il, « ce qui distingue les bons ministres des moins bons » (p. 308), seraient la confiance accordée par le premier ministre, l’intérêt que celui-ci porte à la culture ainsi que la durée des fonctions de chacun des ministres de la culture. Qui dit mieux?

Il s’agit donc d’une sorte de rétrospective « de l’intérieur », dont la plupart des ressorts sont déjà connus, et qui s’en tient à décrire quelques grands événements qui ont marqué la politique culturelle, mais aussi : la politique partisane, les circonstances du moment, les aléas de la carrière politique de certains. Son explication des changements survenus au sein du ministère est tout entière calquée sur les événements.

On ne peut demander à cet ouvrage centré sur la seule personnalité des ministres ce qu’il ne peut livrer : un bilan des politiques culturelles, leur mise en perspective avec l’évolution des politiques culturelles en Occident, le rôle véritable qu’a joué le ministère dans l’évolution de la culture et des arts au Québec. Les efforts importants pour doter le Québec d’instrument de connaissance et d’analyse sur les transformations de l’offre culturelle, sur les comportements culturels, sur la gouvernance, tout cela aussi est occulté. On oubliera donc la distance critique et la mise en perspective historique.