Comptes rendus

Isabelle Thomas et Antonio Da Cunha (dir.), La ville résiliente. Comment la construire? Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2017, 249 p.[Record]

  • Louis Guay

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  • Louis Guay
    Professeur titulaire (retraité et associé), Département de sociologie et Institut en environnement, développement et société, Université Laval
    Louis.Guay@soc.ulaval.ca

Issu de la physique, appliqué à l’écologie, puis emprunté par les sciences sociales, le concept de résilience apparaît aujourd’hui comme maître mot dans l’étude des changements environnementaux et de leurs impacts sur les milieux naturels et sociaux. Si résilience a ses lettres de noblesse en biologie, il est moins sûr qu’il en soit ainsi en sciences sociales. Les transferts conceptuels des sciences naturelles vers les sciences humaines ne sont pas toujours heureux et fructueux. Le grand mérite de cet ouvrage collectif est de tenter de faire en sorte que l’aménagement et l’urbanisme, pratiques fortement façonnées par les sciences sociales, puissent s’approprier avec succès et fécondité l’idée de résilience. Le livre réussit en bonne partie à le faire. Il s’agit d’un ouvrage de nature plutôt conceptuelle et méthodologique, qui, à part des références empiriques trop peu nombreuses ou développées, désire ouvrir un territoire peu exploré aux études et aux pratiques en aménagement, en urbanisme. L’origine de résilience urbaine est politique. Comme le mot durable semblait s’essouffler dans les discours officiels, des décideurs publics ont eu l’idée de changer de nom pour relancer l’intérêt pour les villes aux prises avec les effets des changements environnementaux, surtout climatiques. En quoi les villes et les métropoles se sentent-elles concernées par les changements climatiques? Les auteurs rappellent que les villes et métropoles sont à la source d’une très grande partie des émissions de gaz à effet de serre (jusqu’à 70 % selon des estimations); elles ont donc une responsabilité politique et morale d’agir. D’ailleurs, il s’est développé une internationale des villes en faveur de la protection du climat qui a souvent, notamment aux États-Unis et au Canada, pris le relais des gouvernements centraux peu disposés à faire quelque chose en matière de climat. La lutte contre les changements climatiques doit se faire par deux stratégies à la fois, réduire les émissions et s’adapter à un climat plus chaud et à ses conséquences. Le livre se concentre sur l’adaptation et le rôle des villes dans cette adaptation. Le réchauffement climatique aura des incidences sur les cycles de l’eau et plusieurs villes seront confrontées à des inondations plus fortes et plus fréquentes. C’est le point de départ de l’ouvrage. Les villes aux prises avec des inondations accrues ne manquent pas, mais l’ouvrage se concentre sur Montréal et sa région et sur des cas pris en France, en Suisse et au Brésil, la mégapole de Rio de Janeiro. Ces exemples montrent que, malgré les politiques et les plans mis en place pour relever les nouveaux défis de l’eau, le problème des inondations urbaines se perpétue pour des raisons particulières à chaque ville. Paris et sa région vivent une rareté de terrains sur lesquels construire (chapitre 13). À Montréal (chapitre 12), les demandes pour occuper des endroits fragiles, propices aux inondations, se font insistantes : promoteurs, résidants et élus y sont attirés. Quant à Rio, le problème des inondations s’ajoute à d’autres problèmes parfois plus urgents. Bref, s’il existe des exemples de succès (chapitre 9) et de choix d’aménagements souhaitables, comme les infrastructures vertes (chapitre 4), ce qui reste à accomplir demeure considérable. Cela explique le parti pris de l’ouvrage : conceptuel et méthodologique. Le ton est donné dès la longue introduction où les deux directeurs de la publication posent très bien les questions essentielles. En clarifiant les concepts de base, comme vulnérabilité, résilience et adaptation, auquel s’ajoute sensibilité dans un autre chapitre, les auteurs proposent une appropriation par les sciences sociales de la résilience. Ils sont appuyés par d’autres chapitres (chapitres 1, 2, 3) qui apportent des précisions conceptuelles supplémentaires, parfois non sans quelques redites. Ces précisions visent …