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L’ouvrage se veut un manuel d’introduction à la politique environnementale du Québec. Il s’adresse aux étudiantes et étudiants du premier cycle et à toute personne souhaitant s’initier aux enjeux des politiques publiques dans le domaine de l’environnement. À notre connaissance, il s’agit du premier manuel de ce type qui porte sur le Québec. Le livre est divisé en trois parties : mise en contexte, institutionnalisation de l’action publique et domaines d’action. Il contient treize chapitres rédigés par dix-huit chercheurs provenant de différentes disciplines (science politique, sociologie, études urbaines, sciences de l’environnement, droit).
La première partie, plus courte, contextualise l’enjeu environnemental. Une contribution décrypte l’évolution et la diversité des discours environnementaux. Certains discours, tel celui sur le développement durable, sont repris par les élites pour justifier l’action ou l’inaction politique. D’autres discours, souvent plus radicaux, sont portés par les groupes écologistes. Un chapitre décrit l’hétérogénéité et les modes d’organisation du mouvement vert au Québec et construit une typologie basée sur les différentes valeurs écologistes. Un dernier texte essaie de percer l’énigme du faible vote politique pour les partis verts à travers le Canada. Le phénomène du vote stratégique ne semble pas y jouer un rôle majeur.
La deuxième partie de la publication est dédiée à l’institutionnalisation des politiques publiques environnementales et à la mise en place de différents moyens d’action dans le domaine. Les auteurs soulignent trois particularités du contexte québécois. Il y a d’abord un partage des compétences dans la gestion et la protection de l’environnement entre les niveaux fédéral et provincial. Pour certains enjeux, le pouvoir de légiférer se trouve du côté fédéral (les pêcheries) ou du côté provincial (l’exploitation minière). Dans d’autres cas, les deux paliers gouvernementaux adoptent des politiques sur les mêmes enjeux (la pollution de l’air) qui peuvent être complémentaires ou entrer en conflit les unes avec les autres. Pour certaines lois fédérales, la mise en oeuvre dépend de la volonté des provinces. Deuxièmement, ce partage de compétences et l’aspect transfrontalier et planétaire des problèmes environnementaux sont à la base d’un activisme politique international du Québec, notamment dans le domaine climatique. L’auteure fait remarquer que la présence internationale de la province en tant qu’avocat environnemental ne concorde pas nécessairement avec des politiques intérieures beaucoup plus hésitantes. Finalement, un texte présente le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) comme un pilier original de la « démocratie participative » au Québec. Depuis sa création en 1978, il a traversé différentes phases, marquées par la conflictualité entre une vision gestionnaire du débat public (les maîtres d’ouvrages privés et publics) et une vision démocratique. Cette dernière est portée par des acteurs qui souhaitent élargir la participation à la décision sur les grands projets d’infrastructure ou industriels soumis au BAPE.
La troisième partie de l’ouvrage aborde les politiques environnementales dans une variété de secteurs. On y trouve la présentation de la gouvernance de l’eau et notamment la mise en place des organismes de bassins versants à partir de 2002. Un autre chapitre porte sur le nouveau régime forestier, entré en vigueur en 2013. Il mentionne le rôle accru de l’État dans l’attribution des volumes de bois et dans l’aménagement forestier. Ce dernier est repris des entreprises forestières et se base sur des principes d’aménagement écosystémique. Une plus grande place serait également conférée aux communautés autochtones. L’auteur mentionne peu les conflits autour de l’exploitation forestière (protection du caribou forestier, consentement des communautés autochtones) qui ont été très médiatisés ces dernières années. Dans un tel ouvrage, la politique de lutte contre le réchauffement climatique s’avère un sujet incontournable. Tandis qu’un premier chapitre présente les modalités du marché du carbone québécois, lié depuis 2014 à son homologue californien, un deuxième texte analyse la transition énergétique que le gouvernement souhaite mettre en place afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). L’auteur constate que le discours et les cibles ambitieuses ne sont généralement pas suivis par des politiques effectives. Ainsi, la nouvelle politique énergétique de 2016 serait « forte en objectifs, mais faible en moyens » (p. 239). Le dernier chapitre se penche sur le rôle des villes dans la gestion environnementale et rappelle qu’elles ont été parmi les premières entités publiques à devoir gérer des problèmes environnementaux (pollution, gestion de déchets). À l’exemple des villes de Montréal et de Québec, les auteurs décrivent la mise en place des plans de développement durable et d’adaptation aux changements climatiques. Par contre, les villes ne semblent pas beaucoup s’occuper de l’enjeu de la justice environnementale.
Cette publication donne une bonne vue d’ensemble sur l’état actuel de la question et constitue une ressource précieuse pour les lecteurs intéressés. Cependant, nous aurions souhaité une approche plus analytique dans certains chapitres et des références plus nombreuses. En outre, quelques aspects négligés auraient pu donner lieu à des chapitres supplémentaires. Nous pensons à une étude de cas sur l’exploitation du gaz de schiste, qui a donné lieu à l’une des grandes controverses et luttes environnementales récentes; aux coalitions d’ONG environnementales comme mode d’organisation, telle « Pour que le Québec ait meilleure MINE » ; ou encore à l’articulation entre la gouvernance publique et la gouvernance privée (certification forestière). Finalement, nous aurions aimé voir un bilan critique sur la cohérence et l’effectivité des politiques publiques environnementales des quarante dernières années.