Dominique Lebel a été directeur de cabinet adjoint de la première ministre Pauline Marois du 4 septembre 2012 à la défaite électorale du 7 avril 2014. Ce livre est bel et bien un journal politique relatant une suite de faits et d’impressions au lendemain de la victoire électorale de 2012 et jusqu’à la défaite du Parti québécois (PQ) aux mains du Parti libéral du Québec (PLQ) de Philippe Couillard. Pourquoi l’auteur a-t-il décidé de publier ses notes et observations colligées au cours des longs mois de l’exercice du pouvoir? Il l’explique ainsi : « J’ai le sentiment qu’elles donneront un nouvel éclairage, un point de vue inédit sur ce gouvernement Marois qui n’a laissé personne indifférent » (p. 10). Toutefois, pour le lecteur, surtout pour les exégètes de la politique, l’intérêt est avant tout d’y trouver des explications de la défaite électorale de 2014 accompagnées d’une bonne description des rouages du cabinet de la première ministre et du Conseil exécutif, et du fonctionnement de l’appareil de l’État. Toutefois, en toile de fond, on sent chez Dominique Lebel un certain fatalisme ou l’impression d’avoir finalement été happé par la quotidienneté du politique. Comment s’élever au-dessus du brouhaha de la joute parlementaire pour reprendre son erre d’aller et insuffler une nouvelle direction? Comment se fait-il qu’à certains moments on n’a plus la mesure réelle de l’état de l’opinion publique, des angoisses de la population, et surtout qu’on ne réussit plus à bien expliquer non seulement son programme de gouvernement mais aussi ses politiques? Le livre de Dominique Lebel nous ramène constamment à ces questions. Il ne nous donne pas de réponses mais offre néanmoins à son lecteur un précieux regard sur les défis entourant l’art de gouverner. Lebel cite par exemple Abdou Diouf, qui rappelait lors de son passage au Québec en septembre 2013 : « En politique, ce qui est le plus difficile à comprendre, c’est souvent ce qui se passe sous nos yeux » (p. 283). Ailleurs, il revient avec des commentaires comme « Tout change. Rien ne change (…) Les lignes bougent et fuient » (p. 334); ou il cite Hubert Védrine : « Il est arrivé à tout le monde de devoir prendre une décision en sachant qu’elle est mauvaise » (p. 339). Tout cela donne ainsi l’impression que Dominique Lebel est un homme ballotté, un homme qui veut servir ses citoyens et le Québec mais qui a besoin de ses proches pour survivre au flot des décisions gouvernementales. Cette plongée vers l’intérieur du pouvoir nous révèle qu’on doit parfois faire des choix douloureux, qu’il faut savoir improviser face à certaines situations imprévues et louvoyer pour maintenir le cap lorsque la mer est tumultueuse. Tous les membres du cabinet restreint de la première ministre Marois étaient guidés par un objectif commun : faire en sorte que les politiques mises en oeuvre contribuent à l’avancement de la société québécoise, et surtout que les citoyens les appuient. La première décision de la première ministre est cruciale de ce point de vue : elle doit choisir les membres de son Conseil des ministres à partir des 54 députés du Parti québécois élus lors de la dernière élection. Il est fascinant de savoir comment nos premiers ministres forment leurs cabinets. Notre façon de faire n’est pas celle des États-Unis où la période de transition entre l’élection et l’assermentation du nouveau Président dure plus deux mois. Au Québec, cela se fait en quelques jours. Dans toute équipe, il y a des gens choisis pour leurs compétences et d’autres qui le sont pour des raisons de représentativité régionale ou simplement en raison de leur …
Dominique Lebel, Dans l’intimité du pouvoir – Journal politique 2012-2014, Montréal, Boréal, 2016, 432 p.[Record]
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Guy Lachapelle
Département de science politique, Université Concordia
guy.lachapelle@ipsa.org