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En couverture, une clôture de fer forgé arborant à chaque pointe une fleur de lys noire dressée entre deux points de vue flous. Paratexte évocateur d’une compilation d’une vingtaine d’essais argumentatifs plus ou moins bien persuasifs, ce livre est censé donner des pistes de lecture et de réflexion aux « acteurs éducatifs » (p. 1) qui ne voudraient pas consulter l’intégralité des 68 mémoires et contributions écrites présentés à la consultation publique menée par Jacques Beauchemin et Nadia Fahmy-Eid en regard du nouveau programme d’histoire du secondaire, troisième et quatrième années, « Histoire du Québec et du Canada » qui devrait être mis en place en septembre 2016.
Le présent ouvrage a le mérite évident de prendre ses distances par rapport au contenu du programme, qui prévoit « l’adoption d’une trame nationale centrée sur les Canadiens français » et une « mémoire enseignée » (p. 2) et présente de nombreuses et inégales facettes d’un débat difficile à rassembler.
Plutôt que de « faire le point sur les enjeux » (p. 1) sur la réforme de l’enseignement de l’histoire, Catinca Adriana Stan oppose deux visions de l’histoire qui seraient portées par deux groupes distincts. La première, soutenue par les didacticiens, s’intéresserait à la représentation de la société québécoise, la deuxième montrerait des historiens inquiets « de la place des Québécois en tant que nation au sein du Canada » (p. 2). Il semble que les catégorisations de lecture imposées par l’auteure évitent de poser des questions plus pertinentes, comme celle de la définition de la nation, celle de l’histoire nationale, celle de la place de la catégorie nationale dans la narration de l’histoire, celle de l’avenir de la conscience historique des jeunes du Québec. Pourquoi ignorer cette question qui reprend le titre du récent livre de Jocelyn Létourneau? Suffisamment d’essais ont été publiés au cours des dix dernières années (de Cantin à Maclure, en passant par Bouchard et Bock-Côté) pour inspirer à l’auteure des catégories de pensée qui ne soient pas celles des thèmes proposés par ses contributeurs. Décontenancée devant tant de prises de position, l’auteur énonce faiblement : « si tous les historiens servent la nation, il arrive qu’ils n’aient pas tous la même compréhension de cette nation » (p. 8). Avait-on besoin d’un narrateur omniscient pour comprendre que dans ce recueil « les points de vue diffèrent d’un texte à l’autre » (p. 6) et se faire rappeler que « c’est aux lecteurs de trancher l’épineuse question identitaire » (p. 9)?
La première partie de l’ouvrage vise à présenter une définition de l’histoire comme « enseignement-apprentissage ». De nombreuses contributions revoient et repensent le programme d’histoire, des objectifs aux évaluations, en passant par la vérification des acquisitions de connaissances et de compétences. Le texte de Sabrina Moisan fait écho à plusieurs auteurs de ce chapitre en rappelant par exemple que « lorsqu’un épisode de l’histoire du Québec est invoqué dans l’actualité, il serait souhaitable que l’élève soit non seulement en mesure de reconnaître la justesse du contenu du discours et son contexte, mais qu’il adopte également une attitude critique » (p. 62).
L’avis de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec sur le programme de 2006 « Histoire et éducation à la citoyenneté », amorce la seconde partie de l’ouvrage, qui rassemble des réponses ponctuelles aux propositions du comité Beauchemin.
La troisième partie fait davantage place à des analyses. Par exemple, le texte de Raphaël Gani évalue les propositions qui ont eu cours depuis 1995; la défense l’histoire nationale par Éric Bédard est très bien menée et distinguée de l’approche nationaliste; enfin, le texte inspirant de Paul Zanazanian sur les différentes façons de problématiser la québécité, grâce auquel cet ouvrage collectif vaut la peine d’être lu en commençant par la fin.
En effet, pour parachever l’ouvrage, les conclusions des didactiens de l’histoire Joan Pagès Blanch et Neus Gonzalès-Monfort, professeurs à l’université autonome de Barcelone, plaident pour une implication accrue des didacticiens dans les programmes scolaires d’histoire, une meilleure formation des maîtres et l’importance d’une « vision claire de l’avenir » (p. 189), un avenir qui sera inévitablement constitué d’histoires (au pluriel) qui ne garderont leur pertinence que si, dans un monde globalisé, elles aident les citoyens à traiter des problèmes communs aux hommes et aux femmes du passé et du présent.
On lira donc dans cet ouvrage ce qu’on y veut bien, soutenu par l’auteure pour deviser gentiment sur l’équilibre souhaitable à atteindre entre le développement des compétences et les savoirs incontournables, entre la démarche et les concepts de la pensée historienne de même que sur les débats historiographiques qui permettent de s’interroger sur le Québec d’aujourd’hui comme le propose l’Association québécoise pour la didactique de l’histoire et de la géographie (p. 23), depuis une posture épistémologique corroborée par Vincent Boutonnet (p. 26) et Marie-Hélène Brunet (p. 41).
En composant son ouvrage à la manière dont une historienne organise ses sources primaires, en les classant en grandes catégories puis en les laissant parler, Catinca Adriana Stan reproduit son objet de recherche. Ce faisant, elle refile aux lecteurs le travail d’herméneutique, celui de faire du sens avec les fragments et de composer un récit.