L’histoire sociale des médias, tant au Québec qu’ailleurs en Occident, est liée aux différents processus d’industrialisation, d’urbanisation, de démocratisation et de mondialisation qui se sont succédé depuis l’avènement de la modernité (Flichy, 1991). Les médias de masse sont constitutifs de ces processus par le biais de médiations, de représentations symboliques, de discours et formations discursives, ainsi que par leurs usages et pratiques trouvant sens au-delà du contenu médiatique lui-même; de fait, ils ne cessent de s’imbriquer dans la production/reproduction des rapports sociaux. Les études en communication témoignent depuis plus d’un demi-siècle de la présence croissante des dispositifs médiatiques et des contenus dans la vie nationale, publique, ainsi que dans les replis les plus privés et intimes de la vie quotidienne. Les médias de masse ont offert des espaces ritualisés – par exemple les grands téléromans ou la soirée du hockey à la radio puis à la télévision – où se sont façonnées des appartenances collectives. Aujourd’hui, les médias sociaux et les médias numériques ajoutent à cela des expressions et des sociabilités nouvelles, parfois plus circonscrites ou plus individuelles (Cardon, 2010). Les phénomènes médiatiques sont des faits sociaux totaux (Mauss, 1923), alors que, et de manière tout à fait problématique, le champ médiatique englobé dans celui plus général de la culture est largement demeuré en marge de la discipline sociologique. En effet, la culture s’est révélée être une pierre d’achoppement pour la sociologie, du moins en Europe occidentale où la discipline puise une part de ses fondements théoriques. « Si la plupart de ses représentants voyaient effectivement dans la culture – c’est-à-dire le vaste domaine des idées et de leurs formes d’expression et d’action dans la sphère sociale, politique, économique et esthétique – une composante nécessaire de la vie humaine, ils se refusaient à lui accorder une influence significative sur les évolutions sociales » (Gebhardt, 2012). La rupture épistémologique avec la sociologie de la culture et une sociologie plus générale, tant au Québec qu’ailleurs en Occident, nous semble constituer un élément marquant du développement du champ des médias et de la communication au sein des sciences sociales. Il importe de revenir sur la vision pessimiste des changements culturels de la période industrielle – entre autres ceux de l’après-guerre –, qui a laissé les médias en marge de la réflexion sur les arts et la culture légitime (Fournier et Lamont, 1992; Macé, Maigret et Glevarec, 2008). C’est la notion de médias « de masse » qui s’est alors avérée problématique, par exemple pour l’identification qu’en propose l’École de Francfort avec une mystification-domination des populations, et que reprennent à leur compte les analyses américaines sur les effets des médias. Cette difficulté à examiner les médias autrement qu’au prisme de leurs aspects mercantiles a ainsi beaucoup contribué au développement d’une étude des médias en dehors de la sociologie de la culture. Cette exclusion était surtout justifiée par l’illégitimité présumée de l’objet d’étude. Pourtant, que ce soit en Amérique du Nord avec les travaux de James Carey et dernièrement de Jeffrey Alexander, en Amérique du Sud avec ceux de Jesus Martin Barbero, en Grande-Bretagne avec le courant des Cultural Studies (Williams, Hoggart, Hall), et plus récemment en France avec le tournant postcritique des médiacultures de Macé, Maigret, Glevarec, et d’autres, toute une série d’auteurs ont plaidé pour une réhabilitation des médias dits populaires ou mondains à l’intérieur même d’une réflexion plus ouverte et inclusive sur la culture et les communications. À partir des propositions de ces auteurs et de ces grands courants internationaux, il est possible aujourd’hui d’élaborer de nouvelles manières de saisir …
Appendices
Bibliographie
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