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Diplômé en histoire, en communication publique et en science politique, Alain Lavigne, professeur au Département d’information et de communication de l’Université Laval, met à profit cette formation pluridisciplinaire pour s’intéresser aux questions du marketing politique. Faisant suite à la parution de Duplessis, pièce manquante d’une légende, L’invention du marketing politique (2012), le livre Lesage le chef télégénique, le marketing politique de « l’équipe du tonnerre » propose de s’intéresser, encore une fois, à l’histoire des pratiques de communication électorale au Québec et aux stratégies de marketing politique, qui « définit l’électorat comme un marché qu’il faut connaître afin de mieux positionner son produit » (Monière, 1998, p. 31 cité par Lavigne, p. 13).
Se basant sur de riches sources documentaires et divers objets du patrimoine politique québécois, qui illustrent abondamment l’ensemble du livre, l’ouvrage « expose comment le Parti libéral a mis en marché son nouveau chef Jean Lesage et son équipe dite du tonnerre » (p. 13) au cours des campagnes électorales de 1960, de 1962 et de 1966, en plus de présenter certaines stratégies de marketing gouvernemental du Parti libéral, dont la stratégie de promotion du Bill 60 menée par Paul Gérin-Lajoie auprès de la population et qui a conduit à la création du ministère de l’Éducation, et la stratégie de communication entourant le projet de nationalisation de l’électricité, porté principalement par Lesage et par René Lévesque, alors ministre responsable du dossier.
Résumant d’abord le meilleur et le pire des stratégies de marketing politique employées par le Parti libéral lors des trois campagnes électorales menées avec Lesage comme chef de parti, le livre revient ensuite spécifiquement sur chacune d’elles. Les axes de communication sélectionnés, la mise en récits et en images du chef et de son équipe ainsi que les stratégies publicitaires, informationnelles, événementielles et relationnelles sont analysés pour expliquer le succès des deux premières campagnes ainsi que la défaite aux élections de 1966. Sur cette dernière campagne, Lavigne présente également les éléments clés de la stratégie utilisée par l’Union nationale et qui a conduit à la victoire de Daniel Johnson et lui a permis de répliquer aux stratégies déployées précédemment par le Parti libéral. Enfin, le livre pose un regard sur l’influence de Lesage dans l’histoire politique québécoise.
Lavigne attribue largement le succès politique de Jean Lesage à ses qualités télégéniques, ainsi qu’à des stratégies communicationnelles et de marketing savamment orchestrées. Le chef est entouré d’une équipe publicitaire expérimentée, de conseillers en communication externe et de conseillers en télévision qui l’aident à apprivoiser ce média qui lui permettra notamment de briller lors du premier débat des chefs télévisé de l’histoire canadienne, en 1962. La stratégie libérale gagnante des années 1960 et 1962 se base sur une utilisation efficace des sondages d’opinion et met l’accent sur la publicité télévisuelle. Le parti utilise des slogans porteurs et percutants tels que « C’est l’temps qu’ça change! » et « Maintenant ou jamais, maîtres chez nous », en plus de présenter une équipe forte et complémentaire, l’équipe dite « du tonnerre ».
Pour corroborer son analyse des tactiques de marketing ayant contribué au succès des campagnes de 1960 et de 1962, l’auteur revient également sur les ratés de la campagne de 1966. Il met en évidence la responsabilité d’une équipe des relations extérieures et de la publicité renouvelée et peu expérimentée dans cet échec, qui s’explique aussi par le choix d’une stratégie opposée à celle des précédentes campagnes et dont la communication se concentre uniquement sur un chef qui semble faire cavalier seul. La publicité met l’accent sur les médias écrits plutôt que sur la télévision, et la stratégie événementielle, qui mise sur une grande tournée provinciale de Lesage accompagné de son épouse, se concentre sur les 40 comtés de la région de Québec, délaissant ceux de la région de Montréal où l’Union nationale fera des gains. Les images présentent un chef qui semble austère et préoccupé et le slogan, « Pour un Québec fort… Gardons le Québec en marche! », est moins « actif » que ceux des campagnes précédentes. Bien que le marketing politique ne soit pas garant à lui seul des succès électoraux, Lavigne conclut qu’il faut « l’exercer avec jugement afin que les stratégies soient appuyées des meilleurs moyens disponibles » (p. 170), ce qui n’a pas été le cas de la campagne de 1966 car les stratèges ont rejeté plusieurs des moyens gagnants des élections précédentes. Comme le dit l’auteur, le « chef d’orchestre de la Révolution tranquille aurait certes mérité d’être mieux conseillé » (p. 170).
Par son aspect pluridisciplinaire, abordant des questions politiques, historiques et les stratégies de marketing et de communication, ce livre rejoindra un large public qui peut inclure notamment les professionnels, les chercheurs et les étudiants de ces disciplines. Accessible et abondamment illustré, il a toutefois les défauts de ses qualités, abordant énormément de sujets sans les approfondir, ce qui rend parfois le texte peu fluide et l’analyse superficielle, alors que le ton devient très énumératif et répétitif. Par moment, le lecteur reste sur sa faim. Nous aurions aimé en savoir plus sur les moyens et les stratégies de marketing politique employés. À titre d’exemple, la rencontre des conseillers du Parti libéral avec ceux de John F. Kennedy est abordée très rapidement sans en présenter la portée concrète. De même, l’auteur évoque l’apparition des rédacteurs de discours, mais donne peu de précisions sur leurs fonctions et leur impact dans les campagnes libérales. Le texte cite également abondamment certains auteurs qui ont déjà abordé des aspects du marketing politique québécois – nous pensons notamment à Denis Monière ou à Jacques Benjamin –, si bien que l’on a parfois l’impression de lire une recension de leurs écrits. Ces limites posées, ce livre est riche en références historiques et en images d’archives et présente un lien pertinent entre les stratégies de communication et la politique, en plus d’apporter un éclairage particulier sur une période importante de l’histoire québécoise.