FR:
La famille a connu d’importantes transformations depuis les années 1960 : moins grand nombre d’enfants par famille, multiples formes de parentalité. Aussi les normes et valeurs qui régissaient les relations familiales sont en porte-à-faux par rapport aux réalités contemporaines, et les contours de ce qui pourrait en constituer de nouvelles sont incertains. J’analyse ici des récits familiaux et de filiation dans le cinéma de fiction québécois; comme tout genre narratif, celui-ci à la fois reflète et façonne l’imaginaire et les pratiques. Pour saisir les permanences et inflexions de ces récits familiaux, je m’appuie sur un corpus de quelque 150 films de fiction québécois (1966-2013). Les relations entre les pères et leurs enfants y sont marquées par le conflit, lequel trouve une résolution souvent précaire, alors que celles entre les mères et leurs enfants restent dans le non-dit, le silence et l’irrésolu. L’alliance se « découple » de la parentalité, et l’exercice de la parentalité se découple pour sa part des normes et rôles sociaux. Des obligations fortes régissent les liens entre les frères et les soeurs. À travers tout cela, un équilibre précaire se dessine au sein des familles, ouvrant la voie à une recomposition des identités, normes et valeurs.
EN:
The family has undergone major transformations since the 1960s, with the main differences being fewer children per family and multiple forms of parenting. In that context, the norms and values that formerly governed family relations are poorly suited to contemporary realities, with new ones slow to emerge and manifest. In this article, I analyze how families and filiation are portrayed in Quebec fiction cinema, which, like any narrative genre, both reflects and shapes the imaginary and practices of society. To capture the permanencies and inflections of these family stories, I rely on a body of some 150 films from Quebec fiction (1966–2013). The relationship between fathers and their children are marked by conflict, which often finds a precarious resolution, while those between mothers and their children tend to remain unspoken, silent and irresolute. The alliance is distinct from parenting, while the exercise of parenting, for its part, is distinct from social norms and roles. The relationships between brothers and sisters are governed by a strong sense of obligation. Through it all, families increasingly face precarious conditions, paving the way for a restructuring of identities, norms and values.