Comptes rendus

Lionel Groulx, Correspondance. 1894-1967. Tome 4 : Le conférencier traditionaliste et nationaliste, 1915-1920, édition critique par Giselle Huot, Juliette Lalonde-Rémillard et Pierre Trépanier, Outremont, Fondation Lionel-Groulx, 2013, 745 p.[Record]

  • Yvan Lamonde

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Ce tome 4 de la correspondance du chanoine Lionel Groulx comprend deux introductions, l’une écrite par G. Huot (p. 25-45) et l’autre par P. Trépanier (p. 47-113), avec une intéressante typologie des combinatoires entre nationalisme, traditionalisme, libéralisme et socialisme; une chronologie de la période (p. 115-130); les lettres de Groulx, des numéros 1481 à 1595 (p. 135-358); des annexes de lettres des périodes précédentes récemment trouvées ou attestées (p. 361-392); des notices biographiques (p. 393-461); une liste chronologique des 112 lettres expédiées et des 587 lettres reçues de Groulx pour la période (p. 463-483); une bibliographie (p. 485-692); un index onomastique et thématique (p. 695-744) et une table des 26 illustrations (p. 745). Soit 223 pages de correspondance contre 522 pages d’appareil critique. Dans une perspective de biographie intellectuelle, on regrettera avec Trépanier que le manque d’espace ait obligé à interrompre l’analyse de la bibliothèque et des lectures de Groulx. Groulx vient de quitter le Séminaire de Valleyfield où il avait commencé sa carrière et dont il doit s’éloigner après un procès canonique contre Mgr Émard, procès gagné par le jeune abbé. Il crée alors une chaire d’histoire du Canada à l’Université Laval à Montréal (qui deviendra une université autonome en 1920). Trépanier a raison de parler de conférencier plutôt que de professeur ou d’universitaire. Ses conférences sur la Conquête, les luttes constitutionnelles, la Confédération et les « événements » de 1837 et de 1838 ne laissent pas indifférents en temps de guerre et d’impérialisme. Mgr Bruchési est tenté de censurer le jeune conférencier (annexe XII et lettre 1490) en priant l’ami de Groulx, l’abbé Émile Chartier, secrétaire de l’Université, de faire le travail de plume. Ce sera la fin d’une amitié, après bien des égratignures épistolaires (p. 74-77 et lettre 1549). Loin d’être ennuyeux, Groulx aura ses propres égratignures de plume à l’égard de l’abbé D’Amours de L’Action catholique de Québec et de nombreux « québécquois » bons ententistes, de Mgr Émard ou de l’exotiste Victor Barbeau, virulent critique du régionalisme. L’introduction fait bien voir la portée de l’entrée en guerre en 1917, au moment de la crise scolaire en Ontario et au moment où Groulx est déjà en pratique directeur de L’Action française lancée la même année. La table est mise pour le tome 5 (1921-1928) de la correspondance car on voit bien comment le contexte de 1917 mène à la grande enquête de L’Action française de 1922 sur « Notre avenir politique » et l’indépendantisme. L’intérêt majeur de ce tome réside dans le choix fait par Trépanier, historien affirmé des droites intellectuelles au Québec (Cahiers des Dix, 48, 1993), de situer Groulx dans ce qu’il a appelé le traditionalisme, façon de caractériser autre chose que le traditionnel. On peut ne pas être d’accord avec le contenu de ce concept, mais il a l’avantage de bien caractériser la droite à laquelle appartiennent Groulx et ses disciples. Ce traditionalisme intellectuel préconise « une modernisation sans modernité philosophique » (p. 60). Cette vision du monde est historique, traditionaliste, communautaire « et non pas contractuelle, libérale et individualiste; en somme, elle est antimoderne » tout en entendant « transformer les nouveautés en fidélités » (p. 65). Elle repose sur « l’intégrité » catholique et française – dans l’ordre – et fonde le nationalisme de Groulx auquel il faut ajouter, conséquence de l’intégrité catholique, le providentialisme d’un Dieu qui « veut » quelque chose pour le Canada français. Le refus chez Groulx de la « modernité philosophique » – la Renaissance, les Lumières et le rationalisme cartésien – doit sans doute à « l’humanisme intégral » de Maritain …