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Journal de voyage dans l’Ouest canadien (Présentation et notes de Frédéric Parent)Un inédit de Léon Gérin[Record]

  • Frédéric Parent and
  • Léon Gérin

En 1893, la question des écoles du Manitoba polarise toujours les débats politiques au Canada, depuis la suppression trois ans plus tôt, par le gouvernement manitobain de Thomas Greenway, du régime des écoles confessionnelles et de l’obligation de produire les documents publics en français. Si les catholiques francophones et anglophones étaient dans les années 1870 aussi nombreux que la population protestante, ce n’est plus le cas vingt ans plus tard, même si la population manitobaine ne cesse de croître, passant d’environ 12 000 personnes dans les années 1870 à plus de 150 000 vingt ans plus tard (Coates et McGuiness, 1987). En décembre de l’année précédente, Léon Gérin est nommé secrétaire particulier d’Auguste-Réal Angers (1837-1919), sénateur et ministre fédéral de l’Agriculture au sein du nouveau cabinet du premier ministre John Sparrow David Thompson. Angers démissionne de son poste de lieutenant-gouverneur du Québec pour venir travailler dans la capitale fédérale à la demande de Thompson et, dès son entrée en fonction, il prend l’engagement « de rendre aux catholiques les écoles supprimées » (Deschênes, 1998). Gérin quitte quant à lui son travail de sténographe auprès des avocats du Palais de Justice de Montréal pour occuper son nouveau poste à Ottawa. Formé en droit et admis au Barreau en 1885, il ne s’intéresse pas au travail d’avocat, ni à celui de politicien d’ailleurs. Il rêve plutôt de s’établir un jour sur sa terre, achetée au printemps 1887 à Sainte-Edwidge de Clifton dans les Cantons de l’Est. Célibataire de 30 ans, Gérin écrit dans ses temps libres des articles sociologiques publiés dans La Science sociale, revue du groupe de dissidents leplaysiens du même nom, auprès duquel il s’est initié à la sociologie durant son séjour parisien en 1885-1886. Son travail de secrétaire particulier l’oblige à suivre régulièrement son ministre dans ses déplacements officiels, au cours desquels Gérin prend des notes d’observation à l’usage des ministres. Le fait qu’il connaisse bien la sténographie, ou l’art d’écrire aussi vite que l’on parle, facilite son travail. Il a d’ailleurs écrit son journal dans l’Ouest canadien sous forme sténographique, pour ensuite le dactylographier – dans l’hypothèse où ce soit lui qui ait fait ce travail –, sans doute dans les années 1930 si nous nous fions aux références à des textes parus jusqu’à ces années-là. En compagnie du ministre Angers, de quelques ministres fédéraux et de leurs épouses et de Philippe Landry, Gérin part d’Ottawa le 3 octobre 1893. Ils traversent en train l’Ontario et divers États américains (le Michigan, l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois) afin de se rendre à l’Exposition universelle de Chicago. Gérin et son ministre s’y étaient rendus une première fois dès les premiers jours de l’Exposition au début du mois de mai 1893. Gérin écrit alors à son frère Henri pour lui faire part de ses premières impressions et lui mentionne que : En octobre 1893, les voyageurs ne restent que quelques jours à l’Exposition (trois ou quatre), pour repartir ensuite en direction du Manitoba en traversant l’Iowa, le Minnesota et le Dakota du Nord. Arrivés à la frontière canado-américaine le 8 octobre, ils demeurent dans la province manitobaine jusqu’au 20 octobre, date à laquelle ils s’engagent dans les Territoires du Nord-Ouest, à Moosomin, Regina, Medecine Hat et Calgary. À cette époque, alors que le Manitoba et la Colombie-Britannique existent depuis 1870 et 1871 respectivement, les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta n’existent pas encore : leur création a eu lieu en 1905 (voir figure 1). Le journal de Gérin s’arrête malheureusement à Calgary le 23 octobre 1893, même si nous savons, grâce à sa correspondance personnelle, que …

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