Comptes rendus

Une recension biaiséeRéplique à Maryse PotvinRacisme et antiracisme au Québec. Discours et déclinaisons, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 2010, 212 p.[Record]

  • Micheline Labelle

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  • Micheline Labelle
    Département de sociologie, Université du Québec à Montréal
    labelle.m@uqam.ca

J’ai d’abord été surprise de constater que la recension de mon livre avait été faite par Maryse Potvin, compte tenu de l’existence d’un conflit d’intérêts. Cette recension m’est apparue comme non objective et visant à régler de vieux litiges entre nous. Le ton en est tendancieux et l’auteure comprend mal mon livre. De plus, cette recension a aussi été publiée en anglais dans la revue Canadian Ethnic Studies. Rappelons d’abord le contexte global qui a suscité l’écriture de mon ouvrage. En 2001, la Conférence mondiale contre le racisme de Durban incitait les États à « nommer et reconnaître le racisme » et à assumer un leadership en se dotant de plans d’action nationaux. L’après 11-Septembre a ensuite déclenché de nouveaux enjeux en matière de « gestion de la diversité ». L’État canadien fut donc amené à réviser ses politiques publiques d’immigration, de sécurité, de multiculturalisme et de lutte contre le racisme. En 2005, Patrimoine canadien divulguait le Plan d’action canadien contre le racisme. En 2006, le Québec entreprenait une consultation en vue de l’implantation d’une politique de lutte contre le racisme. En 2008, il livrait une politique gouvernementale sous le titre La diversité : une valeur ajoutée, Politique gouvernementale pour favoriser la participation de tous à l’essor du Québec, assortie d’un plan d’action sur cinq ans. Ce contexte global a provoqué un renouveau des théories du racisme et de l’antiracisme. Or, la confusion règne amplement dans ce domaine, car les définitions du racisme varient d’un auteur à l’autre. On amalgame multiculturalisme, promotion de la diversité et antiracisme. On multiplie mécaniquement les motifs de discrimination qui figurent dans les chartes. Il n’est donc pas étonnant que l’ambiguïté des concepts et les difficultés d’interprétation se répercutent dans le discours des États et des acteurs de la société civile. D’où mon intérêt pour l’analyse critique des variations et des déclinaisons dans le discours de l’État québécois et des acteurs sociaux, discours portant sur le racisme et l’antiracisme au Québec au cours des années 2000. La documentation officielle de divers ministères du Québec, comparée, à l’occasion, à celle de l’État canadien, m’a servi de matériau de base. J’ai construit également un échantillon de mémoires présentés par des organisations non gouvernementales (ONG), des organismes à vocation générale et des associations de minorités (à identité ethnique, religieuse, racisée et autochtone) lors de la consultation menée en 2006 par le gouvernement du Québec. Revenons à la recension de Maryse Potvin, qui s’accroche à des points de méthode et de détail sans dire un mot de mes conclusions. L’auteure me reproche d’avoir utilisé le mot « discours » sans avoir rendu compte de la diversité des approches de l’analyse de discours, soit « la Critical Discourse Analysis de Fairclough, la théorie du discours de Foucault, l’éthique du discours d’Habermas, etc. » (p. 226). Or, mon livre, s’il est le résultat d’un travail universitaire subventionné par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH), a été construit pour intéresser un large public. Le mot « discours » n’a aucune prétention spécifique. Je propose une analyse classique de contenu d’un corpus circonscrit de textes, à partir de thèmes bien identifiés et constants : les conceptions de la « race », le processus de racisation et les cibles du racisme; les acteurs racistes ; les définitions et les causes du racisme, ses manifestions et ses conséquences sur la citoyenneté et enfin les moyens de le combattre. Maryse Potvin ne décrit pas ce que j’ai fait, mais ce qu’elle aurait voulu que je fasse ! Or mes objectifs ne sont pas les siens. Elle me reproche de ne pas avoir …