Abstracts
Résumé
Trois livres écrits à chaud au printemps et à l’été 2012 fournissent l’occasion et le moyen de scruter la manière dont le Printemps québécois s’est lui-même mis en images et en mots : témoignages, parfois sous le mode de la poésie, du dessin et de la fiction ; textes et images de création, parfois sous le mode du témoignage ; ensemble, ils ouvrent une fenêtre sur ce Printemps et permettent de le saisir de l’intérieur, de l’aborder en tant que mouvement dans sa globalité et sa complexité, de saisir l’imaginaire qui y est à l’oeuvre, et surtout de le faire rétrospectivement. Seront mis en évidence les sujets individuels et le sujet collectif au coeur du Printemps québécois ainsi que les figures de leur adversaire, puis le passage du Je au Nous – des sujets individuels au sujet collectif – ce qui permettra de cerner tant la mémoire que le projet dont ce mouvement est porteur.
Mots-clés:
- Printemps québécois,
- mouvement sociaux,
- mouvement étudiant,
- manifestations,
- identités
Abstract
Three books written right in the spring and summer of 2012 provide the opportunity and means to examine how the Quebec Spring portrayed itself in pictures and words. Witness accounts in the form of texts and images provide a point of entry into the uprising, allowing to understand the movement in its comprehensiveness and complexity. Many of these accounts are also expressed poems and creative drawings, giving insight into the imaginary behind the movement. The text highlights the main individual and collective subjects of the Quebec Spring, and of its target. It also describes the transition from I to we, in other words, from individual subjects to a collective subject, allowing to identify the memory as well as the vision triggered by this movement.
Keywords:
- Quebec Spring,
- social movement,
- student movement,
- events,
- identities
Article body
Tu écris debout au milieu des étudiants, des professeurs, des enfants, des grands-parents, des anti-capitalistes, des féministes, des écologistes, mêlée à une foule des manifestants costumés, chapeautés, masqués, maquillés, dénudés, qui circulent à pied, en vélo, en fauteuil roulant, en patins à roues alignées.
Martine Delvaux, « Autoportrait en militante », Printemps spécial, p. 29
Au moment de se pencher sur le Printemps québécois, quelques questions préalables se posent : comment l’aborder en tant que « mouvement » dans sa globalité et sa complexité, comme événement qui déborde chacun de ses moments particuliers ? Comment saisir l’imaginaire qui y est à l’oeuvre, et surtout comment le faire rétrospectivement ? Comment aller au-delà des souvenirs, des impressions ou des anecdotes, et parvenir à une vue d’ensemble de ce moment historique ? Trois livres écrits à chaud au printemps et à l’été 2012 fournissent l’occasion et le moyen de scruter la manière dont ce « mouvement » s’est lui-même mis en images et en mots : témoignages, parfois sous le mode de la poésie, du dessin et de la fiction ; textes et images de création, parfois sous le mode du témoignage ; ensemble, ils ouvrent une fenêtre sur ce Printemps québécois et permettent de le saisir de l’intérieur[1]. Leurs propos et images s’entrecroisent, révélant la complexité du mouvement. C’est ce sur quoi je veux ici me pencher, dans une démarche qui permet d’objectiver le regard d’une part, et de saisir le mouvement en tant que mouvement par l’intermédiaire de ceux qui s’y associent ou se définissent par rapport à lui d’autre part. Comme je le montrerai, le portrait de groupe qui se dégage est assez cohérent. Dans un premier temps je présenterai les sujets individuels et le sujet collectif au coeur du Printemps québécois ainsi que les figures de leur adversaire. Je discuterai ensuite du passé, du présent et du futur du mouvement. Cela me conduira dans un troisième temps à cerner le passage du Je au Nous, des sujets individuels au sujet collectif. En conclusion, je mettrai en évidence le portrait du mouvement présenté dans ces trois livres, la mémoire qu’ils portent, ainsi que ce dont ils ne parlent pas. Mais auparavant je dois m’expliquer sur cette démarche.
L’identité collective est centrale dans tout mouvement social. En fait, ces mouvements sont caractérisés selon Touraine (1978a) non seulement par une telle identité, au nom de laquelle est menée la lutte, mais par un adversaire et un enjeu ; ce qui selon lui distingue un mouvement social d’une « simple » lutte, c’est essentiellement l’enjeu : une lutte peut concerner une organisation ou une institution, alors qu’un mouvement doit porter sur les orientations fondamentales de la société, ce que Touraine appelle l’historicité. De plus, la lutte portée par un mouvement doit être positive : l’acteur collectif ne doit pas seulement s’opposer à un adversaire, mais porter un contre-projet. Bien entendu, un mouvement social n’est généralement pas unitaire, mais traversé de tendances, ce que Touraine met en évidence dans ses divers travaux empiriques, notamment celui sur les luttes étudiantes des années 1970 en France (1978b). Dans l’analyse, il fait ressortir une tension entre l’action culturelle et l’action professionnelle de ces étudiants, leurs actions se déclinant dans les deux cas soit à l’intérieur du monde universitaire, soit en le débordant. Le titre du livre de Touraine (1978b), Lutte étudiante, en indique déjà la conclusion ; à ce moment-là, il n’est pas question de mouvement étudiant.
L’approche de Touraine, qui consiste à repérer l’acteur collectif, son adversaire et l’enjeu de la lutte a été reprise par plusieurs auteurs, notamment par Manuel Castells (1999) pour analyser divers mouvements, en particulier le mouvement écologiste. Pour sa part, Alberto Melucci, propose une approche inspirée de celle de Touraine, et il définit ainsi un mouvement social : « It designates that form of collective action which (i) invokes solidarity, (ii) makes manifest a conflict, and (iii) entails a breach of the limits of compatibility of the system within which the action take place »[2] (Melucci, 1996, p. 28). Cette approche diffère toutefois de celle de Touraine sur un point essentiel. Pour Melucci, l’identité collective ne préexiste pas au mouvement social, elle se construit à travers les activités de celui-ci (voir aussi Neveu, 1996) ; selon lui, il y aurait, depuis en gros la fin des années 1960, de nouveaux acteurs collectifs, dont l’identité collective s’est définie dans l’action collective ; de plus, ces nouveaux acteurs mettent en oeuvre de nouvelles formes de rassemblement (essentiellement des réseaux), lesquelles servent à porter de nouveaux enjeux. Nouveaux acteurs, nouveaux enjeux, nouvelles formes de rassemblement ; l’altermondialisme serait l’exemple par excellence de ces mouvements/réseaux, qui se caractérisent également par un « nouveau répertoire d’action » (Jordan, 2003), plus festif, dont la Marche des femmes contre la pauvreté, dite Marche du pain et des roses, fournit une illustration. À l’occasion de cette Marche, en 1995, plusieurs centaines de femmes ont cheminé pendant 10 jours vers l’Assemblée nationale du Québec où les ont rejointes des milliers de personnes ; cette Marche a donné naissance à la Marche mondiale des femmes (Giraud et Dufour, 2010).
Les théories désormais classiques de Touraine et de Melucci sur les mouvements sociaux permettent d’analyser le Printemps québécois[3]. Y a-t-il eu mouvement social au sens que la sociologie donne à ce terme ? Si oui, comment en caractériser l’acteur collectif ? Quels en ont été l’adversaire, l’enjeu et le répertoire d’action ? À elles seules, l’ampleur des manifestations du 22 mars et du 22 avril (plus de 200 000 personnes), ainsi que la multiplication des soirées casseroles dans divers quartiers de Montréal et d’autres villes du Québec suggèrent qu’il y a eu mouvement social, au sens fort du terme. Aussi j’utiliserai le terme mouvement dans ce qui suit pour parler du Printemps québécois, à la fois par commodité et comme hypothèse de travail.
Les concerts de casseroles, les maNUfestations, une Banane rebelle et un Anarchopanda[4] qui distribue ses câlins tant aux manifestants qu’aux policiers, sont à inscrire dans le répertoire d’actions de ce printemps 2012, avec bien sûr les grandes manifestations des 22 mars, avril, mai et juin, sans oublier les manifestations nocturnes quotidiennes[5]. Si l’inventaire des actions et le fil des événements sont somme toute assez faciles à retracer, c’est moins évident pour ce qui est des acteurs. Qu’est-ce qui relie les 200 000 manifestants du 22 mars ou du 22 avril aux casseroleux ? M’inspirant à la fois de Touraine et de Melucci, je me suis demandé quelle est l’identité collective, quel est le Nous à l’oeuvre dans le Printemps québécois. À partir de quels Je s’est-il formé, et comment ? Quel est l’enjeu du mouvement ? Les trois livres auxquels j’ai fait allusion plus haut offrent de premières réponses à ces questions.
Textes et images en direct
Le livre du photographe Jacques Nadeau, Carré rouge (CR), offre des instantanés de ce Printemps 2012. Nadeau, photographe au Devoir, y présente 155 photos en couleur, certaines inédites et d’autres déjà publiées dans ce quotidien, mais le livre regroupe également 107 textes[6] qui font écho à ces photos, et qui selon l’éditrice du livre, Marie Andrée Lamontagne, y font « contrepoint » (p. 3) ; ils ont tous été écrits pour ce livre. « Certains ont été sollicités personnellement par le photographe ; d’autres sont la réponse du public à une invitation à collaborer publiée en mai dans Le Devoir et lancée sur les réseaux sociaux » (Lamontagne, p. 3). Ces textes tiennent sur une page (à une exception près, où il s’étale sur deux pages) ; ils peuvent même être deux sur une seule page, voire trois. Bref, ils vont à l’essentiel et expliquent le plus souvent la position de l’auteur par rapport au mouvement, sous forme de témoignage ou de texte de création ; en effet, grosso modo le quart de ces textes sont des poèmes. Témoignages et textes de création, voilà qui se situe dans le registre de l’expression, de l’identité : des sujets individuels et collectifs s’y expriment.
Un ouvrage collectif, Je me souviendrai (JMS), présente des textes, dessins, bandes dessinées ainsi que des photos, et a été publié en même temps que celui de Nadeau, dans les derniers jours du mois d’août 2012. Dans le « Préambule », Soulman écrit : « Les textes réunis ici méritent plus que le temps d’une simple pause café avant une réunion, ces photos, ces illustrations méritent plus d’attention que quelques clics dans un bus, en attendant son arrêt » (p. 7), laissant de la sorte entendre que les textes et images rassemblés dans ce livre ont connu une première vie sur le web. De plus, ils ont été produits à chaud, comme les dessins et textes de « Francis Desharnais, en direct du conflit social » (JMS, p. 164) ; dans le même sens, Julie Delporte écrit en commentaire à ses dessins : « J’essaie de dessiner en marchant » (JMS, p. 135). Aussi, ce n’est pas forcer les choses que d’analyser ces textes et images sous l’angle de l’identité individuelle et collective des participants au mouvement, et du témoignage quant à son enjeu et son adversaire. Si l’ouvrage compte 65 collaborateurs, certains y sont représentés plusieurs fois ; le livre compte 24 textes, dont quatre analyses et six poèmes ; il y a aussi 70 dessins, caricatures et affiches, qui couvrent de une demi-page à deux pages, 20 bandes dessinées (de une à dix pages), cinq pages où on voit des photographies et enfin un court métrage, dont des photogrammes et le scénario sont reproduits, bref, en tout 120 oeuvres. Les illustrations sont en deux couleurs : noir et rouge. L’ensemble des textes et illustrations est présenté chronologiquement et entrecoupé de capsules qui rappellent les événements saillants des mois de cette fin d’hiver et de ce printemps dont le livre veut porter la mémoire.
Un troisième collectif, Printemps spécial (PS), regroupant de courtes « fictions » et plusieurs photos, est paru un mois plus tard que les deux premiers. Les éditrices[7] précisent en page 4 et sur le quatrième de couverture que les douze textes du livre « ne visent pas l’analyse, ils ne cherchent pas à convaincre non plus. Ils sont l’expression tour à tour lyrique, ironique, admirative ou mélancolique d’un printemps à nul autre pareil » ; ayant été « écrits dans la vibration aiguë du présent », ils se situent dans le même registre que ceux de JMS et de CR, et comptent de quatre à neuf pages. Ici, ce sont 18 photos (en noir et blanc, retouchées de rouge) de Toma Iczkovits (alias M’sieur Zen), dont celle de la couverture, qui font contrepoint aux textes.
Les trois livres[8] présentent donc textes et images écrits à chaud lors de ce printemps « à nul autre pareil », et révèlent comment leurs auteurs s’y rattachent, comment ils se définissent.
Dans ce qui suit, j’analyse l’usage des pronoms personnels – Je, Tu, Nous, Vous, Ils, Eux, On – dans les trois ouvrages susmentionnés. Il s’agit de la sorte de cerner l’acteur collectif ainsi que son adversaire. Comme Melucci avance que l’identité collective se forge dans l’action, j’analyse cette dynamique à travers l’usage du passé, du présent et du futur dans les textes, ce qui permet, malgré la brièveté de ces textes, de dégager tant les racines du mouvement que la façon dont il se déploie et vers quoi il tend, son enjeu. Dans les images (photos ou dessins), je peux saisir des identités et des adversaires, mais plus difficilement des temporalités, contrairement aux textes, qu’ils soient ou non narratifs. Quand, dans l’analyse, je précise le nombre d’usages d’un pronom, d’un temps de verbe ou d’une expression, cela renvoie aux 107 textes de Carré rouge, car il m’est impossible de faire pareil décompte et surtout de le faire aussi systématiquement dans les deux autres ouvrages qui comprennent des analyses sociopolitiques ou des textes de fiction de plusieurs pages ne se prêtant pas à ce type d’analyse. Cela dit, j’utilise des exemples des trois livres pour illustrer mon propos.
Compagnons de route
Après y avoir pensé toute la journée, quand j’ai fini mon quart de travail, je suis enfin parti pour la manif.
Simon Paquet, PS, p. 44.
« Ensemble nous marchons ». L’expression de Jean Villemaire (CR, p. 85) caractérise bien le sujet collectif selon les textes ici analysés : il s’agit de marcheurs. Marcher, c’est manifester, mais aussi être en marche vers le changement. Dans les trois ouvrages, les photographies proposent presque toutes des images de manifestation ; c’est aussi le cas de plusieurs illustrations et bandes dessinées dans JMS, et les allusions à la marche sont multiples dans les textes. Qui sont donc tous ces marcheurs ? Quel est le Je qui a pris le crayon ou le clavier, et à quel Nous s’identifie-t-il ?
Le Je transparaît dans le texte (58 fois dans CR) ou dans la signature. Il y a quatre figures du Je : les étudiants (ou anciens étudiants, comme quelques-uns se définissent), leurs aînés (parents et professeurs), les porteurs de carré rouge et enfin les citoyens. Dans l’ensemble, les non-étudiants sont plus nombreux que les étudiants à avoir signé des textes. Dans le collectif CR, 17 textes se situent explicitement en extériorité aux étudiants, contre 12 où l’auteur se pose comme étudiant. Dans JMS, plusieurs des auteurs de bandes dessinées (et un de texte) se présentent explicitement comme « d’anciens étudiants », et seulement deux auteurs de textes comme étudiants. Dans PS, aucun auteur n’est étudiant. Dans les trois livres analysés, le Printemps se dit et se montre ainsi au-delà de l’appartenance au monde étudiant. Quel est donc le lien entre les collaborateurs à ces trois ouvrages et les étudiants ?
Plusieurs participent au mouvement par solidarité intergénérationnelle, et se définissent comme professeur – tous niveaux confondus – (10 fois dans CR) ou parent (8 fois dans CR). Trois des douze auteurs de PS se présentent implicitement ou explicitement comme professeure et deux comme parents. Dans JMS, cette dimension intergénérationnelle est également bien présente, et est représentée en tout 14 fois, notamment dans les photogrammes d’un film mettant en scène un grand-père qui se prépare à manifester avec sa petite-fille ; neuf images de bandes dessinées mettent en jeu cette dimension intergénérationnelle, ainsi que deux textes de création et deux caricatures. « Nos enfants » est une expression qui revient sous la plume de plusieurs auteurs, d’âges divers, et un grand nombre des enfants dont il est question sont encore loin des bancs de l’université.
Cinq autres personnes dans CR se définissent par le port du carré rouge, donc en solidarité avec les étudiants, sans appartenir elles-mêmes à ce groupe ni se présenter comme parent ou professeur. Carré rouge, ce n’est pas que le titre d’un des livres ici analysés, c’est un signe de ralliement et de reconnaissance que portent manifestants et sympathisants, et omniprésent dans les dessins et photos présentés dans les trois livres.
Ce qui rallie plusieurs au mouvement se situe au-delà de la question étudiante et de l’accessibilité des études, et 44 textes dans CR sont signés par des auteurs qui se définissent comme « citoyen » ou « citoyenne », auxquels il faut sans doute ajouter les deux qui se définissent comme Québécois ; cette signature n’est pas mutuellement exclusive avec les autres formes d’identification, soit dit en passant. Cette définition de soi comme citoyen indique que le mouvement ne touche pas que les étudiants, voire qu’il ne concerne pas que la hausse des frais de scolarité et qu’on peut s’y rallier du fait de son appartenance à la Cité politique. Parents et professeurs se définissent par rapport aux étudiants, les porteurs de carré rouge se disent solidaires avec les étudiants ; quant aux citoyens, ils se posent à l’extérieur du monde étudiant et se définissent par le/la politique et implicitement par une collectivité. Si donc il y a quatre Je, on peut les regrouper sous deux parapluies : les étudiants et leurs proches d’une part et les citoyens d’autre part. Par ailleurs, la solidarité intergénérationnelle est au centre du mouvement, tel qu’il se dit et se montre. Elle se décline au présent parmi les manifestants, et au futur car les parents de jeunes enfants souhaitent que l’éducation supérieure demeure accessible à moyen et long terme.
Le Nous apparaît plus souvent que le Je dans les textes de CR, soit 66 fois ; assimilable au Nous, le On inclusif[9] est pour sa part présent 14 fois, pour un total de 80 occurrences dans CR de ces termes renvoyant à un sujet collectif. Il y a deux figures principales de ce Nous, qui se recoupent à l’occasion : les manifestants et les Québécois. Plus précisément, le Nous se définit 20 fois par le mouvement ; 13 fois il renvoie aux manifestants ou aux marcheurs, sinon aux joueurs de casserole ou porteurs de carré rouge, autant de groupes qui ne peuvent être assimilés aux étudiants. Cinq fois seulement le Nous est celui de la jeunesse ou des étudiants[10], et quatre fois il désigne une famille.
Le Nous embrasse aussi les Québécois dans leur ensemble, la société dans son ensemble ; on retrouve ici les citoyens auxquels s’identifient plusieurs Je. Le Nous québécois peut être implicite ou nommé explicitement ; en tout, il est 23 fois présent dans les textes de CR. Y fait écho le drapeau du Québec sur la couverture de JMS, où la croix blanche est devenue une colombe aux ailes déployée et portant un carré rouge sur le coeur, graphisme emprunté à l’École de la montagne rouge ; dans le même sens, une bande dessinée reproduit la carte du Québec, indiquant la portée du mouvement (Miguel Bouchard, JMS, p. 19).
Dans les trois ouvrages, les images de manifestations sont présentes tant dans des photographies que dans les dessins, illustrant les contours de ce Nous. Le Nous photographié est plutôt bigarré : les manifestants sont assez jeunes et brandissent, en plus de nombreuses pancartes, des drapeaux du Québec (17 fois dans CR, une fois dans PS) ainsi que deux fois des drapeaux des patriotes dans CR ; le drapeau rouge est présent 6 fois dans CR, une fois dans JMS ; à ce propos il faut noter que dans JMS et PS, le traitement graphique en noir et rouge transforme presque toutes les pancartes en carrés rouges. Quelques photos montrent des manifestants portant le masque popularisé par Anonymus (4 dans CR ; la couverture de PS met ce masque en avant-plan, tout comme une photo à l’intérieur du livre)[11]. Dans les trois livres, et notamment sur la couverture de CR, on voit des manifestants portant des foulards qui leur cachent le visage et les protègent tant des gaz que de l’identification par la police. Parmi les manifestants photographiés, il y a, comme dans les dessins de JMS, des gens de tous les âges : des enfants (6 dans CR), des gens à barbe blanche ou cheveux blancs (4 fois dans CR).
Les contours du Nous, comme ceux du Je, se situent donc au-delà des frontières du monde étudiant.
S’il y a plusieurs Je et quelques Nous, il n’y a que de rares Tu, dont deux clairs dans CR : Jacques Nadeau, auteur des photos duquel les textes ont été réunis et Yalda Machouf-Khadir, étudiante ayant été arrêtée. Une bande dessinée de Miguel Bouchard écrite au Tu est en fait une lettre à sa mère (JMS, p. 18-19). Le Vous, également rare, prend deux figures : ceux à qui on s’adresse et qu’on cherche à convaincre d’une part (donc de futurs Nous), et ceux qu’on apostrophe et qui représentent l’adversaire d’autre part. Dans les textes, ce qui ressort ce sont essentiellement les Je et les Nous, participants au mouvement, et l’Autre, Eux, l’adversaire.
Cet adversaire du Je et du Nous est pointé 74 fois dans les textes de CR et est bien caractérisé par quatre figures, présentes explicitement dans les trois livres. La première de ces figures est le gouvernement, à qui on s’en prend 35 fois dans CR, donc dans près de la moitié des textes où un adversaire est identifié, et plus particulièrement le premier ministre Charest, souvent nommé, mais aussi caricaturé, dénoncé par les affiches des manifestants (dans 11 photos de CR et 21 dessins de JMS) ou ses ministres (les deux ministres successives de l’éducation Line Beauchamp et Michelle Courchesne, ainsi que le ministre des finances Raymond Bachand), lesquels sont pointés 11 fois dans CR, mais aussi dessinés dans JMS[12]. Le texte de Nicholas Chalifour dans PS porte explicitement sur le Parti libéral et sa réunion à Victoriaville pendant que la manifestation tournait à la violence à l’extérieur. Mais le mal touche plus largement le gouvernement en général, pris à partie 21 fois dans CR, et même l’Assemblée nationale dans son ensemble, qui est nommée 1 fois dans CR et dessinée ou photographiée 3 fois dans JMS. Dans CR, le projet de loi 78 est dénoncé 4 fois dans les textes et 6 fois dans des photos ; dans JMS, il est pourfendu 11 fois dans les textes, dessins et caricatures des sections du livre correspondant aux mois de mai et de juin.
La police et l’escouade antiémeute apparaissent comme l’ennemi 28 fois dans CR ; elles sont nommées 12 fois explicitement et les autres fois évoquées par le poivre, les matraques ou les gaz ; plusieurs affirment en avoir été personnellement victimes (Jean-Pierre Thibault dans CR, p. 23 par exemple ; voir aussi les textes de Grégory Lemay et Simon Paquet dans PS). Très présente aussi dans les photos et les dessins, la police est casquée, porte matraque : elle est présente dans 57 photos de CR et dans 6 photos de PS, c’est-à-dire dans grosso modo le tiers des photos de ces deux ouvrages.
Deux autres ennemis, plus insidieux et difficiles à combattre, arrivent ex-aequo dans les textes de CR, le néolibéralisme (8 fois), et tous ceux qui démissionnent d’une façon ou d’une autre face aux trois ennemis déjà cités (8 fois) : « ceux qui ne rêvent plus » (Pierre Valois, CR, p. 44), les « syndicats qui s’écrasent » (Dominique Boivin, CR, p. 75), les « yuppies fatigués » (Michel Nadeau, CR, p. 76), et qui prennent la figure de moutons dans les deux BD de Estelle Bachelard (JMS, p. 39, 181). Les résidents de la banlieue (Patrice Lessard, PS, p. 95) sont aussi pointés et, de façon plus cinglante, « les aboutis, les arrivés, wannabees, les survenus et les parvenus » (Hugo Latulippe, JMS, p. 68).
À cette dernière catégorie de « moutons », on peut assimiler les médias de droite, « les artisans de la désinformation » (Marcel Goulet, CR, p. 65), et conséquemment « les désinformés » (Anne Dandurand, CR, p. 94). Aux premiers, les médias de gauche font contrepoids, notamment CUTV (Concordia University Television), dont la directrice Laura Kneale signe un texte dans CR ; trois bandes dessinées font aussi allusion à CUTV dans JMS.
Même si on redoute les conséquences à long terme de la hausse des frais de scolarité (Stéphane Laporte, JMS, p. 59-61) et de la marchandisation de l’enseignement (Martin Giraldeau, JMS, p. 129), les universités et le monde scolaire ne sont pas désignés comme ennemi, sauf une directrice de cégep, critiquée pour avoir eu recours à la police (Nicholas Dawson, CR, p. 20). D’ailleurs, je l’ai mentionné, plusieurs professeurs prennent la parole pour affirmer leur solidarité avec les étudiants.
L’analyse attentive des textes et des images des trois ouvrages révèle que le conflit oppose donc à un premier niveau le gouvernement (et en particulier le Parti libéral et le néolibéralisme dont il est accusé), la police et les « moutons » (ce qui comprend tant la majorité silencieuse que les médias de droite) aux citoyens et aux étudiants. À un second niveau, le conflit oppose donc des étudiants et ceux qui se solidarisent à leur cause au gouvernement. Ce gouvernement apparaît illégitime tant en ce qui concerne l’exécutif (Charest et ses ministres), le législatif (le projet de loi 78 votée par l’Assemblée nationale) que le bras armé du judiciaire (la police). Le nombre important de personnes qui se définissent comme citoyens ainsi que la présence de drapeaux du Québec dans les dessins et photos indiquent par ailleurs que si l’on récuse la légitimité du gouvernement en place, c’est au nom d’une autre idée de la société québécoise, ou si on me passe l’expression, au nom des intérêts supérieurs de la nation.
Le passage du scolaire au solaire
L’expression qui coiffe cette section s’inspire du poème Carré rouge, de Fred Pellerin (CR, p. 9). Elle caractérise bien la trajectoire révélée par les textes, l’intensification et l’élargissement du conflit à mesure qu’on passe de mars à juin, de la lutte contre la hausse des droits de scolarité à celle contre le projet de loi 78, des manifestations de masse aux concerts de casseroles dans plusieurs quartiers et municipalités. Si le projet de loi 78 marque un tournant et un élargissement du conflit et notamment le début des concerts de casseroles, il est néanmoins impossible dans les textes de CR (contrairement aux photos, datées) de repérer un avant et un après l’adoption de cette loi. Avant d’analyser la temporalité dans les textes eux-mêmes, je mentionne que deux écrits seulement dans CR sont construits à partir d’une séquence passé, présent, futur : celui de Gabriel Nadeau-Dubois (p. 28) et celui de Dominic Champagne (p. 40).
Le passé (73 textes dans CR utilisent ce temps de verbe), c’est celui des mouvements dont le Printemps québécois est l’héritier, ainsi que celui des Je qui racontent leur histoire, leur mobilisation. En général donc, le passé raconte les origines du mouvement, ses antécédents tant individuels que collectifs. Il retrace aussi l’histoire du carré rouge et dans certains cas sert à rapporter des moments décisifs du mouvement.
Quand des textes renvoient aux mouvements dont s’inspire le Printemps, ils situent celui-ci dans l’histoire politique et culturelle du Québec et d’ailleurs, dans un temps long. Par ordre chronologique, ces antécédents sont : la révolution de 1789 (CR, p. 49), Mai 68 (CR, p. 10, 39), les luttes autour du Bill 63 (CR, p. 75), les années 1960 et 1980 (CR, p. 111), le Front commun intersyndical de 1972 (CR, p. 15), le Sommet des Amériques et les grèves de 2003 ainsi que de 2005 (CR, p. 96), la fondation de Québec solidaire (CR, p. 19), le printemps arabe, les mouvements Occupy (CR, p. 49, 106). Dans JMS, on reprend une affiche de Mai 68 (p. 168), et le texte de Bobby Aubé cite plusieurs socialistes et écrivains, Voltaire, Rousseau, Hugo, Dumas et Zola, « qui ont marqué notre conscience collective » (JMS, p. 26), et surtout, sont glissés au fil des pages des portraits de penseurs avec une phrase qu’ils ont écrite ou prononcée : Alain Jouffroy (p. 32), Rosa Luxembourg (p. 62), George Orwell (p. 138), Malcolm X (p. 173) et Chomsky (p. 224) ; si ces dessins sont dus à la plume du bédéiste Maximilien LeRoy, on a jugé bon de les inclure dans le collectif vraisemblablement à cause de l’inspiration que ces intellectuels procurent au mouvement. Dans une perspective plus courte, c’est au passé qu’on raconte aussi l’histoire du mouvement en général (13 fois dans CR), l’histoire du carré rouge et des histoires de carrés rouges (4 fois dans CR). Sept fois, le passé renvoie à la marche : « je marchais » (Florent Conti, CR, p. 87), « un chemin s’est forgé » (Andréane Kébreau, CR, p. 103) et 14 fois, c’est la violence que l’on rappelle. C’est alors un passé très récent dont il s’agit et qui se colle au présent.
Le présent est le temps le plus riche, le plus complexe et pratiquement tous les textes (100 sur 107 dans CR) l’utilisent, c’est aussi le temps par défaut des dessins, bandes dessinées et photos. L’importance du présent dans les textes indique qu’on se situe dans l’action : ce sont des textes écrits sur le vif, ils parlent du mouvement « en marche » et non rétrospectivement. Le présent se caractérise en effet par la marche, et en conséquence trace un itinéraire : rues, quartiers, ville, continent.
La marche, la route, le chemin, ainsi que les métaphores du mouvement comme la rivière ou le souffle (23 fois dans CR) d’une part, le réveil et le printemps (7 fois dans CR) d’autre part, caractérisent le temps présent. Dans le même sens, le chemin est important, voire central, dans les poèmes de Hugo Latulippe (JMS, p. 15, 67) et de Frédéric Dubois (JMS, p. 221). Étroitement liés au thème de la marche, le mouvement d’ensemble (11 fois dans CR) et la ribambelle (JMS, p. 46), des images de train (JMS, p. 16), de métro (JMS, p. 150), d’autoroute (JMS, p. 40), des allusions à un navire et à la marée (JMS, p. 13-15). Enfin, les dessins de JMS présentent six fois des images d’envol, ce qui renvoie à une libération sinon à une liberté. C’est encore à l’envol collectif qu’il faut rattacher le drapeau sur la couverture de JMS (couverture due à Thomas B. Martin), dont j’ai déjà dit plus haut qu’il reprenait le graphisme de l’École de la montagne rouge : un drapeau du Québec où la croix est remplacée par un oiseau blanc portant le carré rouge sur son coeur, renvoyant de la sorte à l’envol du Québec tout entier.
Cette marche et cet envol, ne concernent pas des personnes seules mais des groupes, ce à quoi font écho les thèmes de l’histoire en marche et des jeunes comme génération (10 fois CR), dans un moment de crise (3 fois CR). Et comment marche-t-on ? Dans CR, on précise : avec courage (6 fois), indignation et colère (10 fois), aussi cela s’accompagne de la prise de parole (8 fois), de rêves, d’utopies et d’espoir (6 fois). Si « je refuse de céder à la peur » (Sophie Cardinal-Corriveau, CR, p. 129), c’est que cette peur tenaille (3 fois), qu’on a mal (6 fois), à cause de la violence (9 fois). En effet, quelques-uns ont peur (4 fois dans CR) ; des dessinateurs de bandes dessinées font aussi allusion à la peur (« j’ai le coeur qui bat », Sophie Delporte, JMS, p. 136 ; voir aussi Antoine Corriveau, JMS, p. 140). Cette peur est essentiellement celle de la police.
Par ailleurs, indépendamment de leur identité d’étudiant, de non étudiant ou de manifestant, quelques personnes se définissent comme souffrantes (7 fois dans CR). De quoi souffrent-elles ? « J’ai mal à la démocratie » (Francis Soulard, CR, p. 34), « J’ai l’âme en berne » (Louis Simard, CR, p. 55) : le mal n’est donc pas que physique, mais la participation au mouvement use les participants : « je suis mort de fatigue », écrit un étudiant (Jérémie Simard, CR, p. 68). « Étudiante à boutte », voilà comment se définit Léa Clermont-Dion (JMS, p. 121-122). Si plusieurs sont fatigués, c’est que la lutte est longue, et l’itinéraire tout autant.
Dans la marche, dans une manifestation, le groupe marque son appartenance au territoire ; les lieux que parcourt la manifestation ne sont pas neutres. Plusieurs lieux sont cités dans les textes et permettent de reconstituer un itinéraire dans la ville, celui de manifestations étudiantes, des concerts de casseroles. Partant de la Place Émilie-Gamelin (CR, p. 87 ; JMS, p. 79 ; PS, p. 21, 79), on marche rue Sainte-Catherine (CR, p. 129 et JMS, p. 63), rue Berri (CR, p. 127 ; JMS, p. 82 ; PS, p. 68), rue Cherrier (PS, p. 69), coin Saint-Laurent et Sherbrooke (CR, JMS, p. 147), coin Saint-Denis et Ontario (JMS, p. 133), Place des Festivals (PS, p. 55), rue Mayor (CR, p. 43), rue Sherbrooke (PS, p. 67), rue De Bleury (PS, p. 67), rue Melcalfe (PS, p. 69), boulevard René-Lévesque (PS, p. 68) coin Des Pins et Clark (CR, p. 114), Université McGill (JMS, p. 93), Parc Lafontaine (PS, p. 67), Parc Saint-Édouard dans la Petite-Patrie (CR, p. 94), rue Boyer (CR, p. 94), boul. Hochelaga-Maisonneuve (CR, p. 150), Île Sainte-Hélène (CR, p. 93). Si on retrace de la sorte l’itinéraire des manifestations de jour et de soir, qui se déroulent surtout au centre-ville de Montréal, entre grosso modo l’UQAM, le Cégep du Vieux-Montréal et l’université McGill, la Petite-Patrie est un haut lieu des concerts de casseroles.
Et à Québec ? On part de l’Assemblée nationale ou on y aboutit (JMS, p. 48, 181, 220), on marche dans le Vieux-Québec près de la porte Saint-Jean (JMS, p. 47), rue Saint-Jean (JMS, p. 164), rue Saint-Olivier (JMS, p. 163), boulevard René-Lévesque (JMS, p. 164), à Saint-Roch (JMS, p. 227). Encore une fois on est au centre-ville, près de l’Assemblée nationale et de divers ministères, mais cette fois loin des institutions d’enseignement.
Cela dit, au delà des rues et des quartiers, des villes sont nommées : Montréal (CR, p. 37, 99, 114 ; JMS, p. 145), Victoriaville (CR, p. 99, 163 ; JMS, p. 175, PS, p. 8), Sherbrooke (CR, p. 96), Québec (CR, p. 99, 172), Matane (CR, p. 96, 123). Le périple entraîne au-delà du Québec, jusqu’à Santiago (CR, p. 123) et sur tout le continent (p. 119). « De l’Oural à l’Oregon, en passant par Saint-Raymond » (JMS, p. 67).
…tu te trouves aux Parc Lafontaine, Jeanne-Mance et Émilie-Gamelin, au Square Philips et au Carré Saint-Louis […] tu défiles dans les rues du Quartier des spectacles, du Vieux-Montréal, de Villeray, de Rosemont, d’Outremont, dans les ruelles du Plateau et du Mile-End.
Martine Delvaux, PS, p. 29
Si l’espace de la lutte s’étire à la planète, le temps s’étire également. Les photos de Nadeau sont autant des photos d’hiver, de printemps que d’été. Le Printemps québécois s’est étendu de la mi-février à la fin de juin, et la marche a entraîné étudiants et citoyens au centre-ville, sur la place publique, loin des salles de cours et des piquets de grève à la porte des amphis ou des maisons d’enseignement.
Au présent, il y a donc la marche et l’envol, mais aussi la peur. Le futur bien sûr c’est l’objectif, l’enjeu. C’est le temps le moins utilisé (52 fois dans CR) et le projet reste souvent plutôt vague. Rarement, on parle des élections qui viendront et du vote (deux fois dans CR ; une fois dans JMS), car le projet, plus largement, serait de « changer le monde » (6 fois) ; on affirme de plus que ce « projet de libération » (Jean-Pierre Boyer, CR, p. 49) n’est pas une « chimère » (Eva Rollin, JMS, p. 228). En fait, le futur est évoqué en tant que tel par le mot « futur », 12 fois dans CR, sans trop de précision. On parle d’utopie, d’espoir (14 fois), de « jamais plus » (4 fois), de l’importance de se souvenir (5 fois) et de continuer (Antoine Corriveau, JMS, p. 199). Cet espoir est porté par la jeunesse et ou les étudiants (10 fois). Se souvenir, c’est aussi le thème de JMS… Bref, à un premier niveau, le contre-projet demeure un peu flou. Il ne concerne pas que les étudiants mais plus largement les citoyens ; l’ennemi – libéral ou néolibéral – lui confère une portée plus politique que scolaire. Cela dit, l’enjeu à un second niveau est celui de la démocratie : démocratie scolaire, que permet le gel ou l’abolition des frais de scolarité, et démocratie politique, menacée par le projet de loi 78, comme on le verra à l’instant en examinant le passage du Je au Nous.
Le souffle du présent, le souffle du printemps, est ainsi porté par l’héritage d’un ensemble de luttes au Québec et ailleurs. L’itinéraire ancre les marcheurs dans la Cité, et le processus, la marche en tant que telle, est en soi construction de la démocratie, de la Cité.
« Je marche à nous »
« Je marche à nous » est le titre d’un film de Alexandre Isabelle[13]. Ce titre est inspiré de La Marche à l’amour de Gaston Miron, dont la phrase « Je suis arrivé à ce qui commence », tirée de L’Homme rapaillé, a été transformée et reprise par plusieurs lors du Printemps 2012 en « Nous arrivons à ce qui commence », indiquant bien le passage du Je au Nous[14] ; c’est d’ailleurs sous cette forme plurielle que la phrase est citée cinq fois dans CR.
Si l’analyse des Je et des Nous montre que le Printemps québécois, « ça concerne beaucoup plus que les étudiants » (Lise Gauthier, CR, p. 155), reste à voir comment s’est faite la mobilisation, et comment un Nous s’est formé à partir de Je. Par un baiser… dans les bandes dessinées de Jimmy Beaulieu et Philippe Girard présentées dans JMS (p. 115 et 213) ! Plus généralement, ce passage du Je au Nous se fait dans les échanges, et dans « la langue du Nous. Cette langue se relaie de l’un à l’autre, se répond, s’enrichit de chacun et se recentre » (Nadia Girard, CR, p. 141).
Le mouvement est parti des jeunes. Ces premiers porteurs de carré rouge sont d’ailleurs souvent désignés par leur génération, la jeunesse, plutôt que par le statut d’étudiants. La jeunesse est « inspirante » (Alain Beaulieu, CR, p. 15), « visionnaire » (Lisette Lapointe, CR, p. 46) ; aussi « ils m’ont vite convaincu », affirment des plus vieux (Michel Arseneault, CR, p. 111), qui se disent « impressionnés » (Guy A. Lepage, CR, p. 132). C’est ainsi que toutes les générations sont emportées par le souffle de cette jeunesse. Si certains arguments emportent l’adhésion, il y a quelque chose de plus personnel, de plus affectif, chez les plus vieux, quand ils évoquent par exemple « nos enfants ». Comment se surprendre alors de lire que « nous avons mal chaque fois qu’un jeune est blessé » (Lisette Lapointe, CR, p. 46) ou que « ils sont nous, nous sommes eux » (Les Zapartistes, CR, p. 63) ? Le sentiment d’empathie qui s’exprime dans les textes ne concerne pas que les blessés, mais tout autant l’expression d’une joie profonde à participer à un mouvement qui est d’abord rencontre. Ces rencontres avec « des gens que je ne connaissais pas » (Derek Deblois Guillemette, CR, p. 120) ont donné naissance à un sentiment d’appartenance, qui s’exprime surtout dans JMS, tant chez les signataires de textes que de bandes dessinées : « Ça me soulage de savoir que je ne suis pas seul » (Bobby Aubé, JMS, p. 30) ; « Je suis là parce que pour la première fois de ma vie j’aime sans réserve des milliers de gens dont je partage la vision » (Simon Brousseau, JMS, p. 79) ; « C’est la première fois que je me sens appartenir à une majorité » (Julie Delporte, JMS, p. 170), « Car en marchant ainsi chaque soir nous retrouvons une confiance […] une confiance individuelle et une conscience collective » (Julie Delporte, JMS, p. 172) ; « Pour avoir participé à plusieurs manifestations, je peux confirmer que rares sont les moments où je me suis sentie aussi vivante… et où j’ai vu des milliers de Québécois l’être aussi » (Estelle Bachelard, JMS, p. 181). En résumé, « faire l’expérience de la symbiose avec 200 000 – 250 000 personnes le 22 mars, le 22 avril et le 22 mai a changé notre rapport au monde » (Samuel Matteau, JMS, p. 176)[15]. C’est pourquoi, « je n’aurais pas pu me regarder dans le miroir si j’étais resté enfermé [dans mon bureau] » (Gabriel Anctil, PS, p. 69). Treize textes dans CR font allusion aux changements individuels et collectifs, et quatre autres évoquent un « jamais plus », « un courage jusqu’alors inconnu » (Nicholas Dawson, CR, p. 20), voire une « radicalisation » (Béatrice Venne, CR, p. 27). C’est ainsi que plusieurs pourraient reprendre l’expression de Alexandre Guédon : « J’ai changé ma vision de la politique » (CR, p. 123).
Les Je sont emportés par quelque chose de plus vaste qu’eux. S’il y a effervescence collective et sentiment d’appartenance qui se développe dans la marche, il y a plus que de l’effervescence car quelque chose s’est installé dans la durée. Je citerai encore une fois Martine Delvaux, dont la phrase suivante résume bien le sentiment de plusieurs et illustre également que ce n’est pas que la vision de la politique qui s’est transformée, mais aussi les identités : « Le printemps t’a réinventée » (PS, p. 33). Comment au juste ? Ces changements seront-ils durables ? Les trois livres ne le révèlent pas.
⁂
nos fils et nos filles émergeront deboutte, comme une forme d’art
Hugo Latulippe, JMS, p. 15
Plusieurs des textes dans Carré rouge sont des poèmes, ils jouxtent des photographies. Je me souviendrai contient essentiellement des textes et des images de création, les textes à caractère plus analytique y étant l’exception, car ils ne sont que quatre ; dans ce collectif toutefois plusieurs autres textes, ainsi que plusieurs bandes dessinées présentent des éléments plus ou moins explicites d’analyse et souvent aussi des témoignages. Printemps spécial se présente comme un recueil de textes de fiction, dont la plupart se présentent comme des témoignages, et la photo y tient une grande place. Témoignages en dessins, en photos, en textes ; créations visuelles et textuelles à l’allure de reportages : voilà ce que nous offrent ces trois livres, qui s’inscrivent davantage dans le registre de la création et du témoignage que de l’analyse proprement dite[16]. Création et témoignage ; autrement dit, c’est essentiellement un Je qui s’exprime, un sujet individuel ; dans les trois ouvrages analysés, celui-ci se situe le plus souvent dans un sujet collectif, dans un Nous ; quand les textes ne l’y situent pas explicitement, les photographies le font implicitement.
Que retenir de l’exercice auquel je viens de me livrer ? Comment caractériser le Printemps québécois, en tant que mouvement, à la lumière de l’analyse de ces trois livres ? S’agit-il d’un mouvement social au sens fort ? Le répertoire d’action dont témoignent les oeuvres analysées comprend les manifestations de masse « traditionnelles », mais aussi les manifestations nocturnes, légales et illégales. Dans ces manifestations, il y a à la fois un caractère festif (maquillages, masques et costumes… ou dénudement) et de la violence policière. Et puis il y a les casseroles, nommées, photographiées et dessinées. Mais le répertoire d’action ce sont aussi tous les dessins et bandes dessinées, tous ces textes, réalisés « en marchant », « en direct », et diffusés une première fois sur le web avant de trouver une nouvelle vie dans des livres. Les actions menées sont protéiformes et ne se limitent pas au milieu étudiant. En fait, si plusieurs jeunes sont représentés sur des photos, dont certains peuvent être facilement rattachés aux étudiants, les trois livres parlent peu de la « base » ou du « point de départ » du mouvement. Ni photos, ni témoignages sur les assemblées générales étudiantes, une seule allusion au piquetage (Bobby Aubé, JMS, p. 28) et quelques rares, aux injonctions, dans CR (Nicholas Dawson, p. 20 ; Jérémie Tremblay, p. 68), dans des textes signés par des étudiants.
Au terme de l’exercice, il apparaît que les acteurs de ce mouvement sont les étudiants et leurs proches d’une part, et tous les Québécois « en marche » d’autre part. De cette dualité de l’acteur rendent compte les points de départ des manifestations nocturnes : à Montréal, la Place Émilie-Gamelin, juste à côté de l’UQAM, et à Québec, l’esplanade devant l’Assemblée nationale. L’adversaire est, pour sa part, triple : le gouvernement, dans toutes ses composantes – l’exécutif, le législatif et le judiciaire (via son bras armé, la police) –, le néolibéralisme et les « moutons » (citoyens et médias de droite). Il y a donc crise de légitimité du gouvernement, et en fait du gouvernement libéral au pouvoir. Quant à l’enjeu, c’est bien sûr l’accessibilité des études universitaires, mais aussi une vision du Québec et de la démocratie, l’accessibilité des études étant une composante de la société démocratique à laquelle on aspire, et le projet de loi 78 le symbole de tout ce que l’on refuse. On s’en prend au gouvernement québécois, tout en brandissant des drapeaux du Québec. S’il y a eu mouvement étudiant, il y a eu, plus largement, mouvement social.
Mais y a-t-il vraiment eu mouvement étudiant ? Les textes l’affirment, les photos le laissent entrevoir, mais dans les textes, à une exception près, pas d’allusion aux piquets de grève, aucune aux assemblées générales, ni non plus de photos de ces piquets de grève (on comprend cela dit que les photographes n’aient pas été invités aux assemblées étudiantes). Bien sûr, on évoque les injonctions interdisant le piquetage, mais pas le piquetage en tant que tel. Les livres témoignent de ce Printemps québécois en ce qu’il excède le mouvement étudiant, et ce, de trois manières : ils témoignent de l’élargissement 1) des lieux investis par le mouvement, des salles de cours à la place publique ; 2) du sujet collectif au-delà des étudiants ; 3) de l’enjeu, de l’accessibilité des études et de la démocratie scolaire à la démocratie politique.
Je veux revenir en terminant sur la couverture de JMS et l’envol des Québécois que le drapeau à la colombe symbolise. Mais surtout, au-delà de l’acronyme que j’ai utilisé tout au long du texte, il faut prendre la mesure du titre de ce livre, Je me souviendrai. 2012 Mouvement social au Québec, qui inscrit le mouvement dans l’histoire du Québec, à la fois dans le passé, car Je me souviens est la devise du Québec, laquelle renvoie au passé, mais aussi dans l’avenir, car la devise est projetée dans cet à venir. Les trois livres dont j’ai parlé mettent en forme une vision du Printemps québécois et en portent la mémoire : celle de sujets individuels et collectifs, exaltés, prêts à s’envoler, mais également fatigués, souffrants, menacés par les matraques et les gaz. Mémoire héroïque d’un peuple en marche plus que des étudiants en grève.
L’exercice auquel je me suis livrée ici ne dit pas tout, loin de là, sur le Printemps québécois, mais pose quelques jalons d’une analyse du mouvement, en tant que mouvement, que d’autres approfondiront ou nuanceront. Nous nous souviendrons longtemps.
Appendices
Note biographique
Andrée Fortin est professeure retraitée du Département de sociologie de l’Université Laval. Cofondatrice du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues, ses travaux portent essentiellement sur la ville, la culture et les réseaux sociaux. Parmi ses publications : Passage de la modernité (2006, PUL), Nouveaux territoires de l’art (Nota bene, 2000), avec Carole Després et Geneviève Vachon, La banlieue s’étale (Nota bene, mai 2011) et La banlieue revisitée (Nota bene, 2002), ainsi qu’avec Éric Gagnon, L’invention du bénévolat (PUL, 2013).
Notes
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[1]
De tels aperçus sur l’intérieur d’un mouvement sont assez rares, car c’est généralement après coup que les chercheurs se penchent sur un mouvement social et interrogent ses acteurs. Un exemple intéressant de texte écrit à chaud et qui rend compte du mouvement en tant que mouvement est le livre de Timothy GartonAsh (1990), et en particulier le chapitre intitulé « Prague : dans la Lanterne magique », qui entraîne le lecteur dans les premiers jours de la Révolution de velours et de la présidence de Vaclav Havel.
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[2]
« Cela désigne une forme d’action collective qui (i) met en oeuvre une solidarité, (ii) révèle un conflit, et (iii) ébranle les limites de compatibilité du système où l’action se déroule » (traduction de l’auteur).
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[3]
Il existe bien sûr d’autres approches des mouvements sociaux, mettant l’accent sur la mobilisation des ressources ou celle des membres de ces mouvements, et situant l’engagement individuel dans des parcours de vie et des parcours militants. Les sources sur lesquelles je m’appuie dans l’analyse ici proposée ne me permettent pas d’aborder ces questions.
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[4]
Pour mémoire, la Banane rebelle est le nom que s’est donné un manifestant de Québec, portant un costume de banane qui laisse bien voir son visage alors que l’Anarchopanda, à Montréal, est un manifestant portant un costume de mascotte représentant un panda, et dont l’anonymat a longtemps été préservé.
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[5]
Autre élément important de ce Printemps, la place des médias sociaux, de Facebook en particulier, mais aussi de Twitter, dont je ne parlerai pas ici.
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[6]
Il y a 107 textes dans le livre si on inclut la préface de Jacques Parizeau, qui ne se distingue en rien des 106 autres, et en excluant la « note de l’éditeur » et la postface. Quelques-uns de ces textes ont été écrits à quatre mains.
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[7]
Elles signent simplement « les éditrices » et leur nom n’apparaît nulle part, sauf peut-être dans le texte de Michèle Lesbre qui est une lettre adressée à « Florence » et « Olga ».
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[8]
Un Dictionnaire de la révolte étudiante (Isabel et Théroux-Marcotte, 2012), paru en novembre 2012, et auquel ont contribué une centaine de collaborateurs (le dictionnaire compte 118 entrées, mais quelques collaborateurs en ont rédigé deux), participe un peu du même esprit, certaines entrées étant très sérieuses, d’autres plus ironiques ou carrément drôles. Ce dictionnaire n’est pas basé uniquement sur des considérations théoriques, et puise largement dans l’expérience des participants au mouvement. Je ne l’ai pas retenu ici pour deux raisons. Premièrement, il ne contient pas d’images et deuxièmement, se rattachant au genre du dictionnaire et déclinant différentes acceptions des termes et leur étymologie, il aurait commandé une analyse totalement différente.
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[9]
Les textes contiennent aussi, bien sûr, des On « excluant la personne qui parle », et assimilables à « Eux ».
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[10]
Les photos de Nadeau révèlent de plus que les étudiants proviennent de différentes facultés universitaires : on reconnaît notamment l’habit de l’avocat plaideur (p. 18), les blouses blanches et les stéthoscopes des futurs médecins (p. 82), les pancartes des étudiants en littérature proclamant que Réjean Ducharme, Arthur Rimbaud et Boris Vian sont contre la hausse des frais de scolarité (p. 48) et les étudiants en musique qui donnent un concert tout en portant le carré rouge (p. 78).
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[11]
Dans la bande dessinée de Antoine Corriveau, un manifestant porte ce masque et une pancarte où on peut lire « legalize freedom » (JMS, p. 197) ; cela indique au passage que le mouvement n’est pas uniquement celui de francophones.
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[12]
Les ministres Bachand et Courchesne sont dessinés chacun dans quatre pages et la ministre Beauchamp dans cinq. Dans CR, une photo montre une pancarte dénonçant les ministres Bachand et Courchesne.
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[13]
Film bref que l’on peut visionner à l’adresse : [www.youtube.com/watch?v=ZlgMl_VtKu8].
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[14]
Le Nous auquel cela renvoie, via Gaston Miron, est éminemment québécois et s’inscrit dans une tradition nationale, à laquelle renvoient aussi les drapeaux fleurdelisés présents dans plusieurs photographies ou dessins, comme je l’ai indiqué plus haut.
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[15]
« L’expérience ainsi vécue ébranle les personnalités, suscite une modification profonde des schèmes de perception de la vie, sur un mode plus communautaire, suggérant aussi la vision d’une existence plus excitante, prenant un sens plus intense à travers la participation à un mouvement dont les enjeux dépassent les projets et bonheurs individuels. […] Il arriva aussi que des expériences particulièrement fortes, émotionnelles, de la mobilisation fonctionnent comme un moment de conversion identitaire, menant les individus vers des trajectoires qu’ils n’avaient nullement programmées. » (Neveu, 1996, p. 78 et 82)
-
[16]
Paraissait en septembre 2012 un autre ouvrage, celui de Pierre-Luc Brisson. Il s’agit d’un essai sur le mouvement, publié aux Éditions Poètes de brousse, dans la collection Essai libre, laquelle « offre un espace à la critique intuitive en matière d’art, de littérature, d’histoire et de société », selon la couverture du livre, et qui a été écrit par un étudiant. Son rattachement aux Éditions Poètes de Brousse et son propos situe le livre de Brisson entre les trois dont je viens de parler et tous ceux qui suivront, comme l’analyse de Frappier, Poulin et Rioux (2012), par exemple, et qui se posent en extériorité au mouvement.
Bibliographie
- Brisson, Pierre-Luc, 2012 Après le printemps, Montréal, Les Éditions Poètes de brousse (Essai libre).
- Castells, Manuel, 1999 Le pouvoir de l’identité, Paris, Fayard.
- Collectif, 2012 Je me souviendrai. 2012 Mouvement social au Québec, Anthony, La boîte à bulles.
- Collectif, 2012 Printemps spécial, Montréal, Héliotrope.
- Frappier, André, Richard Poulin et Bernard Rioux, 2012 Le printemps des carrés rouges. Lutte étudiante, crise sociale, loi liberticide, démocratie de la rue, Ville Mont-Royal, M éditeur (Mobilisations).
- GartonAsh, Timothy, 1990 La chaudière. Europe Centrale 1980-1990, Paris, Gallimard.
- Giraud, Isabelle et Pascale Dufour, 2010 Dix ans de solidarité planétaire. Perspectives sociologiques sur la Marche mondiale des femmes, Montréal, les éditions du remue-ménage.
- Isabel, Mariève et Laurence-Aurélie Théroux-Marcotte (dir.), 2012 Dictionnaire de la révolte étudiante. Du carré rouge au printemps québécois, Montréal, Tête première.
- Jordan, Tim, 2003 S’engager ! Les nouveaux militants, activistes agitateurs…, Paris, Autrement (Frontières).
- Melucci, Alberto, 1996 Challenging codes. Collective action in the information age, Cambridge, Cambridge University Press.
- Nadeau, Jacques, 2012 Carré rouge, Montréal, Fides.
- Neveu, Érik, 1996 Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte.
- Touraine, Alain, 1978a La voix et le regard, Paris, Seuil.
- Touraine, Alain, 1978b Lutte étudiante, Paris, Seuil.