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La publication de cet ouvrage fait suite à un colloque international qui s’est déroulé en mai 2009, organisé par la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Elle tente de rendre compte d’un phénomène paradoxal. En effet, la chute du Mur de Berlin et la fin de plusieurs régimes autoritaires dans plusieurs pays en développement ont donné lieu à la multiplication de constitutions d’inspiration démocratique. Au même moment s’est manifesté un certain « désenchantement » face aux institutions politiques, comme le montrent de nombreux sondages d’opinion et la baisse généralisée de la participation électorale.
Pour répondre aux préoccupations des citoyens, les deux directeurs de l’ouvrage notent, en introduction, que « cette attitude nouvelle des publics occidentaux s’est traduite par une boulimie de changements touchant aussi bien le contenu des institutions que le processus constituant » (p. 3). En effet, on réclame, d’une part, des procédures favorisant la consultation des constitués et une certaine forme de démocratie directe alors que, d’autre part, on conteste les changements institutionnels qui sont toujours perçus comme renforçant le privilège des élites politiques. Ce sont ces deux dimensions qui retiennent l’attention des auteurs des six chapitres qui composent cet ouvrage.
Or, si les questions posées en introduction sont des plus pertinentes, l’angle d’approche adopté par les auteurs n’apporte que des réponses parcellaires et fragmentaires. Par exemple, le chapitre de Karol Edward Soltan soulève notamment des enjeux théoriques qui portent, pour l’essentiel, sur le processus complexe d’engagement politique à l’endroit de la modération vue comme s’inscrivant dans la poursuite du bien commun et cherchant la réduction des penchants destructeurs de l’humanité. Il donne comme exemple l’évolution récente de l’Union européenne et la chute de l’Union soviétique en 1989. Ces deux transformations majeures sont sources de renaissance, mais l’auteur demeure plutôt muet sur les désenchantements qui ont suivi.
Dans le chapitre suivant, Jonathan Rose s’intéresse au rôle que jouent les citoyens dans les processus constituants en prenant appui sur les exemples d’assemblées constituantes mises sur pied en Colombie-Britannique et en Ontario portant sur les réformes électorales. Il montre en quoi ces assemblées ont transformé notre compréhension de la délibération démocratique. Toutefois, il aurait été pertinent, me semble-t-il, d’analyser les raisons pour lesquelles ces deux réformes ont été rejetées par la population par voie référendaire.
Les autres chapitres se penchent sur les révisions constitutionnelles sous la Ve République française (Bertrand Mathieu), les transformations constitutionnelles récentes en Amérique latine (Javier Corrales) et au Mali (Louis Massicotte). Les conclusions que les auteurs tirent de ces expériences sont éclairantes de par la diversité des processus étudiés. Bertrand Mathieu conclut en affirmant que « la révision constitutionnelle est une opération complexe qui fait intervenir le cas échéant le juge et l’expert, répondant ainsi à une évolution du système politique qui s’écarte de la démocratie représentative sans cependant rompre avec les principes qui en forment l’armature » (p. 105). Javier Corrales montre plutôt que la diminution ou l’accroissement des pouvoirs présidentiels issus de réformes constitutionnelles en Amérique latine dépend des rapports de force entre le parti au pouvoir et l’opposition au sein des assemblées constituantes. La modération célébrée plus haut devient le résultat d’un jeu de pouvoir. Le dernier chapitre se penche sur le Mali présenté comme « un exemple réussi de démocratisation exercée par des régimes à parti unique » (p.14) et conclut que « le fait que les Maliens aient insisté pour mettre en oeuvre eux-mêmes les principes de base du constitutionnalisme démocratique était de bon augure pour l’avenir » (p. 152). La constitution de 1991 n’a pourtant pas mis Amadou Toumani Touré, qui devint chef de l’État pendant la période de transition (1991-1992) puis président à compter de 2002, à l’abri du coup d’État de mars 2012, ni empêché la dissolution des institutions ou la suspension de la Constitution. C’est dire que les constitutions, même élaborées dans la modération et faisant appel au consentement populaire, ne garantissent pas toujours la stabilité politique.
Ce livre intéressera ceux qui réfléchissent aux processus constituants. Il fournit quelques pistes d’interprétation, mais ne répond que bien marginalement à la question qui fait office de titre : comment changer une constitution ?