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Cet ouvrage est fort bienvenu : après l’incontournable Le Québec entre Pétain et de Gaulle (1999) d’Éric Amyot et l’édition critique du journal d’Auguste Viatte par l’historien suisse Claude Hauser, fondateur du nouveau Centre suisse d’études sur le Québec et la Francophonie, la France libre restait un angle mort dans la compréhension de l’attitude du Canada français à l’égard de la guerre et de la France.
Cette étude sur la grande figure de la France libre dans la ville de Québec, Marthe Caillaud-Simard, née en Algérie de parents français et épouse du Dr André Simard, permet de suivre le groupe du Comité de Québec : Viatte, professeur de littérature française à l’Université Laval ; Élisabeth de Miribel, voix de de Gaulle au Canada ; les dominicains Georges-Henri Lévesque et Joseph-Thomas Delos ; le philosophe Charles de Koninck ; le journaliste Pierre Chaloult. L’auteur disposait d’un premier corpus de sources – journal de Viatte, mémoires de Miribel, souvenirs du père Lévesque – auquel il a ajouté l’exploration des archives de Marthe Simard et de sa fille, les précieuses archives du ministère des Affaires étrangères et européennes de France et les archives de Viatte à Porrentruy, dans le Jura suisse. Les archives de C. de Koninck auraient-elles permis de mieux voir sa participation au Comité de Québec ?
Le lecteur a donc droit à travers le portrait évolutif de deux femmes tout simplement admirables à un regard tout à fait original sur les relations entre Français au Québec et Canadiens français et Français d’ici et de France durant la guerre. On suit quasi au quotidien l’histoire de la genèse et du développement des quelque 80 Comités de la France libre au Canada, et surtout à Québec et à Montréal, entre décembre 1940 et août 1944. Frédéric Smith ne manque pas de souligner les tensions et rivalités entre les Comités de Québec et de Montréal, les tentatives de sabotage du premier par des éléments du second, les attitudes méprisantes du Dr Vignal à l’égard des Canadiens français. Il rend palpables les difficultés et défis du Comité de Québec : naviguer entre les positions des francophones et des anglophones au moment de la conscription, expliquer les attitudes évolutives du cardinal Villeneuve à l’égard de la France libre et de ses représentants (p. 78), observer le pétainisme durable d’Henri Bourassa, de Mgr Camille Roy, de Jean Bruchési, faire comprendre la différence entre le service outre-mer et le service « impérial ». Ces obstacles incitent Viatte à écrire : « Je crois de moins en moins ce pays mûr pour l’indépendance. Il est vrai que peut-être la liberté ne s’apprend que par son exercice […] » (p. 131).
On aurait apprécié que l’historien tire de ses analyses bien informées des conclusions qui sont là comme une pellicule photographique non développée. Son épilogue est certes bienvenu, qui nous apprend l’entrée d’Élisabeth de Miribel au Carmel de Nogent et sa sortie avant la prononciation des voeux. Mais Smith aurait pu expliciter en quoi la guerre fut un creuset décisif des relations entre la France et le Québec. La situation n’était guère facile à comprendre pour les Français qui voyaient leurs « cousins » hésiter ; elle faisait sentir aux Canadiens français la difficulté de voir clair dans le destin de la France quand, chez eux, les Français ne s’entendaient guère sur le présent et l’avenir de leur patrie. Mais, les éléments sont là et les lecteurs feront leur miel analytique de ces renseignements très souvent inédits.