Comptes rendus

Stéphane Kelly, À l’ombre du mur. Trajectoires et destin de la génération X, Boréal, 2011.[Record]

  • Mathieu Pelletier

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  • Mathieu Pelletier
    Université du Québec à Montréal

Au fil du temps, de l’apport de commentateurs tantôt sérieux, parfois moins, s’est dessiné dans l’imaginaire collectif quelque chose comme une caricature de la génération X. Face aux boomers qui se seraient soigneusement cadenassés dans leurs privilèges et leur corporatisme comme le disait le sociologue Fernand Dumont, le danger à terme était de voir croître chez cette génération du ressentiment, de la rancoeur à l’endroit de ses aînés. Stéphane Kelly, dans son essai À l’ombre du mur, use de la métaphore du mur pour qualifier les nombreux obstacles auxquels font face les X « dans leur vie intime, professionnelle et spirituelle » (p. 12). Très tôt dans la lecture de l’ouvrage, et ce, bien que Kelly ne l’avoue qu’à demi-mot, le lecteur comprendra que ce dernier veut laver l’honneur des X. Constatons-le : cet ouvrage aurait pu être d’un style davantage académique, mais Kelly en a décidé autrement et, force est de le constater, le résultat en est diablement efficace. Par sa prose simple et effective, par ses nombreux référents à la culture populaire, l’essai de Kelly se révèle d’une rare accessibilité pour un ouvrage de cette densité. Dans le but de suivre la trajectoire de la génération X, le lecteur se fait rappeler, pour son plus grand plaisir, quelques balises renvoyant à l’histoire sociale du Québec post-1960. L’ouvrage de Kelly s’ouvre sur la révolution culturelle et l’avènement de l’État thérapeutique durant les années 1960. C’est durant cette période que la mise en application du programme de la gauche réformiste nord-américaine a été rendue possible par la prospérité économique induite par les Trente Glorieuses. Alors même que l’idéal politique que ledit programme sous-entend bat son plein, quelques critiques sonnent vainement l’alarme annonçant son déclin. C’est que, selon Kelly, les institutions qui médiatisaient les rapports entre l’individu et la collectivité, soit principalement la famille, l’école, l’État et l’Église, sont alors atteintes « d’un puissant mouvement antiautoritaire » (p. 21) qui finit par miner ces dernières. Ces institutions tenteront par la suite de conjurer leur déclin en se pliant « au culte du mouvement » (p. 21). Parallèlement à cela, l’État-providence céderait sa place, selon Kelly, à l’État thérapeutique destiné à inculquer au peuple une nouvelle éthique sociale autoproclamée « plus démocratique, plus festive et plus humaine » (p. 22). Cette nouvelle culture serait ainsi vouée à des choses telles que « le bien-être personnel, l’expression des sentiments et l’authenticité » (p. 22). Dans le cadre de la société thérapeutique, chaque individu est invité à atteindre un maximum de bien-être, ainsi délié de « l’autorité du passé et de la tradition » (p. 23). Le modèle de la famille traditionnelle, lui aussi, serait l’objet « d’une critique sociale dévastatrice » qui aurait eu pour effet « d’affaiblir l’autorité parentale » (p. 25). C’est qu’on cherche, selon Kelly, à amener la famille à se recomposer sur un mode plus égalitaire, que ce soit dans les relations de parent à parent ou de parents à enfants, dans ce que l’on qualifiera de « modèle démocratique » (p. 27). Ce passage du modèle traditionnel au « modèle démocratique » aurait été largement encouragé par les prescriptions thérapeutiques de l’État québécois et des « spécialistes de la famille, toutes disciplines confondues » (p. 27). L’école connaît, selon l’auteur, un traitement similaire. Au Québec, le rapport Parent « prend clairement parti pour les forces du mouvement » (p. 31). En se déliant de son héritage classique, « elle se donne pour mission d’adapter les enfants aux besoins et nécessités du présent » (p. 32). Sur la base du constat que l’école est d’abord une institution bourgeoise …