Abstracts
Résumé
Trois exemples de programmes gouvernementaux favorisant l’essor du travail migrant en régime dérogatoire sur les marchés périphériques du travail sont ici examinés : 1) les travailleurs agricoles saisonniers migrants embauchés dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) ; 2) les aides domestiques migrantes embauchées dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (PAFR) ; 3) les travailleurs migrants temporaires dits « non qualifiés » embauchés dans le cadre du Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation. Dans l’après-fordisme, la logique de flexibilisation place le travail migrant temporaire au coeur d’une dynamique de précarisation par la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail. De plus, on observe l’instrumentalisation de cette main-d’oeuvre au rabais, non seulement exploitée, mais, encore, dans une stratégie d’éclatement d’un régime de travail de type universaliste.
Mots-clés:
- précarisation,
- marchés périphériques du travail,
- travailleurs migrants,
- mondialisation,
- état,
- flexibilisation
Abstract
This article examines three government programs favouring the rapid expansion of migrant labour into the marginal job markets: 1) seasonal migrant farm workers hired in the framework of the Seasonal Agricultural Worker Program (SAWP) ; 2) migrant domestic housekeepers hired in the framework of the Live-In Caregiver Program (LCP) ; and 3) so-called “unqualified” temporary migrant workers hired in the framework of the Pilot Project for Occupations Requiring Lower Levels of Formal Training. Given the emphasis placed on flexibility in the post-Fordist era, temporary migrant work epitomizes the drive toward casualization of labour and the pushing of jobs into marginal labour markets. The instrumentalization and exploitation of this type of labour is further compounded and intensified by globalization.
Keywords:
- casualization,
- marginal labour markets,
- migrant workers,
- globalization,
- state,
- flexibilization
Article body
Dans cet article, nous nous intéresserons à trois exemples de ce que nous appelons le travail migrant en régime dérogatoire sur les marchés périphériques du travail : 1) les travailleurs agricoles saisonniers migrants embauchés dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) ; 2) les aides domestiques migrantes embauchées dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants (PAFR) ; 3) les travailleurs migrants temporaires dits « non qualifiés » embauchés dans le cadre du Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation[1].
Nous chercherons à montrer que dans l’après-fordisme, la logique de flexibilisation à tout crin place le travail migrant temporaire au coeur d’une dynamique de précarisation par la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail : au-delà du fait que les travailleurs migrants temporaires jouent le rôle d’une « armée de réserve » tirant les conditions de travail vers le bas, les programmes de travail migrant en régime dérogatoire agissent comme une interface entre le cadre national et international afin de faire jouer la concurrence entre les travailleurs dans des marchés qui ne sont pas – pour toutes sortes de raisons – « externalisables », tout en préservant l’un des plus grands paradoxes du « libéralisme réellement existant » qui fait de la liberté de circulation pleine et entière, l’apanage exclusif des biens et services et non des travailleurs. Ultimement, nous chercherons à mettre en relief non seulement l’instrumentalisation de cette main-d’oeuvre au rabais, mais, plus encore, une stratégie d’éclatement d’un régime de travail de type universaliste.
Problématique et mise en perspective
« Pourquoi le libre mouvement des capitaux et des marchandises, l’un des dogmes les mieux ancrés de la ‘pensée unique’ dans le cadre de la mondialisation, ne possède pas son pendant logique, la libre circulation des hommes ? », se demandait Yann Moulier Boutang en ouverture de son ouvrage De l’esclavage au salariat : Économie historique du salariat bridé (1998, p. 9). C’est en effet l’un des paradoxes du néolibéralisme « réellement existant » que de s’être construit sur une dichotomie forte entre la protection des droits des travailleurs et la liberté de commerce en s’appuyant, d’une part, sur le principe d’une circulation mondiale des marchandises et, d’autre part, sur une circulation nationale de la main-d’oeuvre.
Alors qu’au cours des trente dernières années nous avons assisté à l’assouplissement des barrières commerciales et à la construction d’un droit international du commerce à travers la multiplication des accords de libre-échange bilatéraux et plurilatéraux, l’approfondissement de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (mieux connu sous son acronyme anglo-saxon GATT), puis par la mise sur pied de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) au milieu des années 1990, force est de constater que la protection des droits des travailleurs demeure encore aujourd’hui, pour l’essentiel, la prérogative des États nationaux. Certes, à l’échelle supranationale, l’Organisation internationale du travail (OIT) vise à créer un socle de mesures ayant pour but de protéger les travailleurs et travailleuses et à imposer des standards minima à l’échelle globale, mais comme le constate son directeur général Juan Somavia, dans le cadre de la mondialisation, « Le message clé est qu’offrir de meilleurs emplois et de meilleurs revenus aux travailleurs dans le monde n’a jamais été une priorité politique » (OIT, 2005). Autrement dit, bien que l’OIT ait adopté, en 1998, la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qu’elle cherche à mettre en place les conditions nécessaires à la réalisation de son « Agenda pour le travail décent » ou à faire la promotion d’un « Pacte mondial pour l’emploi », l’absence de leviers forts, notamment en ce qui a trait à son pouvoir de sanctionner les États récalcitrants, fait en sorte que la construction d’un réel droit international du travail, à la mesure des ambitions de cette organisation reste, dans une large mesure, à construire.
La mise en place de dispositifs visant la protection des droits des travailleurs en marge des accords de libre-échange souffre des mêmes faiblesses. Sans s’attarder à l’ensemble des « initiatives commerce-travail liées à des accords de libre-échange » (ALE)[2], soulignons simplement ici que plus de quinze ans après sa mise en place, l’efficacité de l’Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT), signé en 1994 en marge de l’Accord nord-américain de libre-échange (ALENA), reste à démontrer[3]. Il en va de même pour les plus récents « accords de coopération » avec le Pérou et la Colombie même s’ils précisent qu’il faut s’efforcer de garantir « des protections juridiques en matière de conditions de travail identiques pour les travailleurs migrants et les ressortissants » (Gouvernement du Canada, 2009). Des critiques similaires sont souvent faites concernant les différentes initiatives privées affirmant chercher à protéger les droits des travailleurs, notamment les codes de conduite des firmes multinationales s’appuyant sur le principe de l’autorégulation.
Ainsi, eu égard à la protection des droits du travail dans le contexte de la mondialisation, la faiblesse de l’OIT combinée à la multiplication d’initiatives qui s’avèrent davantage formelles qu’efficaces font en sorte, comme le souligne Weiss, qu’au rythme où vont les choses, « the future of international labor standards may be more formal standards, covering fewer and fewer countries, companies and workers, posing ever greater obstacles to turning the law on the books into workers’ reality in fact » (Weiss, 2008, p. 13).
Qu’en est-il sur le plan national ? Depuis l’après-guerre jusqu’au tournant des années 1980, au cours de ce que l’on appelle aujourd’hui les Trente Glorieuses, la mise en place d’économies dites mixtes parallèlement à la construction de l’État-providence reposait sur une double stratégie. D’une part, à l’international, l’État soutenait une stratégie de libéralisation des échanges de marchandises et de capitaux. D’autre part, sur le front domestique, celui-ci s’engageait dans une stratégie d’encadrement de la main-d’oeuvre et des populations au nom de la solidarité nationale. Or, au Québec et au Canada comme dans la majorité des pays développés, on observe depuis une trentaine d’années un changement important dans la politique poursuivie par l’État en ce qui a trait à la régulation du travail. La poursuite du plein emploi par l’encadrement du travail et l’encastrement du marché agissait autrefois comme un rempart contre la concurrence à outrance, la segmentation excessive des marchés du travail et la marchandisation du travail[4]. Le passage à l’après-fordisme, au tournant des années 1980, est marqué par un retour au laisser-faire et par le relâchement des velléités de contrôle de l’État sur la structuration des marchés du travail. Pour les gouvernements, l’objectif central de la politique économique se limite désormais à introduire la logique marchande dans tous les secteurs et tous les domaines. Sur le marché du travail, une telle exigence se traduit par l’adoption du principe de compétitivité – non plus à l’échelle nationale, mais mondiale – afin de répondre à l’impératif de flexibilisation qu’exigerait la mondialisation de l’économie.
La centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail
Le phénomène de la fragmentation des marchés du travail dans le capitalisme avancé est bien connu (Antunes, 1996 ; Beck, 2000 ; SoteloValencia, 1999, 2004 ; etc.). Cela dit, comme le souligne Durand, nous assistons aujourd’hui à l’accélération d’un processus de centrifugation de la main-d’oeuvre vers les marchés périphériques du travail se déployant à travers une généralisation du modèle coeur/périphérie[5], hier réservé à la relation donneur d’ordres/sous-traitant :
Aujourd’hui, le modèle de centrifugation pénètre toutes les activités (industrielles ou services) de toutes les entreprises, qu’elles produisent des biens ou des services[6]. Plus encore, le modèle de centrifugation pénètre jusqu’au coeur des entreprises, là où les activités sont considérées comme stratégiques. […] [P]our le moment [ce modèle] domine […] le paradigme coeur-périphérie ne caractérise pas seulement les rapports donneurs d’ordres/sous-traitant, mais de plus en plus chacun [des] sous-ensembles […]. Autrement dit, il s’agit de faire du paradigme coeur-périphérie un paradigme fonctionnant sur plusieurs échelles. Ainsi, la question de la sous-traitance, du travail temporaire (en particulier le travail intérimaire), des travailleurs indépendants, etc. relevant traditionnellement de la périphérie, est portée au coeur même des systèmes productifs eux-mêmes. Le modèle général apparaît alors comme une démultiplication à l’infini de ce principe de la centrifugation entre les « molécules », elles-mêmes hiérarchisées entre elles et à l’intérieur de chacune d’entre elles.
Durand, 2004, p. 185-186, nous soulignons
Ce qui est en jeu ici, c’est l’érosion progressive de la forme que prenait l’emploi dans le régime antérieur, garant de l’accès à la protection sociale et pilier central de la régulation des relations de travail dans le modèle fordiste : le travail à temps plein régi par un contrat à durée indéterminée dans une firme intégrée. La dynamique de centrifugation, inscrite dans une logique de flexibilisation du travail, se traduit par la prolifération et la rehiérarchisation de formes différenciées d’intégration à l’emploi sur les marchés périphériques du travail : travail à temps partiel, travail temporaire, travail intérimaire (à travers des agences de placement), travail autonome ou dit autonome, etc. Comme le souligne Mercure, « la norme d’emploi d’après-guerre, soit l’emploi régulier à durée indéterminée, s’est effritée aux profits de formes d’emploi multiples » (Mercure, 2001, p. 5). Pour les entreprises du secteur privé, mais aussi pour l’État-employeur, ces nouvelles modalités de liens avec la main-d’oeuvre sont autant de manières de poursuivre l’objectif de flexibilité.
Le travail migrant temporaire en régime dérogatoire s’inscrit pleinement dans cette dynamique comme l’illustre notre adaptation du schéma de Durand. Non seulement nous assistons aujourd’hui à la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail et à la flexibilisation du travail au sein même du coeur du système productif, mais plus encore, le travail migrant vient alimenter la multiplication des statuts d’emploi sur les marchés périphériques du travail.
Cela dit, il faut le souligner, la flexibilisation per se n’est pas néfaste. Comme l’énonce clairement D’Amours, « en fait, le problème ou le défi actuel n’est pas tant celui posé par l’hétérogénéité et la diversification [du travail], que celui des liens à renouer entre travail hétérogène et diversifié et protection du travailleur » (D’Amours, 2003, p. 318). Or, pour reprendre les mots de Desrochers (2000) et comme nous l’avons mis en lumière dans nos travaux antérieurs (Noiseux, 2008), flexibilisation et précarisation sont deux facettes d’une même réalité. Pour le dire autrement, la dynamique de précarisation par la flexibilisation du travail, soutenue par l’État, concourt à la prolifération du travail atypique (dont le travail migrant temporaire en régime dérogatoire) sur les marchés périphériques du travail tout en exacerbant la fragmentation et la segmentation des marchés du travail.
En outre, comme le souligne Durand, « les inégalités de chances d’accès aux emplois du coeur des processus de production de biens et de services sont aussi au centre de la problématique (Durand, 2004, p. 182) ». Conséquemment, « [l]e modèle de la centrifugation doit être croisé avec les questions de genre, de l’ethnicité et de l’âge dans certains emplois ou dans certains secteurs d’activité » (Durand, 2004, p. 182, nous soulignons). Ayant déjà mis en lumière ailleurs que la dynamique de centrifugation conduisait à la précarisation et à la rehiérarchisation des rapports de travail sur la base du genre et de l’âge (Noiseux, 2008), les sections suivantes chercheront à montrer comment l’essor des programmes de travail migrant temporaire en régime dérogatoire s’inscrit dans la même dynamique.
Le cas des travailleurs migrants saisonniers dans le secteur agricole
Conçu pour répondre aux graves pénuries de main-d’oeuvre auxquelles faisaient face les exploitants agricoles (TUAC, 2006, p. 1), le Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) – un régime de travail particulier en marge de l’application usuelle des lois du travail – a connu une forte croissance depuis sa création en 1966.
Alors qu’il n’y avait que 1 258 travailleurs migrants employés dans les exploitations agricoles canadiennes en 1968 (Verma, 2003), ce nombre grimpe rapidement à 4 100 et se maintient jusqu’en 1987, année où le gouvernement du Canada privatise l’administration du PTAS (Institut Nord-Sud, 2006, p. 8)[7]. Depuis, ce programme, largement autorégulé par le secteur privé, est géré par la Fondation des entreprises en recrutement de main-d’oeuvre agricole étrangère (FERME[8]) – un organisme sans but lucratif contrôlé par des agriculteurs canadiens – et se base sur le principe de l’offre et de la demande, ce qui a entraîné une forte augmentation des effectifs. Plus de 8 500 travailleurs migrants saisonniers ont pris part au programme en 1988 et ce nombre grimpe à 12 237 l’année suivante (données pour l’ensemble du Canada, Institut Nord-Sud, 2006, p. 8). En 2009, on en comptait plus de 27 500 dans l’ensemble du Canada (Gouvernement du Canada, 2010, en ligne). Au Québec, alors qu’il n’y en avait que 836 en 1996 (MAPAQ, 2006, p. 1), au moins 7 500 travailleurs migrants saisonniers sont à l’oeuvre dans les fermes maraîchères en 2010 (Noël, La Presse, 3 juillet 2010, p. A3). Depuis la mise en place du programme il y a plus de quarante ans, la réalité agricole s’est considérablement transformée. Alors que les fermes d’antan n’employaient que quelques surnuméraires de manière très ponctuelle, ce qui est devenu « l’industrie » agricole repose grandement sur la main-d’oeuvre fournie à travers le PTAS.
Le contrat de travail dont dispose le travailleur migrant saisonnier est nominatif. Les termes et les modalités sont négociés entre les représentants des employeurs (FERME), du gouvernement canadien et des consulats des pays partenaires. Le travailleur agricole migrant ne doit « travailler pour aucune autre personne [lire employeur] sans l’approbation de Ressources humaines et Développement social Canada, du représentant du gouvernement et de l’employeur » et « habiter à l’endroit fixé » par ces mêmes parties (RHDSC, 2008a et 2008b, en ligne). Le caractère temporaire du travail effectué dans le cadre de ce programme – qui justifiait la règle d’exception à l’origine – est aussi battu en brèche. Non seulement les travailleurs reviennent d’année en année[9], mais, plus encore, au fil du temps, la durée des contrats de travail tendra à s’accroître, allant même jusqu’à atteindre huit mois par année, alors qu’au départ, les contrats ne dépassaient pas 12 semaines.
En favorisant l’élargissement (en nombre accru de travailleurs et pour de plus longs) du PTAS et en confinant les travailleurs migrants temporaires dans un régime de travail à la périphérie du marché du travail, l’État a contribué à l’institutionnalisation de l’existence d’une main-d’oeuvre au rabais dans le secteur agricole. Ce programme a pour effet d’introduire artificiellement une concurrence entre les travailleurs migrants et nationaux, ce qui contribue à détériorer les conditions de travail dans le secteur agricole. Au surplus, parce que les clauses des programmes sont négociées individuellement – de gré à gré – avec chacun des pays partenaires, le gouvernement et les employeurs canadiens peuvent faire jouer la concurrence entre les travailleurs migrants provenant de différents pays. Ainsi, comme le rapporte La Presse, le consul guatémaltèque invitait, à l’été 2010, les employeurs à rehausser le prix des loyers exigé de leurs travailleurs migrants, car « un loyer limité à 20 $ par semaine risque d’encourager les fermiers à embaucher des fermiers du Mexique plutôt que du Guatemala » (La Presse, 3 juillet 2010, p. A2). Ainsi, « de peur de compromettre cette importante source de revenus pour leur pays économiquement défavorisé, les représentants consulaires des pays pourvoyeurs font tout pour éviter de contrarier, d’indisposer ou d’entrer en conflit avec les employeurs » (TUAC, 2006, p. 6).
Le travail agricole saisonnier est dur, long[10], pénible, dangereux et faiblement rémunéré (généralement à un salaire se rapprochant du minimum légal et sans taux majoré pour les heures supplémentaires[11]). En outre, la faiblesse[12] de la réglementation liée au programme « rend l’exploitation [des travailleurs migrants saisonniers] non seulement possible, mais probable » (TUAC, 2006, p. 2)[13]. C’est d’ailleurs ce que confirme une série d’articles parus en 2007 dans le quotidien La Presse dans lesquels le journaliste André Noël fait état de conditions de travail particulièrement navrantes : confiscation des papiers d’identité (La Presse, 8 juin, A5), non-accès à l’eau potable (La Presse, 8 novembre, A23), refus d’octroyer la permission de consulter un médecin lors d’accidents de travail (La Presse, 20 juin, A2), exposition à des pesticides dangereux (La Presse, 9 juillet, A2[14]), interdiction de recevoir des visiteurs dans les logements (La Presse, 31 août, A10), etc.[15]. L’accès aux régimes publics de protections sociales est également limité. Bien que les travailleurs migrants aient en principe droit à l’assurance-maladie, à l’assurance-emploi et à la protection de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, « l’exercice de ces droits s’avère en pratique difficile en raison de la barrière linguistique, de l’isolement de ces travailleurs et du contrôle quasi permanent qu’exerce l’employeur à leur endroit » (CRT, cité par Coutu, 2010)[16].
Le cas des travailleurs migrants met également en évidence les difficultés liées à l’organisation collective sur les marchés périphériques du travail (Noiseux, 2008). Pour les travailleurs migrants, cela est bien connu, toute contestation, aussi légitime soit-elle, « p[eut] donner lieu à un renvoi, le retour au bercail et l’exclusion à tout jamais du Programme des travailleurs agricoles saisonniers » (Nieto, 2005, p. 1). C’est dans ce contexte difficile que, depuis plus d’une décennie, les TUAC offrent des services à ces travailleurs et que des campagnes de syndicalisation ont été mises en oeuvre[17]. Au Québec, à la suite du travail novateur de Patricia Perez[18] et grâce à l’appui des Travailleurs Unis de l’Alimentation et du Commerce (TUAC), le Centre d’appui pour les travailleurs agricoles migrants (CATA) de St-Rémi existe depuis juin 2004[19]. Dans la foulée de ces initiatives d’organisation collective des travailleurs migrants, une série de contestations judiciaires sont lancées : contre la Loi [ontarienne] de 2002 sur la protection des employés agricoles (LPEA[20]) ; contre le prélèvement obligatoire des cotisations d’assurance-emploi pour les travailleurs étrangers saisonniers (Agriculture Workers Alliance, non daté, en ligne[21]). Plus récemment, en avril 2010, dans une décision[22] de la CRT que Coutu (2010) qualifiera de « remarquable » et de « modèle de ‘jurisprudence sociologique’ », Me Robert Côté, vice-président de la Commission des relations de travail du Québec (CRT), a déclaré inopérant l’article 21 (5) du Code du travail du Québec qui empêchait la syndicalisation des travailleurs agricoles saisonniers[23]. La décision a toutefois été portée en appel depuis (Le Devoir, 25 mai 2010, p. A2).
Somme toute, ce premier cas montre bien l’institutionnalisation d’un régime de travail particulier dérogeant aux lois usuelles du travail. Dans un partenariat à deux[24], l’État et l’entreprise privée négocient désormais les termes permettant la formation d’une main-d’oeuvre au rabais, cantonnée à un segment bien précis sur les marchés périphériques du travail et caractérisée par une mobilité bridée, un accès limité aux régimes publics de protection sociale et à la syndicalisation. Au fil du temps, ce ne sont plus les circonstances « exceptionnelles » (qui à l’origine justifiaient la mise en place du programme), mais la règle de l’offre et de la demande qui structure les modalités d’application du programme en fonction des besoins en main-d’oeuvre des membres de FERME. Le nombre de travailleurs migrants agricoles augmente donc continuellement, la durée des séjours est prolongée et l’éventail des pays partenaires s’étend, autant d’éléments permettant d’introduire et d’accroître la concurrence entre les travailleurs (entre les migrants et les nationaux, mais aussi entre les migrants) dans ce secteur d’activité. Plus encore, et c’est en ce sens que le PTAS a joué le rôle de courroie de transmission facilitant l’éclatement d’un régime de travail de type universaliste, des programmes semblables ont été mis en oeuvre dans d’autres secteurs de l’économie depuis quelques années[25].
Le cas des aides familiales
Selon les Directives du Programme des aides familiaux rédidants (sic), le PAFR est conçu pour appuyer « les Canadiens et les Canadiennes qui ont besoin d’une personne vivant et travaillant à leur domicile pour les aider à prendre soin d’enfants, d’aînés ou de personnes handicapées » (RHDSC, 2008c, p. 3). En vigueur depuis 1992, il a succédé au Programme pour les employés de maison étrangers (PEME, 1981-1992). Ce dernier avait lui-même remplacé un programme mis en place en 1973, destiné à accueillir des travailleurs migrants en provenance des Caraïbes (AAFQ, 2008, p. 2). Ces trois programmes se distinguent de la situation antérieure (avant 1973) par le fait qu’ils « n’accordaient plus [à l’arrivée] le statut de résident permanent, comme il l’avait fait auparavant » (Langevin et Belleau, 2000, p. 21[26]).
L’arrivée des aides familiales au Québec s’inscrit dans une dynamique issue des « rapports Nord-Sud inégaux » (AAFQ, 2009, p. 1[27]). Plus de 80 % des aides familiales sont originaires de l’extérieur du Canada (dont une forte représentation de Philippines[28]), alors que moins de 20 % sont nées au Québec (AAFQ, 2009, p. 4). Pour Langevin et Belleau, « la composition ethnique [des aides familiales] a joué un rôle important dans la détérioration de leur statut juridique et de leurs conditions de travail […] [Historiquement], comparativement aux domestiques blanches, celles qui n’étaient pas d’origine britannique, et spécialement les femmes de couleur, jouiss[aient] de moins de droits » (Langevin et Belleau, 2000, p. 21).
Parce qu’une grande partie des aides familiales exercent leur métier en marge du PAFR, il est bien difficile d’évaluer leur nombre exact[29]. Plus de 16 000 femmes seraient venues au Canada entre 1996 et 2000 dans le cadre du PAFR (Spitzer, cité dans Sorberger, 2006, en ligne[30]). Au Québec, on estime entre 20 000 et 40 000 le nombre d’aides familiales (AAFQ, 2009, p. 1) et la Commission des normes du travail souligne que 2 000 d’entre elles seraient inscrites au PAFR (Commission des normes du travail, 2008, p. 1). Selon les estimations de l’AAFQ, sur la base de ses interventions sur le terrain, le nombre des travailleuses sans autorisation de travail est à la hausse. Contrairement aux travailleurs agricoles saisonniers, bon nombre des aides familiales sont donc sans statut, ce qui accroît leur vulnérabilité.
Les travailleuses embauchées dans le cadre du PAFR ont un permis de travail nominatif, c’est-à-dire valide pour un seul employeur. Contrairement aux travailleurs migrants saisonniers dans le secteur agricole, elles sont autorisées à demander le statut de résidente permanente. Toutefois, parce que ces travailleuses doivent travailler au moins 24 mois dans une période de 36 mois pour pouvoir « s’affranchir » (en faisant une demande de résidence permanente), elles sont brimées dans leur mobilité et cantonnées, pour un certain temps du moins, dans un marché périphérique du travail institutionnellement créé par l’État. Ajoutons que les aides familiales embauchées dans le cadre du PAFR sont sous-employées. Alors que l’on exige simplement des travailleurs migrants saisonniers qu’ils aient de « l’expérience en agriculture[31] », il en va autrement des aides familiales de qui l’on exige davantage de formation[32]. Au final, les modalités du PAFR agissent comme une trappe en enfermant ces femmes « dans une position inférieure [qui] entraîne la dévaluation de leurs qualifications et les identifie comme travailleuses non qualifiées qui ne seraient bonnes qu’aux travaux domestiques » (Kofman, 2004, p. 651).
Parce qu’elles doivent tout mettre en oeuvre afin de compléter les 24 mois de service sur un horizon de trois ans, les aides familiales résidentes embauchées dans le cadre du PAFR doivent composer avec les « failles et les abus » de ce programme (AAFQ, 2008, p. 3)[33]. Cette situation s’avère particulièrement délétère parce qu’elle les place dans une position d’extrême faiblesse vis-à-vis de leur employeur.
Formellement, même si les aides familiales résidentes – embauchées dans le cadre du PAFR ou non – sont désormais couvertes par la Loi sur les normes du travail (LNT) depuis l’adoption du projet de loi 143[34], certaines exclusions demeurent. Ainsi, les « gardiennes » ne sont pas admissibles à la semaine normale de travail, ce qui implique que les heures supplémentaires sont payées au taux régulier (AAFQ, 2008, p. 5[35]). Parce qu’une aide familiale peut être déclarée « travailleuse autonome » par son employeur, l’accès de ces femmes aux prestations d’assurance-emploi est difficile[36]. Même si elles sont trois fois plus susceptibles d’avoir des accidents du travail que la moyenne des travailleuses québécoises (Daphnée Cameron, La Presse, 10 novembre 2008, A10), les aides familiales doivent s’inscrire par elles-mêmes – c’est-à-dire exclusivement à leurs frais – à la CSST afin de pouvoir bénéficier de ce régime d’indemnisation pour les accidentés du travail[37].
Dans les faits, ces travailleuses sont isolées[38], parfois même séquestrées et travaillent souvent de 15 à 20 heures par jour. Certaines d’entre elles ne reçoivent aucun salaire, ou très peu, et subissent des abus et de la violence, parce que « les employeurs [peuvent] les maintenir dans la terreur en les menaçant de déportation et [en leur confisquant] leurs papiers d’identité » (AAFQ, 2009, p. 1). Au surplus, avant même d’être embauchées, « à cause des délais d’attente » et « en l’absence de régulation et de réglementation des employeurs », ces travailleuses doivent souvent composer avec des agences de placement et des consultants en immigration, lesquels adoptent des pratiques hautement répréhensibles faisant en sorte que leurs conditions de travail sont assimilables à de la servitude pour dette (AAFQ, 2008, p. 7[39]). Au terme de leur étude sur le PAFR – peut-être l’étude la plus approfondie sur ce programme –, Langevin et Belleau n’hésitent pas à assimiler le PAFR à un trafic de femmes (Langevin et Belleau, 2000, p. 198). Somme toute, même si elles sont embauchées dans le cadre d’un programme gouvernemental, la faiblesse de la réglementation et l’absence de contrôle font en sorte que ces travailleuses se retrouvent dans une situation très semblable à celle de leurs consoeurs sans statut.
Notons enfin que depuis sa formation au milieu des années 1970, l’Association des aides familiales du Québec (AAFQ) lutte activement pour que les différents paliers de gouvernement normalisent l’environnement de travail des aides familiales en reconnaissant les garanties minimales de la loi à toutes les travailleuses en maison privée et en s’occupant de faire respecter les lois et règlements par leurs employeurs. Force est toutefois d’admettre, parce que les femmes sont généralement isolées – contrairement aux travailleurs agricoles migrants, elles ne sont pas plusieurs à travailler pour un employeur –, que toute action collective s’avère extrêmement difficile[40].
En résumé, ce second cas montre aussi l’institutionnalisation d’un régime de travail particulier dérogeant aux lois usuelles du travail. Souvent surqualifiées pour les emplois qu’elles occupent, les aides familiales embauchées dans le cadre du PAFR sont confinées à un segment bien précis sur les marchés périphériques du travail. Leur mobilité en emploi est limitée. Encore plus que les travailleurs migrants agricoles, elles ont un accès limité aux régimes publics de protections sociales et à la syndicalisation. L’exigence de compléter 24 mois de service dans une période de 36 mois renforce leur vulnérabilité.
Par ailleurs, s’inscrivant dans la dynamique d’un État-providence néolibéralisé qui opte pour le développement des services privés au détriment des services publics de qualité supérieure (Boucher et Noiseux, 2010), l’essor du PAFR met en lumière la constitution d’une chaîne globale des soins dont traite la littérature féministe depuis quelques années (Boucher, 2009) et qui repose sur les inégalités de développement et de classes sociales, en plus de reproduire, à grande échelle, la division sexuelle du travail en confinant les aides familiales migrantes dans des emplois qui sont périphériques, segmentés et dévalorisés.
Le cas des travailleurs embauchés dans le cadre du « Projet pilote »
Alors que les deux programmes présentés ci-dessus touchent des segments particuliers de l’activité économique, le Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation (ci-après « Projet pilote ») s’en distingue parce qu’il permet l’embauche, en cas de pénurie de main-d’oeuvre avérée, de travailleurs étrangers « ayant un niveau réduit de formation officielle[41] » dans n’importe quel secteur d’activité. Sa mise en place s’inscrit dans la foulée de mesures ponctuelles qui ont vu le jour depuis une vingtaine d’années. Vineberg relève que le Manitoba a créé un programme temporaire dans les années 1990 afin de contrer une pénurie d’infirmières. Cette même province a ensuite mis en place un projet pilote pour des opérateurs de machines à coudre. L’expérience a ensuite été élargie au secteur de l’habillement, du conditionnement des viandes, puis des sables bitumineux (Vineberg, 2008, p. 5-7)[42].
Créé en 2002, le Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation marque en quelque sorte l’institutionnalisation et l’élargissement de ce qui avait jusque-là été des mesures particulières et ponctuelles. Dès 2004, « au moins 3 000 travailleurs étrangers avaient été embauchés dans le cadre de ce programme, notamment dans les domaines de l’hôtellerie et de la transformation de la viande » (CERIUM, 2005). En 2010, plus de 14 893 travailleurs participaient au programme (CIC, 2011). À notre connaissance, des données ventilées par secteur d’activité et par province ne sont pas disponibles.
À l’origine, la durée maximale de séjour des travailleurs était de un an. Le travailleur devait quitter le pays pour au moins quatre mois avant de faire une nouvelle demande. En 2006, la durée du séjour a été augmentée à deux ans (Vineberg, 2008, p. 6). Un processus d’avis accéléré relatif au marché du travail, réclamé par les entreprises voulant avoir accès plus rapidement à la main-d’oeuvre, est entré en vigueur la même année (FTQ, non daté, p. 4). Depuis 2009, d’autres changements ont été apportés. Ceux-ci laissent entrevoir un élargissement et une pérennisation de cette composante du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires : les employeurs sont désormais autorisés à embaucher 1) « des travailleurs qui ont déjà travaillé au Canada pendant 24 mois » et 2) des travailleurs « qui ne sont pas retournés dans leur pays pour un minimum de quatre mois » (Gouvernement du Canada, 2009b). Parce que ces derniers pourront être réembauchés à tous les deux ans sans qu’ils puissent avoir accès à la résidence permanente, cela marque, et nous partageons l’avis de Piché (2009) à cet égard, l’institutionnalisation d’une politique d’immigration à deux vitesses : l’une pour les travailleurs qualifiés qui ont accès à la citoyenneté pleine et entière, et une autre, pour des travailleurs non qualifiés, soumis aux restrictions liées à un permis de travail nominatif bridant leur liberté de mouvement, les cantonnant sur les marchés périphériques du travail et les reléguant dans un no man’s land en marge de la citoyenneté[43].
Le programme agit comme un levier sur lequel s’appuie la stratégie visant l’éclatement d’un encadrement politico-juridique du travail à prétention universaliste en ouvrant l’ensemble des secteurs d’activité à la concurrence de travailleurs étrangers temporaires peu qualifiés dont le contrat de travail déroge aux lois usuelles du travail. La multiplication du recours à des formes diverses et hiérarchisées de contrats de travail atypiques exerce une pression à la baisse sur les conditions de travail (salaire, avantages sociaux et accès à des régimes de protections sociales), mais, plus encore, encourage les entreprises du même secteur à adopter ces pratiques afin de rester compétitif. Comme le relève Green, le programme a aussi des effets pernicieux concernant les choix de parcours professionnels des jeunes travailleurs :
Perhaps the most important of the price signals being sent in these booming labour markets is the signal to young people on whether to get training and of what type. The special lists of occupations for BC and Alberta are filled with trades occupations such as carpenters. Trades and business organizations lament the insufficient numbers of young people seeking trades training. But, why would anyone expect them to select those occupations if the policy message we send is, « These are jobs with erratic demand. In bad times, you’re on your own. In good times, we’ll bring in temporary foreign competition to make sure your wages don’t get too high. »
Green, 2007, p. 1.
Bien que les conditions d’emplois de cette catégorie de travailleurs temporaires ne soient pas aussi bien connues que pour les cas précédents, tout porte à croire que ces travailleurs sont confrontés à des problèmes semblables. La Fédération du travail de l’Alberta (AFL), qui s’est intéressée aux ratés de ce programme dans cette province, qui a connu une augmentation de plus de 207 % de sa main-d’oeuvre avec un permis de travail temporaire entre 1997 et 2006[44], dénonce des abus de toutes sortes : les frais élevés demandés par des agences de placement au Canada et dans le pays d’origine, des déductions déraisonnables sur les chèques de paie (notamment pour le logement ou le transport au surplus inadéquats), des salaires plus faibles que promis, l’absence de formation en santé et sécurité, des promesses non tenues d’accès à un statut d’immigrant permanent ou à de la formation professionnelle ou linguistique (apprentissage de l’anglais) ou encore le non-paiement du transport aller-retour depuis le pays d’origine (FTQ, non daté, p. 5[45]).
Enfin, non seulement les travailleurs temporaires embauchés dans le cadre du Projet pilote sont soumis à des difficultés semblables à celles des travailleurs des autres programmes discutés plus haut en ce qui concerne leur organisation collective, mais plus encore, il semble que le programme soit utilisé comme vecteur de désyndicalisation dans certains milieux de travail. Selon la Fédération du travail de l’Alberta :
Une entreprise du secteur de l’énergie, Canadian Natural Ressources Limited (CNRL), pour la réalisation du Horizon Oilsands Project, a invoqué des pénuries de main-d’oeuvre dans des emplois du secteur de la construction. Ce qui était en pénurie, c’était les travailleurs non syndiqués. Il y avait encore des travailleurs syndiqués disponibles en Alberta et ailleurs au Canada, mais l’entreprise voulait être union free pour ce projet. Elle a donc adopté une double stratégie : elle a signé une convention collective avec un syndicat « jaune », le Christian Labour Association of Canada (CLAC), ce qui a été rendu possible par une exemption gouvernementale de négocier avec les syndicats reconnus de la construction, prévue au Code du travail, mais très rarement accordée ; elle a ensuite utilisé le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour « staffer » presque entièrement ce projet de construction.
FTQ, non daté, p. 6[46]
Le cas d’Olymel semble relever de la même logique[47]. Cette entreprise, longtemps engagée dans un conflit syndical avec ses travailleurs dans de nombreuses usines de la Montérégie, a été l’une des premières à se prévaloir des dispositions de ce projet pilote. Sans entrer ici dans le détail des enjeux complexes[48] de ces conflits, notons seulement qu’au moment où l’entreprise se délestait d’une main-d’oeuvre qualifiée – Olymel a décidé de fermer son usine de St-Valérien-de-Milton en avril 2007 à la suite du refus des travailleurs d’accepter d’importantes réductions des salaires[49] –, elle a pu profiter du Projet pilote afin de combler une « pénurie de personnel » à son usine de Red Deer en Alberta[50]. Le Conseil des viandes du Canada, le Conseil canadien du porc et Canada Porc International, des organismes patronaux, décrivaient la situation dans ces termes :
Heureusement, toutefois, le gouvernement fédéral a récemment réagi aux pressions de l’industrie de sorte que les établissements de transformation des viandes de Maple Leaf et d’Olymel, dans l’ouest du pays, pourront poursuivre leurs activités. […] En juin 2007, en raison d’un manque de main-d’oeuvre, Olymel a dû mettre fin à son deuxième quart à Red Deer, malgré les efforts importants de recrutement réalisés au Canada, y compris auprès des communautés autochtones. Sans travailleurs étrangers, il est impossible à court terme d’embaucher les 1100 employés requis pour que l’usine moderne de Red Deer fonctionne à pleine capacité et fasse concurrence à nos voisins américains.
Conseil des viandes du Canada, 2007, p. 11
Somme toute, les travailleurs étrangers embauchés en vertu du Projet pilote dans cette usine albertaine reçoivent un salaire largement inférieur à celui reçu par les travailleurs syndiqués québécois ; les travailleurs étrangers sont en quelque sorte embauchés comme des briseurs de grève afin de remplacer les ex-travailleurs syndiqués de l’entreprise (Noiseux, 2008, p. 221).
⁂
En conclusion, après nous être attardé à trois composantes du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires, nous constatons que les travailleurs agricoles migrants, tout comme les aides familiales et les travailleurs embauchés dans le cadre du « Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation » sont traités comme des travailleurs et des migrants de seconde classe.
La politique migratoire canadienne […] a créé deux catégories de migrants, d’une part, les travailleurs qualifiés, qui ont accès à la résidence permanente et aux droits qui y sont rattachés et, d’autre part, les travailleurs non qualifiés, dont les droits limités favorisent les abus au sein du milieu de travail.
Jannard et Crépeau, 2009, p. 1
Depuis quelques années, le gouvernement favorise de plus en plus le recrutement temporaire de travailleurs étrangers au détriment de l’immigration d’établissement. Il y avait, en décembre 2009, 282 771 travailleurs étrangers temporaires au Canada (dont 30 616 au Québec ; Citoyenneté et Immigration Canada, 2010). Depuis 1980, le nombre de travailleurs étrangers admis au Canada temporairement a affiché une croissance plus rapide que le nombre de personnes admises temporairement pour d’autres raisons (Statistique Canada, en ligne[51]). Plus encore, depuis 2008, le nombre de travailleurs étrangers temporaires a dépassé le nombre de résidents permanents admis dans la même année (Conseil canadien pour les réfugiés, 2008[52]). Comme le relève Vineberg, cette transformation de la politique migratoire remet en question la position canadienne de longue date voulant que les personnes autorisées à venir au Canada puissent s’établir, devenir résidents permanents et, éventuellement, citoyens à part entière (Vineberg, 2008, p. 8). Or, ce « changement de cap radical fut effectué sans véritable débat public » (Conseil canadien pour les réfugiés, 2008, p. 2). L’essor accéléré du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires crée plutôt ce que Victor Piché – qui évoque « la mise en place d’un régime migratoire axé sur le refus de l’intégration citoyenne » (Piché, 2009, p. 1) – appelle des « non-citoyens du monde ».
Par ailleurs, et ce sont sur ces aspects que nous avons voulu insister, l’existence même de ces programmes particuliers s’inscrit dans une dynamique structurelle d’exploitation du Sud par le Nord et témoigne d’une centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail au coeur même des pays du centre. En jouant le rôle d’une « armée de réserve » tirant les conditions de travail vers le bas, les travailleurs migrants temporaires agissent comme une courroie de transmission afin d’introduire sur les marchés nationaux une concurrence insoutenable créée par la division internationale du travail et l’exploitation des travailleurs des pays appauvris sans faire éclater le paradoxe d’un libéralisme « réellement existant » qui requiert le maintien des frontières entre les marchés nationaux du travail et qui s’appuie sur une main-d’oeuvre dont la liberté de mobilité est bridée.
Comme le montrent avec pertinence Dardot et Laval, contrairement à une idée assez répandue, « le néolibéralisme ne doit pas être confondu avec une plate vulgate du ‘laisser-faire’ du XVIIIe siècle » et se définit plutôt comme « l’ensemble des discours, des pratiques et des dispositifs qui détermine un nouveau mode de gouvernement des hommes selon le principe de la concurrence » (Dardot et Laval, 2009, p. 6-7). Il s’accommode parfaitement des interventions étatistes qui résolvent artificiellement ses crises sur le dos des gens (Sieffert, 2008, cité par Dardot et Laval, 2009, p. 7). Dans cette optique, la mise en place de programmes de travail en régime dérogatoire cantonnant les travailleurs migrants dans des statuts de second ordre sur les marchés périphériques du travail apparaît comme le fruit d’une action continue et multiforme de l’État engagé dans une transformation globale des institutions, des relations sociales et des manières de gouverner en s’appuyant sur le principe de la concurrence. Leur mise en place s’inscrit donc dans une stratégie délibérée, négociée dans un partenariat à deux, visant à repenser l’encadrement de la régulation du travail de manière à faire éclater un régime de travail universaliste mis en place dans le cadre du régime antérieur (fordiste) et qui ne répondrait plus à l’impératif de flexibilité qu’exigerait la nouvelle donne. Cela participe de la même logique de centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail visant à favoriser l’essor de l’emploi atypique caractérisé par une moindre rémunération, un accès restreint aux régimes de protection sociale ainsi qu’à la représentation syndicale et à la négociation collective (Noiseux, 2008, p. 68).
Ainsi, l’étude des trois composantes du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires illustre non seulement l’exploitation d’une main-d’oeuvre vulnérable et embauchée au rabais, mais surtout son instrumentalisation comme vecteur facilitant l’éclatement d’un régime de travail centré sur l’emploi régulier à durée indéterminée et garant d’accès à la protection sociale.
Visant l’érosion progressive de la forme canonique que prenait l’emploi dans le régime antérieur, la dynamique de centrifugation, qui s’inscrit dans une logique de flexibilisation du travail, se traduit par la prolifération et la rehiérarchisation de formes différenciées d’intégration à l’emploi, et ce, même sur les marchés périphériques du travail. Ainsi, bien qu’il ne soit aucunement notre intention de minimiser les conditions d’exploitation auxquelles sont soumis les autres travailleurs, force est d’admettre que les aides familiales – isolées les unes des autres – se trouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité, puisqu’elles sont souvent employées dans des conditions qui se situent à la limite de l’esclavage. À l’extrême périphérie des marchés, il existe donc une hiérarchisation, sur la base du sexe, de ces formes de travail en régime dérogatoire. Même si les travailleurs agricoles saisonniers et ceux embauchés dans le cadre du Projet pilote doivent composer avec des conditions de travail navrantes, ceux-ci ne sont néanmoins pas sous-employés et arrivent à mener certaines luttes collectives. Une organisation collective de ces travailleurs, même embryonnaire, demeure envisageable. Cela dit, contrairement aux travailleurs migrants agricoles, les travailleuses embauchées dans le cadre du PAFR peuvent espérer obtenir leur résidence permanente au Canada si elles arrivent à travailler au moins 24 mois dans les trois ans suivant leur admission au Canada. Mais cette possibilité émancipatrice ressemble davantage à une procédure d’affranchissement, et elle rappelle le vocabulaire d’une époque que l’on espérait révolue.
Appendices
Note biographique
Yanick Noiseux a récemment terminé un stage postdoctoral au Tata Institute of Social Science (Mumbai, Inde) où il a étudié les pratiques d’organisations collectives des travailleurs et travailleuses du secteur informel. Ses travaux portent également sur le renouvellement du syndicalisme, les transformations du travail et les politiques sociales dans le contexte de la mondialisation. Membre associé au Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation, il collabore aussi avec l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF). Depuis décembre 2011, il est professeur adjoint au département de sociologie de l’Université de Montréal.
Notes
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[1]
Le Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires du gouvernement canadien a trois composantes : 1) Le programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) ; 2) Le programme concernant les aides familiales résidantes ; 3) le programme pour les travailleurs qualifiés auquel on a ajouté un Projet pilote pour les travailleuses et les travailleurs peu qualifiés. Dans le cadre de cet article, nous ne nous intéressons qu’indirectement au premier aspect du troisième volet parce que les travailleurs qualifiés peuvent aussi faire une demande d’immigration qui donne directement accès à la résidence permanente.
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[2]
Pour un aperçu de ces initiatives, voir le site du Groupe de recherches sur la Gouvernance globale du travail (GGT), (http://www.ggt.uqam.ca/spip.php?rubrique1&lang=fr, consulté le 25 juin 2010).
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[3]
Voir notamment les vives critiques d’Adams et Singh (1997), OrtegaOlivares (2004), Lessard (2003) et Lamarche et Bachand (2003). Ni l’ANACT, ni l’ALENA – sauf exceptions particulières – ne prévoient la liberté de circulation des travailleurs sur le territoire nord-américain.
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[4]
Avec pour objectif l’étatisation du social, divers régimes de protection sociale (assurance-emploi, assurance-maladie, régime de retraite, prestation de sécurité du revenu) sont mis en place et marquent ce qu’on appelle l’État-providence. Bref, un pacte social est mis en oeuvre – liant l’État, l’entreprise et le travailleur – et l’emploi ne dépend alors plus du simple jeu de l’offre et de la demande sur le marché du travail et passe du strict registre de l’économie à celui de l’économie politique, ayant désormais gagné le statut de variable indépendante, que l’on cherche à contrôler politiquement. Ce pacte social sera au coeur de ce que Boyer (1995) appelle le mode de régulation fordiste, qui s’effrite dès la fin des années 1970.
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[5]
Pour Durand, ce modèle antérieur peut être décrit ainsi : « les entreprises les plus puissantes, à savoir les grandes entreprises qui contrôlent l’activité des plus petites, projettent toujours plus à l’extérieur les activités à faible valeur ajoutée, celles qui sont déjà arrivées à maturité (donc peu porteuses d’innovation) et avec elles les types d’emploi les plus dégradés : emplois à temps partiel, emplois temporaires, emploi sans garantie et à faible rémunération » (Durand, 2004, p. 185-186).
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[6]
Nous ajoutons qu’il pénètre même l’État. Le recours à la sous-traitance, au travail atypique dans la fonction publique et la mise en place des « partenariats public-privé » le montrent bien.
-
[7]
Selon les chiffres de la Commission de la coopération dans le domaine du travail de l’ANACT, on atteindrait plutôt le plateau de 6 000 travailleurs au début des années 1980 (2003, p. 16). Quoi qu’il en soit, à partir de 1987 la croissance du nombre de travailleurs se fait plus rapidement.
-
[8]
FERME représente 350 producteurs horticoles dont la grande majorité sont des producteurs maraîchers.
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[9]
Notons, comme le souligne Coutu, que « le retour du travailleur au Canada la saison suivante est conditionnel à l’accord et à l’évaluation positive préalables de l’employeur désigné. En pratique, le congédiement du travailleur ou son non-rappel au travail ne peuvent faire l’objet d’un quelconque recours et sont donc laissés entièrement à la discrétion de l’employeur » (Coutu, 2010, en ligne). Pour sa part Hanley (2008) relève l’existence de « listes noires » de travailleurs s’étant engagés dans des luttes syndicales.
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[10]
Certains travailleurs font jusqu’à 90 heures par semaine (Arsenault, 2004, p. 8).
-
[11]
Dans le cas des travailleurs provenant des Antilles, des dispositions du contrat de travail font en sorte qu’ils peuvent gagner un salaire inférieur au salaire minimum. L’article IV-1 du contrat stipule que « [le travailleur consent à ce que l’employeur] remet[te] au représentant du gouvernement 25 % du salaire du travailleur […] ce dernier retiendra un pourcentage fixe de la remise […] pour compenser les frais administratifs liés à l’exécution du programme » (RHDSC, 2008b, en ligne).
-
[12]
Comme le soulignent les TUAC, « la responsabilité du gouvernement fédéral envers ces travailleurs semble s’articuler uniquement autour de l’émission de visas de travail temporaire » (TUAC, juin 2006, p. 7).
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[13]
Le gouvernement sent le besoin de préciser, sur son site web présentant le PTAS, que « [l]es employeurs N’ONT PAS le droit de confisquer et de retenir le passeport d’un travailleur […] » (RHDCC, en ligne (http://www.rhdcc.gc.ca/fra/competence/travailleurs_etrangers/ae_tet/ptas_ctet.shtml), consulté le 12 mars 2009, nos majuscules).
-
[14]
Les rapports de l’Institut Nord-Sud (2006), des TUAC (2006) et du Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (2008) révèlent aussi de nombreux problèmes à cet égard.
-
[15]
D’autres cas sont navrants : « Trois ouvriers agricoles migrants travaillant dans une ferme du Manitoba ont signalé que chaque matin leur employeur leur proposait du pain, le frottait contre ses parties génitales et exigeait que les travailleurs le mangent » (André Noël, La Presse, 8 novembre 2007, A23). Concernant les conditions de travail pénibles que doivent subir les travailleurs agricoles migrants, voir aussi Arsenault (2004), TUAC (juin 2006), TUAC (2007) et Hanley (2008).
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[16]
Citation tirée de 2010 QCCRT 0191. Dans le cas de l’assurance-emploi, parce qu’ils doivent quitter le pays dès que leur emploi se termine, les travailleurs migrants agricoles deviennent « non disponibles pour travailler » et ne peuvent recevoir de prestations.
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[17]
Sur les campagnes de syndicalisation des travailleurs migrants saisonniers et les contestations judiciaires en cours, voir Noiseux (2008, chapitre 5) et Arès et Noiseux (2008).
-
[18]
À ce sujet, voir le documentaire de Charles Latour, Los Mexicanos : Le combat de Patricia Perez (2007).
-
[19]
Sur le terrain, l’action du CATA prend diverses formes : accompagnement des travailleurs (banque, pharmacie, hôpital, etc.), animation de rencontres, préparation de documents de vulgarisation, à l’intention des travailleurs. Le CATA aide également les travailleurs au sujet de plaintes portées à la Commission des normes du travail, à la CSST, etc. Le syndicat finance le centre, mais il est autonome (Arsenault, 2004, p. 7). Le CATA et les TUAC militent aujourd’hui pour la mise en place d’un processus permettant aux travailleurs agricoles saisonniers (et à leurs familles) d’obtenir le statut d’immigrant après 24 mois de services accumulés au Canada ; pour la mise en place d’un processus d’appel transparent et impartial avant qu’une décision de rapatriement soit prise. Pour une liste plus complète et détaillée de ces revendications, voir TUAC (2006, p. 2-3) et (2007, p. 3-4).
-
[20]
L.O. 2002, c. 16. Cette loi accorde la liberté d’association et non la liberté de négociation collective aux travailleurs agricoles.
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[21]
(http://awa-ata.ca/fr/a-propos-de-travailleurs-agricoles-site-web-de-lalliance-awa/histoire-des-travailleurs-agricoles-au-canada/), consulté le 18 novembre 2011. Pour un aperçu plus large de ces contestations et des revendications du CATA, voir Noiseux (2008, chapitre 5).
-
[22]
2010 QCCRT 0191, le 16 avril 2010.
-
[23]
Cette disposition stipulant que « Les personnes employées à l’exploitation d’une ferme ne sont pas réputées être des salariés […] à moins qu’elles n’y soient ordinairement et continuellement employées au nombre minimal de trois » avait été adoptée en 1964 de manière à prémunir les petites fermes familiales contre la présence syndicale.
-
[24]
Le développement de partenariats à deux, entre l’État et l’entreprise privée, occultant le tripartisme de la période antérieure, est l’une des caractéristiques du passage à une politique néolibérale dans l’après-fordisme.
-
[25]
Nous reviendrons plus loin dans la section portant sur le « Projet pilote relatif aux professions exigeant un niveau réduit de formation ».
-
[26]
Sur l’historique de la présence des aides familiales au Canada, voir Arat-Koc (1997), Daenzen (1993) et Schecter (1998).
-
[27]
C’est également le cas pour ce qui est des travailleurs migrants dans le secteur agricole.
-
[28]
En 1997, 76,92 % des aides familiales inscrites au PAFR étaient Philippines (données de Citoyenneté Canada, citées dans Bals (1997, p. 194). À notre connaissance, il n’existe pas de données plus récentes).
-
[29]
« Les aides familiales sont invisibles et isolées. On ne sait ni où elles travaillent ni combien elles sont, parce que leurs employeurs ne sont pas obligés de s’enregistrer publiquement […] » (AAFQ, site web de l’AAFQ (http://www.aafq.ca/qui.html), consulté le 4 février 2009).
-
[30]
À notre connaissance, ni des données permettant de mesurer l’évolution historique, ni des données plus récentes ne sont disponibles. Plus de 95 % des aides familiales sont des femmes (AAFQ, 2009, p. 1).
-
[31]
RHDSC, en ligne (http://www.rhdcc.gc.ca/fra/competence/travailleurs_etrangers/ae_tet/ptas_ctet.shtml), consulté le 15 juillet 2010.
-
[32]
« Les aides familiaux étrangers doivent avoir : 1) l’équivalent d’un diplôme canadien d’école secondaire ; 2) une formation à temps plein de 6 mois ou 12 mois d’expérience liée directement aux fonctions énoncées dans l’offre d’emploi ; 3) la capacité de lire, de comprendre et de parler le français ou l’anglais avec suffisamment d’aisance pour communiquer efficacement dans un cadre non supervisé ; 4) la capacité de travailler de façon autonome et sans supervision » (RHDSC, juillet 2008, p. 3).
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[33]
Le récent Rapport du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes reconnaît d’ailleurs cette lacune et recommande de prévoir « la possibilité de prolonger d’un an la période de trois ans au cours de laquelle un aide familial résidant doit effectuer 24 mois de travail pour être en mesure de présenter une demande de résidence permanente, si cette personne avait une bonne raison de ne pas satisfaire aux exigences d’emploi dans le délai requis de trois ans » (2009, p. 12-13).
-
[34]
L.Q. 2003, c. 13.
-
[35]
Cette exclusion n’est pas sans conséquence puisque les aides familiales travaillent parfois entre 15 et 20 heures par jour (AAFQ, 2009, p. 2).
-
[36]
La travailleuse doit entreprendre des démarches particulières et obtenir un jugement favorable de Revenu Canada pour y avoir accès (AAFQ, 2008, p. 6). Pour les aides familiales embauchées dans le cadre du PAFR, la situation est encore plus difficile : « L’aide familiale doit démontrer sa disponibilité à travailler malgré les restrictions du permis de travail nominatif [et] doit fournir un document de Citoyenneté et Immigration Canada pour prouver qu’elle peut se trouver un autre employeur » (AAFQ, 2008, p. 6).
-
[37]
Depuis avril 2010, les employeurs doivent désormais assumer les frais de l’assurance-santé des travailleuses embauchées dans le cadre du PAFR, ils doivent aussi assumer eux-mêmes les frais exigés par les agences de placement, assumer les frais de déplacement. Le programme exige désormais un contrat de travail en bonne et due forme (Gouvernement du Canada, 2010b). Il est toutefois trop tôt pour évaluer l’impact de ces nouvelles mesures.
-
[38]
L’obligation de demeurer dans la résidence de l’employeur accentue cet isolement.
-
[39]
Ces agences peuvent demander, pour satisfaire au PAFR, des sommes pouvant aller de 2 000 $ à 10 000 $ (AAFQ, 2008, p. 7-8). Sur les conditions de travail des femmes embauchées dans le cadre du PAFR, voir le documentaire « Canada : à vendre » réalisé par Geoff Bowie (2007).
-
[40]
En 2002, après plus d’un quart de siècle de lutte, malgré de nombreuses représentations auprès des différents paliers de gouvernement (présentation de mémoires dénonçant le PEME puis le PAFR, manifestations, représentations auprès des Nations Unies dénonçant le fait que les modalités du PAFR contrevenaient à la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes), l’AAFQ ne pouvait que constater qu’elle était toujours à la « case départ » (AAFQ, 2002, p. 1). L’AAFQ revendique aujourd’hui : 1) des mécanismes de vérification et de contrôle des employeurs de façon à les empêcher de se soustraire à leurs obligations ; 2) la mise en place de mesures protectrices pour les travailleuses victimes de la traite ; 3) la mise en place de ressources psychosociales et financières ; 4) une entente entre le gouvernement du Québec et celui du Canada pour éviter la déportation des aides familiales victimes du trafic ; 5) un statut particulier par les services d’immigration ; 6) la possibilité pour les travailleuses embauchées dans le cadre du PAFR de poursuivre leurs employeurs indépendamment de leur statut d’immigrante ; 7) l’abolition du Programme des aides familiaux résidents et la reconnaissance d’un statut de travailleuses spécialisées avec résidence permanente dès leur arrivée au Canada ; 8) l’inscription automatique des aides familiales auprès de la CSST. Sur les luttes collectives menées par les aides familiales, voir Noiseux (2008, chapitre 5).
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[41]
Techniquement, cela correspond aux niveaux C et D de la Classification Nationale des Professions (CNP), c’est-à-dire que le niveau de formation est « de un à quatre ans d’études secondaires et/ou jusqu’à deux ans de formation en cours d’emplois » (niveau C) ou aucune scolarité spécifique (niveau D) (Gouvernement du Canada, 2004).
-
[42]
En 2001, le gouvernement fédéral avait aussi mis en place un projet pilote, calqué sur le PTAS, visant à répondre à une grave pénurie de main-d’oeuvre qualifiée dans l’industrie ontarienne de la construction.
-
[43]
À ce sujet, voir aussi Jannard et Crépeau (2009).
-
[44]
Alberta Federation of Labour, (www.afl.org/upload/tfwabackground.pdf, consulté le 14 juillet 2010).
-
[45]
Voir aussi AFL (2007).
-
[46]
Pour plus de détail, voir AFL, (www.afl.org/campaigns-issues/tempworker/backgrnd.cfm), consulté le 16 juillet 2010.
-
[47]
Voir Noiseux (2008, p. 223 et 797).
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[48]
Négociations qui se déroulaient dans trois usines différentes (St-Simon, St-Valérien-de-Milton, Vallée-Jonction) divisant les travailleurs, crise de l’industrie porcine au Canada et au Québec, conflit au même moment aux usines d’abattage Atrahan de Yamachiche, etc. Sur ces conflits, voir le dossier sur Olymel de la CSN, en ligne (www.csn.qc.ca/Connaitre/Federations/Commerce/olymel.html), consulté le 17 juillet 2007.
-
[49]
Les travailleurs de l’usine de Vallée-Jonction, aussi menacée de fermeture, ont pour leur part accepté de fortes réductions de salaire (30 %) en février 2007 (Noiseux, 2008, p. 797).
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[50]
Notons enfin que les employeurs du secteur de la transformation des viandes et des volailles, dont Olymel est un membre important, réclament l’extension de ces programmes au Québec (Groupe AGECO, 2004, p. 128).
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[51]
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