Comptes rendus

Jean-François Pelletier, Myra Piat, Sonia Côté et Henri Dorvil (dirs), Hébergement, logement et rétablissement en santé mentale. Pourquoi et comment faire évoluer les pratiques ?, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2009, 166 p.[Record]

  • Louise Blais

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Depuis quelques années, le rétablissement se présente, au Québec et ailleurs (dans le monde anglo-saxon ?), comme orientation à privilégier dans l’organisation des services et les pratiques d’intervention dans le champ de la « santé mentale ». Pour le lecteur non initié, et de manière abusivement succincte au vu de l’abondante littérature sur ce thème, le rétablissement est le plus récent avatar de la désinstitutionnalisation psychiatrique. Le rétablissement se veut une approche, une philosophie, un programme, une politique, une pratique s’adressant aux personnes psychiatrisées et aux divers intervenants, professionnels ou non, qui les côtoient dans les milieux communautaires, hospitaliers ou administratifs. Parmi les principes du rétablissement – soutien dans la communauté, autonomisation de l’individu, empowerment, participation citoyenne, etc., etc., – l’habitation est, sans jeu de mots, la pierre angulaire. Et pour cause, l’habitation, au sens générique du terme, signifiant ce lieu d’intimité vitale, ce chez-soi où l’on pose la tête pour prendre pied dans la vie et la société. Cela vaut pour tout le monde, les personnes ayant des diagnostics psychiatriques comprises. Conjuguées à la pauvreté parfois extrême des personnes psychiatrisées, déjà fragilisées sur les plans personnel et social, la faiblesse, voire l’inexistence, de politiques de logement social, le manque d’habitats abordables, flexibles ou adaptés à des situations spéciales les ont trop souvent plongées dans des taudis, quand ce n’est la rue, et dans l’isolement pathogène de la mise à l’écart sociale. L’ouvrage présenté ici discute précisément de l’habitation comme élément incontournable de toute politique et pratique du rétablissement. Il s’agit d’actes d’un colloque tenu en 2008 réunissant chercheurs, intervenants et usagers des milieux de la santé mentale ou communautaires, ou encore des services municipaux au Québec, en Ontario, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Les communications présentées dans ce volume rendent compte d’expériences, projets et défis, d’échecs et réussites, parfois bien différents les uns des autres, mais pas toujours. Les réalités des personnes souffrant de troubles mentaux sont bien différentes, c’est une évidence. Elles sont plus ou moins « autonomes » ou « dépendantes », plus ou moins à l’aise dans l’organisation de la quotidienneté et de la vie « en société ». Et surtout, pour la plupart, elles viv(ot)ent de l’aide sociale, ce qui réduit radicalement les choix sur le « marché » de l’habitation. Les contributions à ce volume témoignent de perspectives différentes concernant le type d’habitation et le degré ou la nature du « soutien dans la communauté », différences liées au contexte politique, social et économique dans lequel évolue chaque participant. Néanmoins, le lecteur non spécialisé retiendra que l’habitation, dans la perspective d’une politique du rétablissement, signifie autant les foyers de groupes avec intervenants sur place et les foyers d’accueil en milieu familial, que les appartements supervisés, les appartements subventionnés, les HLM ou les coopératives. Dans certains contextes, comme l’Ontario par exemple, des ententes financières sont établies avec des propriétaires de logements désignés qui permettent à un individu de maintenir son appartement entre périodes d’hospitalisation. En Angleterre, Shulamit Ramon note que la fermeture des hôpitaux psychiatriques a coïncidé avec l’arrivée au pouvoir de Mme Thatcher et le début des politiques néolibérales qui effectuaient des coupes à blanc dans les services publics : santé, services sociaux, transports en commun, éducation – et le public housing. Des coopératives (coops) ont été créées par les municipalités pour pallier les coupures des logements publics. En Angleterre, on exige des coops qu’elles aient un quota pour des personnes ayant des incapacités de divers ordres. On vise ainsi une mixité de la population et on favorise les projets collectifs – jardins communautaires, aide aux travaux scolaires, sorties culturelles, visites médicales, …