Comptes rendus

Mario Bédard (dir.), Le paysage : un projet politique, Sillery, Presses de l’Université du Québec, 2009, 330 p.[Record]

  • Caroline Desbiens

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  • Caroline Desbiens
    Professeure agrégée, Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en géographie historique du Nord,Université Laval.
    caroline.desbiens@ggr.ulaval.ca

Ce recueil de textes, paru dans la collection « Géographie contemporaine » dirigée par Juan-Luis Klein aux Presses de l’Université du Québec, est issu des « Entretiens Jacques-Cartier » qui se sont tenus à Lyon en décembre 2007. Sous la direction de Mario Bédard, les différents textes réunis ici dialoguent autour de la notion de paysage, concept aussi riche que complexe et, à l’heure de la mondialisation et des préoccupations environnementales, plus que jamais d’actualité. Une vingtaine d’auteurs provenant de différents horizons disciplinaires partagent le souci de comprendre, à travers diverses grilles de lecture, ce que Mario Bédard identifie à juste titre comme une « demande sociale de paysage, qu’il s’agisse de conserver des territoires façonnés par l’histoire, de protéger des ressources naturelles ou de valoriser les potentiels enfouis de lieux en déshérence » (p. 2). Afin de saisir le rôle et la portée du paysage au sein des enjeux de société contemporains, la réflexion s’articule autour des différentes facettes du politique. Après une introduction générale de Mario Bédard, les textes sont divisés en quatre parties : soit la production de références fondatrices des imaginaires paysagers, la place de l’humain dans la production des paysages, les enjeux et limites du projet de paysage et, finalement, la question des politiques, du droit et de la gestion du paysage. Cette organisation établit les bases philosophiques du fait paysager en tant que relation à l’environnement et manière d’habiter la terre pour ensuite aborder ses aspects plus empiriques, ceci par une discussion des défis et des pratiques de gestion qui y sont liés. Le large éventail des regards posés sur le phénomène paysager représente la force majeure de ce recueil. Le paysage : un projet politique constitue un ouvrage de synthèse de haute qualité et on serait en mal d’identifier un aspect important de la question ayant été laissé pour compte. S’il faut toutefois souligner un élément qui aurait mérité plus d’attention, ce serait celui de la définition du politique. Autant que le paysage, la notion de politique rejoint un vaste champ sémantique de même qu’une multitude de pratiques : l’art de gouverner, l’organisation des pouvoirs, les affaires publiques, l’action citoyenne, les relations internationales, la sécurité intérieure et même les idéaux de justice, d’équité et de participation. Les textes réunis procèdent de différentes définitions du politique, qui auraient pu être annoncées en introduction. Également, la mise en lien avec les analyses anglo-saxonnes aurait pu aider à mieux camper la notion de politique : des auteurs tels que Denis Cosgrove, Don Mitchell, Gillian Rose ou Peter Jackson, pour ne nommer que ceux-là, ont exploré ce qu’ils dénomment the politics of landscape, c’est-à-dire, les rapports de classe et d’identité (genre, race) qui se jouent à travers différentes représentations paysagères. L’exploration du paysage en tant que projet politique dans ce recueil déploie une conception beaucoup plus large du politique et, au contraire des analyses anglo-saxonnes qui s’inscrivent dans le courant de la « nouvelle » géographie culturelle, ne s’intéresse pas spécifiquement aux « politiques » du paysage. Bref, il aurait été bénéfique d’indiquer plus précisément la portée du politique puisque le concept s’avère tout aussi central que celui de paysage pour cet ouvrage. Au final, il demeure que ce livre se démarque parmi les nombreux ouvrages publiés récemment sur le thème du paysage. Un équilibre remarquable est atteint entre la diversité des perspectives et la synthèse d’idées extrêmement complexes. Cet ouvrage a su aborder le paysage à travers l’éventail des domaines qui s’y intéressent sans aucunement en diluer la pertinence en tant qu’outil d’action réfléchie autant au niveau de la culture, de l’histoire et de l’identité …