Comptes rendus

Marc Robitaille, Le Québec au temps du baby-boom 1950-1959, Québec, Les Éditions GID, 2010, 351 p.[Record]

  • Simon Langlois

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Les recherches sociographiques et historiques ont montré que la société québécoise avait profondément changé lorsque débuta officiellement la modernisation des institutions associée à la Révolution tranquille, après le décès de Maurice Duplessis en 1959. L’après-guerre 1939-1945 est en effet caractérisé au Québec par ce que nous avons appelé ailleurs le décalage entre les genres de vie d’un côté – les moeurs, les manières de vivre, la vie quotidienne, l’urbanisation, etc. – et les institutions et les normes sociales dominantes, de l’autre. Les Québécoises avaient alors largement commencé à limiter le nombre de naissances, l’urbanisation s’accélérait avec le développement des banlieues, la radio d’abord, puis la télévision ouvraient les fenêtres sur le monde, les emplois de cols blancs augmentaient en nombre et la société de consommation s’implantait partout, à la campagne comme à la ville. L’enquête de Marc-Adélard Tremblay et Gérald Fortin, Les comportements économiques de la famille salariée au Québec (1964), a bien montré que la société québécoise de l’époque n’était plus « la société traditionnelle » que certains dépeignaient encore dans leurs écrits et dans les romans du terroir (mais l’avait-elle déjà été ?) et qu’elle était déjà bien de son temps, engagée dans le fordisme mais aux prises avec un cadre législatif dépassé. L’ouvrage de Marc Robitaille propose un portrait des années 1950-1959 – avant le début officiel et le plus communément admis de la Révolution tranquille – décrivant en détails la vie familiale, l’éducation et la santé vécues au quotidien, la vie économique, la vie religieuse, les loisirs et les vacances ainsi que la vie culturelle et les médias de la société québécoise, qui apparaît alors, avec le support d’une riche iconographie, en pleine ébullition. On ne cherchera pas dans cet ouvrage, à visée d’abord descriptive, d’interprétation historique ni d’exploration de thèses sociologiques, car il offre plutôt le portrait – bien réussi, il faut le souligner – de toute une époque. L’accent est mis sur l’avènement de la société de consommation marchande et son impact sur les modes de vie, mais de nombreuses allusions sont faites aux valeurs et aux normes sociales de ce temps, alors que la pratique religieuse catholique était encore élevée, que le divorce n’était pas encore légalisé, que les femmes étaient considérées comme mineures sur le plan légal, que « les pères ne poussaient pas un carrosse de bébé dans la rue », que le port de la ceinture en auto était inconnu et que les enfants « illégitimes » étaient confiés en adoption. L’ouvrage décrit minutieusement l’arrivée des principaux biens de consommation durables – auto, équipements ménagers, équipements de loisir, premiers appareils de divertissement – mais aussi celle des biens de consommation les plus courants, alors nouveaux, comme les boîtes de « kleenex », les tampons « tampax » ou les produits de soins personnels Avon. Défile ainsi d’un chapitre à l’autre la présentation détaillée de tout ce qui était alors considéré comme des marques de progrès. La vie matérielle à l’hôpital et à l’école n’est pas oubliée, avec la description du quotidien des malades et des élèves, sans oublier la vie de pensionnaire dans les 45 collèges classiques pour jeunes hommes et les 16 collèges pour jeunes filles (ce qui rappellera des souvenirs plus ou moins heureux aux lecteurs âgés de plus de 55 ans, comme l’assistance obligatoire à la messe du matin, après une brève période d’étude en salle commune, le tout avant le petit déjeuner…). Reflet de la division du travail caractéristique de l’époque, le Québec comptait alors 66 écoles normales pour filles et 6 seulement pour les garçons, nombre auquel il faut cependant ajouter 14 scolasticats pour la …