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Cet ouvrage volumineux et à l’imprimé petit, fruit de la collaboration de 76 auteurs, constitue une sorte « d’encyclopédie » de la sexualité humaine telle qu’elle se manifeste et est étudiée au Québec. Son objectif est de « dresser un état des lieux [du champ de recherche sexologique] en privilégiant une perspective thématique et empirique qui s’appuie essentiellement sur les apports en sciences sociales à la sexualité liée au contexte québécois » (p. 7) et, à notre avis, il y parvient plutôt bien. Soixante-sept thèmes sont abordés sous un ou plusieurs angles différents. Tout dépendant du thème en question, le texte offre des données de recherches (mentionnons, au hasard : « Conduites sexuelles », « Ethnicité », « Homoparentalité », « Violence et relations amoureuses à l’adolescence »), un aperçu historique (« Censure au cinéma », « Première relation sexuelle ») ou encore, une réflexion sur la problématique abordée telle qu’elle se présente au Québec (« Éducation et enseignement », « Politique »). D’autres textes présentent essentiellement des concepts (« Intimité », « Passion amoureuse »), des modèles d’intervention clinique face à un problème particulier (« Agresseurs », « Douleurs chroniques »), des approches cliniques en sexologie (« Sexoanalyse », « Sexocorporel »), ou encore des programmes d’intervention sur un problème spécifique (« Grossesse adolescente », « Handicap intellectuel »). En outre, des textes ont été dédiés aux activités universitaires en sexologie (« Revues », « Élysa »). Par ailleurs, quelques thèmes touchant à des aspects plus médicaux sont également abordés, mais dans une dominante sociologique, psychologique et sexologique (« Lésions médullaires », « Gérontosexologie médicale »).

Il est à noter que la très grande majorité des textes proposent des pistes de recherche et présentent une abondante liste de références bibliographiques, ce qui constitue d’excellents points de départ pour le chercheur ou l’étudiant souhaitant démarrer une réflexion ou une recherche. De plus, le livre fournit un index permettant de retracer des informations spécifiques ou des concepts à travers les différents thèmes abordés (« amour », « contrôle social », « pratiques sexuelles »). Résumer une problématique en quelques pages n’est pas toujours tâche facile. Certains écrits y réussissent très bien, sont d’une lecture fluide et présentent vraisemblablement l’ensemble des éléments les plus pertinents quant au thème étudié (« Imaginaire », « Romans jeunesse », « Religion »). Par contre, d’autres textes sont plus lourds, surtout lorsqu’ils présentent essentiellement des données de recherche quantitative (« Drogues », « Marquages corporels ») ou lorsqu’ils tentent de définir des concepts plus théoriques (« Scénarios sexuels »). Parfois, la tentative de résumer une situation fort complexe produit un texte confus. C’est le cas, par exemple, de la présentation des féminismes et de leurs actions politiques dans le texte « Politique ».

De façon générale, les textes sont tout à fait représentatifs des tendances québécoises actuelles quant à la problématisation des différentes manifestations de la sexualité humaine et aux préoccupations qui lui sont liées. Il est difficile de les nommer toutes ici et nous ne nous attarderons seulement que sur deux d’entre elles, assez typiques, croyons-nous, de la recherche et de la théorisation en matière de sexualité au Québec. Tout d’abord, l’utilisation de l’analyse et de concepts féministes – comme ceux de l’hétérosexualité normative et obligatoire, de l’hypersexualisation des jeunes filles, de la réduction des femmes à des objets sexuels, et des stéréotypes de rôles sexuels – se retrace dans plusieurs textes (« Littérature et érotisme », « Médias »), fidèles en cela aux représentations dominantes ayant cours dans les discours universitaires quant à la sexualité féminine et à la sexualité masculine. Ensuite, le thème de l’homosexualité revient très souvent, signe de l’ouverture qui s’est faite à celle-ci, mais également de la somme phénoménale de recherches qui se sont réalisées à son sujet par suite de revendications des homosexuels pour une reconnaissance de la légitimité de cette orientation sexuelle. Ainsi, non seulement l’homosexualité a-t-elle ses textes spécifiques (« Homoparentalité », « Lesbianisme », « Village gai ») mais elle apparaît également dans plusieurs autres contributions. Parfois, elle prend sa place parmi plusieurs sous-thèmes (« Éthique », « Prévention : VIH/sida, ITS et sexualité »). Dans d’autres cas, toutefois, les enjeux propres à l’homosexualité occupent la plus grande part du texte alors que le titre du thème ne l’annonçait pas et appellerait également une discussion des dynamiques propres aux hétérosexuels (« Lieux de rencontre », « Internet »).

Des thèmes très controversés n’ont été traités que d’un point de vue. C’est le cas des textes « Prostitution » et « Pornographie », lesquels ont d’ailleurs tous deux été produits par le même auteur, connu pour ses écrits abolitionnistes. Et c’est aussi le cas des textes « Hormonothérapie substitutive » et « Ménopause », textes se prononçant contre la gestion médicale de la ménopause et dont deux des auteures des équipes de rédaction sont les mêmes. Il aurait été préférable, ici, de présenter des textes des deux camps adverses afin de donner la possibilité au lecteur de recevoir les arguments soutenus par chacun et de « choisir » ensuite ce qui lui semble le plus juste et pertinent. Des textes provenant de chercheurs se positionnant contre la criminalisation de la prostitution et de la pornographie, ainsi que d’auteurs en faveur de l’hormonothérapie substitutive auraient donc été les bienvenus. Outre ces quelques remarques, Questions de sexualité au Québec constitue une publication intéressante et pouvant se révéler fort utile aux étudiants tout comme aux chercheurs. Car, d’une part, cet ouvrage offre un panorama très vaste, même s’il n’est pas exhaustif, des représentations, valeurs, attitudes et comportements des Québécois d’hier et d’aujourd’hui, propose de nouvelles pistes de réflexion et de recherche pour des travaux à venir.