Ce livre réunit un ensemble de textes rédigés par Zilá Bernd, de l’Université fédérale de Rio do Sul (Brésil), entre 2002 et 2008 sur les thématiques de l’américanité, des passages transculturels dans les Amériques et des figurations mythiques qui peuplent les imaginaires collectifs américains. Les analyses de Bernd portent principalement sur des oeuvres et des auteurs (surtout des écrivains) québécois et brésiliens. Ce livre est un bilan des réalisations de recherche de cette chercheure et des membres de différents groupes qui travaillent sur ces thèmes depuis trente ans. Dans sa présentation, elle retrace les principales rencontres qui ont structuré les interrogations et les recherches, de la première rencontre marquante avec Maximilien Laroche, de l’Université Laval, en 1980 jusqu’aux rencontres subséquentes avec des chercheurs d’autres institutions, notamment de l’Université du Québec à Montréal. L’ouvrage comprend trois parties : la première porte sur les principaux concepts, la deuxième, sur une partie du corpus empirique au centre du programme de recherche, ce qu’elle appelle les lectures transversales des littératures des Amériques, alors que la troisième partie met en évidence les principaux mythes « américains » dégagés des analyses. Après avoir expliqué pourquoi le concept de transculturation est plus fécond pour l’analyse de la condition postmoderne que ceux d’interculturalisme et de multiculturalisme, plus statiques, l’auteure engage la discussion sur le concept d’américanité. Elle rappelle d’abord que les Brésiliens s’identifiaient comme Américains à l’origine et qu’ils ont progressivement adopté l’appellation Brésil. Dans les années 1920, ils ont cependant renoué avec cette idée d’américanité, notamment dans le Manifeste anthropophage publié en 1927. Dans ce Mouvement anthropophage, on « préconise […] la liberté de choix (on doit pouvoir choisir ce qu’on va absorber), l’absorption, la digestion et la transformation des éléments culturels européens, mais également de ceux du patrimoine culturel indigène et africain, pour en faire ensuite une synthèse (qui reste pourtant inachevée) ». En Amérique du Sud, c’est sous le vocable d’americanidad que cette idée se manifesta. Nous retrouvons plus tardivement celle-ci au Québec, dans les années 1970. Elle consiste surtout à « reconnaître que l’héritage européen n’a pas été exclusif et qu’il y a des lieux de mémoire incontournables ayant trait aux vécus américains » (p. 26). Un des auteurs de référence est Gérard Bouchard et son livre Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde (2000). Par ailleurs, Bernd présente le Refus global de Paul Borduas comme l’équivalent québécois du Manifeste anthropophage au sens où, comme au Brésil, « il a déclenché une rébellion aux conséquences imprévisibles contre l’hypocrisie, la répression, l’intolérance et l’obéissance servile à des modèles sclérosés » (p. 34). Bernd définit le concept d’américanité qui caractérise la postmodernité des Amériques comme « la reconnaissance des cultures des Amériques et leur capacité d’hybridation et d’acceptation du Divers dans une harmonie polyphonique » (p. 25). Cette approche théorique s’oppose au modèle de la continuité culturelle (européenne) qui a prévalu trop longtemps dans les Amériques. Le dialogue interculturel entrepris entre le Québec et le Brésil à travers ses études comparatives a permis de structurer des champs d’études où l’apport de « la réflexion canadienne et québécoise est devenu incontournable » (p. 42). L'auteure souligne notamment la bilatéralité et la symétrie des échanges entre chercheurs du nord et du sud contrairement à la relation que les Brésiliens ont, ou avaient, avec leurs collègues français et britanniques. Ces champs d’études sont « a) les questions relatives à l’identitaire et ses relations avec le national et le littéraire ; b) les thèmes liés aux migrations et aux transferts culturels ; c) les imaginaires collectifs des communautés neuves ; d) tout ce qui a trait à l’inter-, …
Zilà Bernd, Américanité et mobilités transculturelles, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, 166 p.[Record]
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Jean-Pierre Dupuis
Service de l’enseignement du management,
HEC Montréal.
jean-pierre.dupuis@hec.ca