Cet ouvrage répond à un besoin devenu évident, dans le cadre de la désormais tristement célèbre crise des accommodements raisonnables : celui d’informations claires et précises sur la réalité sociologique, politique et institutionnelle de la coexistence entre les religions au Québec. En effet, les analyses colligées par Paul Eid et ses collègues ont le mérite de préciser, avec moult détails, plusieurs dimensions de la tension entre citoyenneté et appartenance religieuse. L’ouvrage se distingue également par son pluralisme disciplinaire ; le droit, la sociologie, la théorie politique et la philosophie, l’éducation et la science des religions y entretiennent un dialogue fécond. On notera également qu’il est le résultat d’un concours de rédaction d’articles scientifiques mis en place en 2006 par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec. Cette genèse originale a comme effet de mettre de l’avant des contributions de chercheurs à différents stades de leur carrière et qui exercent leurs connaissances dans divers contextes institutionnels. La deuxième partie de l’ouvrage, portant sur « la religion et les exigences de la vie en société », s’ouvre par un texte de Pierre Bosset sur les possibles tensions entre l’égalité des genres et les pratiques d’accommodements raisonnables. Louis-Philippe Lampron explore également la rencontre des revendications basées sur les convictions religieuses et l’impératif d’égalité des genres, en soutenant l’existence d’un certain flou juridique et d’un manque de cohérence du droit canadien et québécois. Ces survols de l’état du droit sont associés à un texte de Paul Sercia, qui fait un bilan de la performance des écoles religieuses et ethnospécifiques en matière d’intégration et d’appartenance. Un autre chapitre de nature empirique dresse un portrait quantitatif de l’intensité de la religiosité chez les Canadiens et les Québécois. En plus de débouter un nombre important de présupposés sur la ferveur religieuse souvent attribuée à certaines religions et aux groupes issus de l’immigration, l’analyse de Paul Eid a aussi comme intérêt de montrer, chiffres à l’appui, que les demandes d’accommodements sont « loin d’être associé[es] exclusivement à des religions minoritaires et à l’immigration » (p. 318). La troisième section étudie les tensions entre l’exercice de la citoyenneté et les religions. Jocelyn Maclure y propose une réflexion sur la compatibilité entre les accommodements raisonnables et l’idéal d’équité en soutenant une conception libérale subjectiviste. On retiendra la discussion sur la distinction entre les évaluations fortes et les préférences individuelles ainsi que l’utile retour sur les fondations de la notion d’accommodement dans la théorie libérale. Vient ensuite un texte de Marco Jean qui s’intéresse à la place que peut prendre la religion dans le cadre de la démocratie délibérative. L’auteur s’inspire des propositions de Ferrey pour concevoir la compatibilité possible des arguments issus de la religion des participants à une délibération politique, dans le cadre de procédures communicationnelles définies. Stéphanie Tremblay clôt l’ouvrage en explorant les principes qui encadrent le pluralisme religieux dans les écoles publiques du Québec. D’intérêt est alors la rencontre de l’expression de cette diversité religieuse avec les multiples missions des écoles, et les efforts de Tremblay pour définir les principes de la reconnaissance religieuse tout comme de la laïcité. On ne peut que féliciter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse d’avoir permis la réalisation de cet ouvrage. Des connaissances centrales y sont regroupées et des analyses pertinentes permettent de jeter un regard éclairé sur les problèmes étudiés. L’état du droit québécois et canadien en matière de liberté de religion, d’accommodements et d’égalité des genres y est amplement recensé. On apprécie particulièrement les chapitres à caractère empirique qui sont d’une efficacité redoutable pour …
Paul Eid, Pierre Bosset, Micheline Milot et Sébastien Lebel-Grenier (dirs), Appartenances religieuses, appartenance citoyenne. Un équilibre en tension, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, 425 p.[Record]
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Mireille Paquet
Candidate au doctorat,
Département de science politique,
Université de Montréal.
mireille.paquet@umontreal