Comptes rendus

Caroline Andrew, Ruth Hubbard et Jeffrey Roy (dirs), Gilles Paquet. Homo hereticus, Ottawa, University of Ottawa Press, 2009. (Governance.)[Record]

  • Simon Langlois

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Né à Québec en 1936 – « au pied de la pente douce », rappelle-t-il en privé –, diplômé de l’Université Laval et de Queen’s University, Gilles Paquet a oeuvré quarante-cinq ans à l’Université d’Ottawa comme professeur et doyen de faculté, mais il a oeuvré aussi sur la scène publique comme intellectuel activement engagé dans les affaires québécoises et canadiennes, sans oublier ses incursions dans les médias. Ses collègues et amis viennent de lui offrir, selon une coutume bien établie en milieu universitaire, un livre d’hommages, un Festschrift auquel ont collaboré une trentaine de personnes de divers horizons, témoignant de l’importance de l’oeuvre de Paquet et de ses contributions à la cité, autant scientifiques que critiques. L’ouvrage réunit des témoignages sur l’homme et le collègue, ainsi que des contributions sur le Canada et le Québec prolongeant les perspectives ouvertes par les travaux de Paquet. Le portrait de l’homme transparaît à travers les nombreux témoignages de ses amis, collaborateurs et collègues, dont plusieurs adoptent le ton humoristique caractéristique de Paquet, qui savait manier le verbe plus que tout autre – en français, nous le savions déjà, mais aussi en anglais apprend-on de ses collègues anglophones. Retenons quelques traits qui décrivent Gilles Paquet, « cet admirable contestataire » (P. Fortin). Ruth Hubbard insiste sur son grand talent de communicateur, tant à l’écrit qu’à l’oral, et elle souligne qu’il a toujours tenu à établir des liens entre le monde académique et le monde des politiques publiques. Elle ajoute : « Paquet describes himself as ‘homo hereticus’, someone who is always critical and sometimes controversial, and whose standard advice is to ‘scheme virtuously’ » (p. 8). John Meisel le décrit comme « national figure, professional giant, and public intellectual » et il insiste sur ses qualités de coeur, sa chaleur et sa disponibilité en privé, des qualités que ceux qui l’ont côtoyé reconnaîtront d’emblée. Thomas Courchesne parle de lui comme d’un « superb communicator and interpreter of Canadian policy and practices ». Le témoignage de Jean-Pierre Wallot revêt une importance particulière, car il fut le principal collaborateur de Paquet-historien, co-auteur de Patronage et pouvoir dans le Bas-Canada (1973) et de Un Québec moderne 1760-1840 (2007). Wallot, issu de « l’école historique de Montréal », à l’époque connue pour son nationalisme canadien-français (Séguin, Brunet, Frégault) et Paquet, marqué par « l’école historique de Québec », moins ouvertement nationaliste, et en particulier par Albert Faucher dont le nom est souvent rappelé dans ce livre, ont produit ensemble plus de cinquante contributions sur l’histoire socioéconomique du Québec actuel (l’ancien Bas-Canada), dont certaines ont été rassemblées en livre au terme de quarante ans de collaboration (Un Québec moderne, recensé dans le précédent numéro de cette revue). Le portrait que Wallot trace de son ami et collaborateur aidera à comprendre le sens du sous-titre de ce liber amicorum. « Gilles Paquet est une personne d’une très grande qualité, d’une intelligence aiguisée, d’une vivacité sans pareille, qui aime d’ailleurs (parfois) les combats pour eux-mêmes ou s’affiche spontanément ‘chef de l’opposition’ pour nous acculer dans nos derniers retranchements » (p. 85). Économiste patenté, Gilles Paquet est à l’aise chez les sociologues et les politologues autant que chez les historiens et les administrateurs. L’un des traits typiques de son oeuvre est d’avoir emprunté à une discipline pour en nourrir une autre. Il a écrit avoir retenu de Caillois (lu dans ses années de formation) cette idée que « le génie consiste presque toujours à emprunter ailleurs une méthode éprouvée ou une hypothèse fertile et à les appliquer là où personne encore n’avait imaginé qu’elles pouvaient l’être » (Caillois, cité …