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Un compte rendu de photographies dans une revue scientifique et vouée à la sociographie de la société québécoise, cela provoquera peut-être quelque surprise, voire un débat. Nous ne nous engagerons pas sur la voie de quelque explication ou justification que ce soit. Voyons plutôt ce que les auteurs donnent à voir et comment.
Une histoire du Québec en photos est le fruit d’un projet personnel d’Hélène-Andrée Bizier, historienne. Elle ne dit pas explicitement comment l’idée lui en est venue, mais on peut l’imaginer à lire la présentation qu’elle fait de son livre : « Cet ouvrage a été conçu comme un livre d’images, des images qui racontent une histoire, celle des Québécois de la fin du XIXe siècle et de tout le XXe. Des Québécois tels que du moins ils apparaissent dans la vie quotidienne, saisis par la photographie » (p. 6). Peu de « célébrités », surtout des gens qui ne sont pas passés à l’histoire (p. 6). Un photographe a fixé un moment de leur vie, au coeur d’un événement, en un temps donné. Pour l’historienne ils deviennent témoins tristes, heureux, fiers de cet événement, révélateurs d’une atmosphère. « La forte présence des gens, de leur visage, de leur silhouette, a chaque fois justifié la sélection des photos, dit-elle. Peu de bâtiments, de monuments, parfois, seulement pour « rendre compte d’une page d’histoire » (p. 6).
Le titre de chacune des huit sections manifeste bien cette préoccupation de l’auteure : Les années de transition (1899-1910) ; La marche vers le progrès (1910-1920) ; Au féminin (1920-1930) ; Toutes les noirceurs ! (1930-1945) ; Les temps changent (1945-1960) ; Une révolution tranquille ? (1960-1980) ; Pour un oui, pour un non (1980-2000) ; Le XXIe siècle (2000-2006). Madame Bizier présente brièvement chaque période et les moments importants à l’intérieur de chacune. Elle rappelle les événements caractéristiques, les commente, identifie les personnages clés, évoque l’atmosphère du temps et ses variations. À chaque photo, dans quelques cas simplement un nom et une date, parfois des informations supplémentaires sur les acteurs ou les événements, très souvent des commentaires s’ajoutent à plus ou moins d’informations. Le lecteur n’est jamais laissé seul.
1967, le Québec entre deux mondes, photographies de Jean Rey est d’une autre facture, se présente autrement. À l’origine, des photos d’un jeune photographe en mission pour une agence parisienne qui « arrive à Montréal et découvre pour la première fois le Québec » (p. 7). L’Expo et la visite de de Gaulle seront évidemment objets de multiples photos, mais ses engagements lui laissent du temps libre, il fait « des piges pour des magazines montréalais » et « entreprend[s] … un travail personnel sur la ville de Montréal, essentiellement en noir et blanc, sans autre ambition que d’assouvir cette soif de la photo-comme-je-respire » (p. 8). En 2003, il revient à Montréal, prend conscience « de l’importance des années 1960 et en particulier de l’impact considérable de l’année 1967 ». En même temps il réalise la grande valeur de ses clichés. Il « élabore une maquette » d’assemblage, la présente à des amis. Ceux-ci s’enthousiasment. Il faut publier. Quatre d’entre eux en commenteront une sélection sur un thème donné : Jacques Godbout sur la visite de de Gaulle, « Le visiteur éconduit » ; Marcel Jean sur l’Expo, « Un passeport pour le Monde » ; Robert Saletti sur le sport, « Photographe du samedi » ; Michel Rivard sur 1967, « La ville qui n’est plus ». Chacun livre des souvenirs, des impressions, des réflexions, des commentaires, sur les événements, personnages, gestes, attitudes ; sur les lieux, les objets ; sur les changements survenus, marquant souvent un certain dépaysement ; sur la photographie ou l’art de Jean Rey. Une première partie de chaque texte introduit une section, le reste est intercalé entre des groupes de clichés et y réfère directement, d’où l’absence de notice pour chacun de ceux-ci.
Empreintes & mémoire : L’arrondissement historique du Vieux-Québec jalonne les âges du Vieux-Québec. Les auteurs nous font découvrir, inscrits dans le paysage, les murailles, les rues, les places, le bâti, les monuments et même des fractions du sous-sol, une infinité de traces des contraintes, des événements, des actions individuelles et collectives de part et d’autre du moment critique où, sous l’impulsion donnée par Lord Dufferin, le souci de mémoire a commencé à s’imposer. Avant, l’occupation amérindienne, le régime français (1534-1760), le régime anglais (1760-1871) ; après, de Lord Dufferin à nos jours, toujours, la géographie l’exigeait, en distinguant Haute-Ville et Basse-Ville.
Ici la photo vient nettement illustrer, souvent démontrer : d’une part un texte fruit d’innombrables recherches sur le terrain, chez les historiens, dans les archives publiques et privées ; d’autre part, des photos, quelques cartes et plans pour faire voir la croissance, les choix, les réalisations, les changements au fil du temps : des grands projets comme la conservation des fortifications et la rénovation de la Place Royale, des plus modestes aussi bien que des actions d’entretien et de mise en valeur. Peu de personnages, la ville de pierre, de brique et de bois, de jardins avec une attention aux styles et aux modes. Le texte présente l’ouvrage puis guide, explique, commente, invite à comprendre comment le Vieux-Québec s’est fait, et fut fait par ceux qui l’on dirigé et ceux qui y ont vécu.
Les trois ouvrages ajoutent incontestablement à ce que l’histoire et la sociographie peuvent nous apprendre sur l’objet de chacun. Comment désigner cet ajout très complexe et, davantage, comment le caractériser ? Quelle que soit la bonne façon de le désigner, cet apport est précieux et justifie tout à fait sa présence dans Recherches sociographiques.