Comptes rendus

Gregory Millard, Secession and Self. Quebec in Canadian Thought, Montréal et Kinsgton, McGill-Queen’s University Press, 2008, 354 p.[Record]

  • Linda Cardinal

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Millard ne définit pas ce qu’il entend par la « pensée canadienne » mais il puise dans un vaste registre d’auteurs et se confronte de façon intelligente à leurs arguments pour ou contre la sécession. Ainsi, il déconstruit la prose douteuse d’auteurs comme David Bercuson et Barry Cooper, à droite, mais également celle tout aussi problématique de Gad Horowitz, de Philip Resnick et de Reginald Whitaker à gauche. Pour sa part, Millard trouve un appui à sa démarche dans les écrits de Charles Doran en politique internationale et chez les théoriciens du bien commun comme Samuel LaSelva et James Tully. Si ces personnes sont les plus présentes dans l’ouvrage, Millard incorpore à sa démarche une foule d’autres commentateurs, tant anglophones que francophones, ce qui est tout à son honneur car il est rare qu’un ouvrage écrit en anglais cite autant d’auteurs francophones. En simplifiant, dans la première section de l’ouvrage, Millard remet en question les propos de Bercuson et de Cooper et de plusieurs autres dont William Johnson, Rainer Knopff, Ramsay Cook et Pierre Trudeau selon lesquels le Québec ne serait pas une société libérale. Pour les premiers, cela justifie la souveraineté alors que pour les Trudeau et compagnie, l’appartenance au Canada sauve le Québec de son tribalisme et permet sa plus grande ouverture sur le monde. C’est dire que le Québec serait incapable, pour des raisons congénitales bien sûr, de respecter les minorités, les Autochtones et les immigrants. Nous connaissons bien ce discours et Millard réussit à le déconstruire de façon élégante montrant, pour sa part, que la sécession du Québec pourrait tout aussi bien servir à cautionner l’avènement d’un Canada moins libéral et moins ouvert au pluralisme. Soulignons aussi le chapitre qui déconstruit la thèse de Horowitz, également partagée par Resnick et Whitaker, selon laquelle le Québec et le Canada sont trop différents pour s’entendre. Chez ces auteurs, les demandes de reconnaissance du Québec constituent une entrave à la réalisation d’une authentique identité canadienne et de la vraie politique, celle qui porterait principalement sur des enjeux de types économiques et sociaux. Millard rappelle les propos violents de Resnick, à l’époque des débats sur le libre-échange, qui insiste avec Whitaker sur la quasi-trahison du Québec à l’égard du Canada en raison de son appui à l’entente de libre-échange avec les États-Unis. Procédant à une synthèse utile des idées de la gauche canadienne-anglaise, Millard les rejette d’emblée. On ne peut pas présumer comme le fait la gauche que le Québec empêche le Canada de se préoccuper des « vraies » affaires. Finalement, l’auteur se confronte au discours rejetant la légitimité de la sécession, pensons notamment à la formule choc popularisée par Stéphane Dion selon laquelle si le Canada est divisible, le Québec le serait aussi. Il procède à une déconstruction en règle de ce type d’argument et montre comment la sécession peut être justifiée comme un moyen de dernier recours tant que le Canada s’obstinera à ne pas reconnaître le Québec. Millard fonde aussi une partie de son argumentaire sur les propos de Michel Seymour pour qui la souveraineté sera gérée par le gouvernement du Québec selon des règles précises reconnues et des exigences morales fortes envers le respect des minorités et des peuples autochtones. Puisant ses sources et son inspiration dans la théorie du Soi de Taylor, dans les idées d’Acton sur la multination et dans la théorie du développement de Mills, Millard s’attèle ensuite à formuler ces raisons valables, non utilitaires, pour inviter le Québec à s’identifier au Canada tout en poursuivant son autonomie au sein de la fédération. De façon rapide, le maintien du Québec au sein …