Symposiums Critiques - Le fédéralisme canadien

Renouveau d’intérêt pour l’étude du fédéralisme au Québec et chantiers à ouvrirRéjean Pelletier, Le Québec et le fédéralisme canadien : Un regard critique, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008, 236 p. (Prismes.)Alain-G. Gagnon, La raison du plus fort : Plaidoyer pour le fédéralisme multinational, Montréal, Québec/Amérique, 2008, 236 p. (Débats.)[Record]

  • Peter Graefe

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Le chercheur qui s’intéresse au fédéralisme canadien ne peut que se réjouir de la publication de deux nouveaux livres par deux observateurs chevronnés en la matière, Alain-G. Gagnon et Réjean Pelletier. Cette note critique va faire une recension de chaque livre, mais va également essayer de placer leurs contributions dans le champ de la production québécoise sur le fédéralisme canadien. Cela me permettra d’aller au-delà de l’appréciation de chaque livre, pour proposer quelques pistes de recherche afin de prolonger ce qu’on pourrait nommer la critique nationaliste du fédéralisme canadien. Quels sont les traits de la production québécoise sur le fédéralisme ? On est très bien servi par un texte récent de François Rocher (2006) sur cette question. Rocher souligne l’importance de la grille de lecture du rapport Tremblay pour la production intellectuelle ultérieure. Suivant cette grille, la distribution des compétences constitutionnelles est le trait fondamental du fédéralisme, permettant ainsi l’autonomie du Québec. Il s’ensuit que la santé du fédéralisme se juge à l’aune du respect ou non-respect de cette distribution par le gouvernement fédéral. Dans le but d’évaluer la croissance du nationalisme pancanadien depuis le rapport Tremblay, et de la tendance de ce nationalisme à favoriser l’action du gouvernement fédéral peu importe ce qui est prévu dans la Constitution, les recherches québécoises se sont penchées sur la perte d’autonomie du Québec devant l’ingérence du gouvernement fédéral. Selon Rocher, tout en ayant la force de souligner le déficit fédératif au Canada, la production québécoise semble elle-même refuser l’idéal fédéral dans le fait de se concentrer uniquement sur l’autonomie comme valeur fédérale, et d’ignorer le côté de mise en commun avec les autres entités fédérées. On pourrait également se référer aux conclusions de l’analyse de contenu de David Cameron et Jacqueline Krikorian (2002), qui ont observé que la production québécoise a surtout porté sur le débat constitutionnel et la question de la souveraineté du Québec, et mettant beaucoup moins l’accent sur la dimension des relations entre le Québec et le Canada. Il se peut que l’échantillonnage limité de Cameron et Krikorian pose problème, mais leur conclusion ne semble pas avoir soulevé d’objections parmi les chercheurs québécois. Évidemment, il y a de très bonnes raisons qui expliquent ces deux tendances de la recherche québécoise dans ce domaine, surtout la défédéralisation du Canada sous la pression d’un nationalisme majoritaire canadien-anglais, limitant ainsi les espaces d’autonomie pour la nation québécoise. Mais il reste que plus de cinquante ans se sont écoulés depuis le rapport Tremblay et qu’une analyse qui se limite à la mise à jour de ce dernier (en repérant les nouvelles formes d’ingérence du gouvernement central) et aux efforts de renégocier un pacte entre deux nationalismes va nécessairement perdre en vitalité. Il faut néanmoins signaler un certain renouveau d’intérêt pour le fédéralisme canadien et son fonctionnement comme tel depuis trois ou quatre ans au Québec, ce qui est en décalage avec la situation au Canada anglais où l’on note un problème de reproduction intergénérationnelle assez aigu (Fafard et Rocher, 2008). On peut souligner, entre autres, le premier manuel en français sur le fédéralisme canadien depuis longtemps, qui compte des contributions de plusieurs jeunes chercheurs, tels Jean-François Caron, Sarah Fortin, Rafaele Iacovino, Martin Papillon et Luc Turgeon (voir Gagnon, 2006). À cela on peut ajouter la thèse magistrale d’Eugénie Brouillet (2005) sur l’interprétation constitutionnelle de la Cour suprême, qui actualise la tradition d’analyse d’Henri Brun, les analyses imaginatives des relations intergouvernementales en politiques sociales par Alain Noël et Gérard Boismenu, pour ne rien dire de la tentative audacieuse d’Alain-G. Gagnon et de Rafaele Iacovino (2008) de rapprocher les débats sur la citoyenneté (multiculturalisme, …

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