Symposiums Critiques - Le fédéralisme canadien

Une solution au malaise canadienAlain-G. Gagnon, La raison du plus fort – Plaidoyer pour le fédéralisme multinational, Québec, Éditions Québec/Amérique, 2008, 236 p.[Record]

  • Benoît Pelletier and
  • Marie-Christine Gilbert

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  • Benoît Pelletier
    Faculté de droit,
    Université d’Ottawa.
    benoit.pelletier@uottawa.ca

  • Marie-Christine Gilbert
    Doctorante à l’École d’études politiques,
    Université d’Ottawa.

Le fédéralisme, on le sait, est un mode d’organisation des pouvoirs dans un État, fondé sur une certaine décentralisation législative. Par essence, il favorise l’expression de la diversité. Il arrive toutefois qu’il se définisse de façon territoriale. Dans ce cas, le fédéralisme tend à être mononational, c’est-à-dire à ne reconnaître qu’une seule nation dans l’État. Nous savons par contre que certains États fédéraux sont composés de différentes minorités nationales. Ceux-ci ont alors un choix à faire : ou ils assument leur caractère plurinational et l’intègrent dans leur identité fondamentale, ou ils l’ignorent ou le nient, ce qui risque de provoquer des conflits entre les différents nationalismes, majoritaire et minoritaires, qui s’expriment en leur sein. Dans La raison du plus fort – Plaidoyer pour le fédéralisme multinational, Alain-G. Gagnon soutient précisément que le Canada devrait reconnaître et assumer pleinement son propre caractère pluri ou multinational. La thèse que défend Alain-G. Gagnon repose sur la constatation que l’État canadien n’a toujours pas réussi à développer un projet commun pouvant répondre aux attentes des communautés nationales en matière de représentation, d’équité et de justice. Selon Gagnon, le projet canadien étant en ce moment négateur des identités nationales distinctes qui existent au Canada — en particulier celle du Québec —, il freine leur affirmation et contrevient à l’esprit fédéral. L’ouvrage se construit à partir de quelques postulats fondamentaux. D’abord, il y a l’idée voulant que les États démocratiques doivent prendre toute la mesure de la diversité qui les caractérise. Or, la formule fédérale, dans ce qu’elle a de classique et d’universel, autorise précisément une telle prise en compte. En effet, le fédéralisme recèle des qualités essentielles favorisant la stabilité des régimes politiques. Il permet notamment de mieux gérer les tensions qui sont inévitables dans les rapports communautaires. De par sa nature même, il repose sur la volonté affirmée de cohabitation et sur le respect des traditions donnant un sens au vouloir vivre en commun. Malheureusement, de dire Alain-G. Gagnon, le Canada se dote de plus en plus d’une identité hostile à la diversité qui lui est intrinsèque. Par conséquent, le fédéralisme canadien n’est pas parvenu jusqu’à présent à répondre aux attentes des partisans du fédéralisme multinational au Québec. À cela s’ajoute, toujours selon Gagnon, l’incapacité de l’État canadien à susciter l’adhésion de tous les citoyens à un projet commun susceptible d’accommoder la diversité, et l’appauvrissement du fédéralisme au Canada. En d’autres termes, le fédéralisme mononational appliqué au Canada, sur le fondement d’un nationalisme majoritaire, contribue ironiquement à la mobilisation des forces des nationalismes minoritaires. C’est même cela qui expliquerait la tenue des référendums de 1980 et 1995. Le fédéralisme multinational serait donc une solution au malaise canadien, puisqu’il recèle un potentiel réconciliateur pour les communautés qui partagent certaines valeurs, même si elles ne présentent pas le même profil culturel, politique et sociologique. Il invite les nations majoritaires à se montrer solidaires des minorités qu’elles côtoient. À défaut de mettre en oeuvre un fédéralisme de type plurinational, l’auteur soutient que le fédéralisme de concertation pourrait permettre une meilleure gestion des rapports entre les communautés nationales et le pouvoir central, comprenons ici entre le Québec et le fédéral. De même, le fédéralisme asymétrique serait une avenue intéressante pour réduire les conflits de compétence entre le gouvernement central et les États membres. Ce fédéralisme permettrait aussi une meilleure prise en compte des besoins et priorités du Québec lorsque ceux-ci ne correspondent pas à ceux des autres provinces. Bref, ce type de fédéralisme serait la voie optimale pour la gestion des conflits communautaires et pour l’affirmation des identités collectives. La thèse qui précède est étayée autour de …