Symposiums Critiques - La réforme pédagogique

Réponses aux détracteurs de la réforme pédagogiqueRobert Comeau et Josiane Lavallée (dirs), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB éditeur, 2008, 313 p. (Partis pris actuels.)[Record]

  • Claude Lessard

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Ce livre rassemble une quinzaine de textes rédigés par des personnes associées au mouvement Stoppons la Réforme. Il comprend aussi en annexe deux manifestes, celui du Collectif pour une Éducation de Qualité et celui de la Coalition Stoppons la Réforme. Comme la plupart des ouvrages collectifs, les contributions sont inégales. Si certaines portent sur des aspects généraux de la réforme du curriculum (l’évacuation des savoirs analysée par Gagné, le constructivisme radical dénoncé par Baillargeon, la dérive personnalisante de la relation maître-élève critiquée par Boutin), un bon nombre portent sur l’enseignement de trois matières : l’histoire – plus spécifiquement l’histoire au 2e cycle du secondaire, avec un intérêt très important pour celle du Québec et du Canada – le français, langue maternelle, et le nouveau cours Éthique et Culture Religieuse. Si les mathématiques sont mentionnées, c’est seulement parce qu’elles servent le propos de Baillargeon sur la « doctrine » de Glasersfeld et son influence en didactique des maths. Cette note critique respectera la structure de l’ouvrage : elle discutera d’abord de la thèse centrale des auteurs, puis abordera les questions soulevées à propos des programmes d’enseignement spécifiques. Elle terminera sur quelques propositions afin de renouveler le processus d’élaboration des programmes. Écrits par six historiens, trois syndicalistes enseignants, trois professeurs de sciences de l’éducation, un sociologue, un linguiste, un journaliste et une ex-enseignante, les textes qui composent cet ouvrage pourraient, à quelques nuances près, se résumer dans l’affirmation de Courtois : Ajoutons à cette nomenclature la rupture avec l’enseignement d’une norme pour la langue française (Corbeil), et le portrait de la grande liquidation des savoirs est complet. Par ces ruptures multiples qui participent toutes en définitive de la même, fondamentale, celle des savoirs, l’école dépeinte par les auteurs de cet ouvrage collectif achève de se vider de sa substance, au profit d’un appareil qui étend son contrôle sur un système soucieux de « performance » et qui affine, de réformes en réformes, sa capacité de « rééducation idéologique » des jeunes (éducation à la citoyenneté, multiculturalisme, éthique et dialogue religieux). Après tout, Vie pédagogique, le magazine distribué par le MELS aux enseignants, est dépeint par Bédard comme la Pravda de cet appareil ! Cet appareil est composé d’une triade d’acteurs (cf. la thèse de Gagné déjà exposée dans Main Basse sur l’Éducation), c.-à-d. de l’appareil administratif, syndical et de sciences de l’éducation qui étend son emprise sur le système éducatif et le vide de sa tradition et de sa mission de transmission (il faudra que les auteurs nuancent quelque peu cette thèse, car cet ouvrage contre la réforme pédagogique comprend tout de même des auteurs membres de cette triade, notamment des leaders syndicaux et des collègues de sciences de l’éducation). Mais cela est mineur. Il y a de légers désaccords entre les auteurs sur le processus récent qui a mené à cette catastrophe nationale. Pour certains, la réforme actuelle est en parfaite continuité avec l’évolution des quarante dernières années (c’est le point de vue de Gagné), alors que pour d’autres (Prud’homme), il y aurait eu un détournement des États généraux. Cela aussi est mineur. L’impression générale qui se dégage du livre est néanmoins celle d’un processus qui s’inscrit dans le long terme et qui, malgré les conjonctures particulières, de fois en fois, creuse le même sillon et extirpe du terreau scolaire le même arbre, celui de la connaissance. Comme si de réformes en réformes, le même processus d’évacuation des savoirs était repris et progressait. Ce qui, pour celui qui adhère à cette lecture catastrophique, est proprement désespérant, on en conviendra. Rien à faire, on a beau répéter que les …