Symposium Critique

La déconstruction de la culture publique commune[Record]

  • Gary Caldwell

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Le débat, en effet, ne s’était pas encore fait. On a invoqué le concept sans y mettre de contenu ou encore on a fait des acrobaties intellectuelles pour ne pas s’en servir explicitement ; ainsi, le rapport de la commission Bouchard-Taylor oscille entre les notions de « valeurs publiques communes » (p. 251) et « cadre civique commun » (p. 109) mais on affirme bel et bien dans le résumé qu’il existe au Québec « une culture publique commune » (p. 19). Toutefois, il apparaît – le livre même en fait foi – que le concept est devenu suffisamment incontournable pour qu’il faille le confronter, ne serait-ce que pour le déconstruire. Quelle gratification qu’il y ait enfin un débat autour de ce concept lancé il y a exactement vingt ans (« L’immigration et la nécessité d’une culture publique commune », L’Action nationale, vol. 78, no 8, 1988) ! Je remercie le rédacteur Simon Langlois de m’inviter à me joindre à ce débat d’universitaires… ce qui n’a pas semblé pertinent aux responsables du livre. Ces derniers introduisent pourtant le sujet de la manière suivante : « La question de la culture publique commune hante le discours politique québécois depuis la seconde moitié des années 1980, alors que Gary Caldwell et Julien Harvey se proposaient de définir ce qui faisait la spécificité québécoise et ce à quoi il serait raisonnablement possible d’intégrer les nouveaux arrivants » (p. 1). Le terme « hante » est admirablement choisi. Je n’ai personnellement pas participé aux débats des universitaires, tout en restant constamment impliqué dans les instances de la société civile. Pendant les vingt années écoulées depuis la première utilisation de l’expression « culture publique commune », c’est la première fois qu’on m’invite à un débat universitaire. Peut-être, n’existe-t-il pas pour les universitaires québécois de pensée sociale à l’extérieur des universités ? On pourrait alors dire que la « diversité » et le « processus délibératif démocratique » en prennent pour leur rhume. Mais grâce au rédacteur Simon Langlois, je ne suis pas totalement évacué de la scène intellectuelle universitaire, comme le fut Colette Moreux, par exemple, et son concept de « sociabilité de consensus », si heuristique pour saisir le fonctionnement de la société québécoise. Après cette introduction un peu rude, je fonce donc dans le débat que j’ai si vivement souhaité et appelé. Pour ne pas alourdir le texte, je me servirai de l’acronyme CPC pour désigner la « culture publique commune » au Québec. On peut d’abord constater, je crois, que les auteurs du collectif acceptent l’idée qu’on parle d’une « culture » qui est « publique » en ce qu’elle serait partagée par tous les membres de la société québécoise, plutôt que de « culture première » ou même « seconde » (pour utiliser la terminologie de Fernand Dumont) d’un groupe ethnique. C’est en effet une partie seulement de la culture qui rend possible le fonctionnement des institutions sociétales et les activités à caractère collectif (qu’il s’agisse de la manière de se comporter pour monter dans un autobus ou de la manière de contester le pouvoir en place). Pour qu’elle soit « publique » dans ce sens, il faut que la « culture » soit « commune ». C’est en effet la culture qui, par son caractère public, rend possible la survie et la poursuite d’une société démocratique et pluraliste… la société québécoise en l’occurrence. La plupart des auteurs semblent admettre la nécessité d’une telle CPC, bien que quelques-uns aimeraient mieux qu’on parle de « cadre » plutôt que de « culture » alors que d’autres préféreraient le terme « …