Héritant partiellement de l’ascendant dont jouissait le guérisseur des sociétés traditionnelles et revendiquant une autorité conférée par le caractère scientifique de sa pratique, la médecine moderne s’est vu reconnaître un pouvoir dont peu de professions peuvent se réclamer. Cependant, les médecins sont aussi soumis à de nombreuses pressions, liées notamment à divers facteurs : une tendance générale à remettre l’autorité en question, une prédominance des comportements axés sur la consommation, la multiplication d’autres professions en parallèle à la profession médicale, un courant qui veut que le meilleur traitement soit celui que l’on décide pour soi, la définition de règles éthiques plus exigeantes pour les médecins, l’imposition à ces mêmes médecins d’une imputabilité accrue, une part d’insoumission (Haug et Lavin, 1983, p. 17-26). En termes partiellement similaires, Johane Patenaude (2003, p. 60) attribue les transformations qui marquent les rôles professionnels des médecins à une série de « causes » qui incluent le développement de connaissances plus largement diffusées, l’avènement de nouvelles technologies, des changements dans la formation des médecins, une spécialisation accrue, l’évolution des effectifs mêmes, des exigences plus fortes de la population. Dans leur ensemble, ces éléments fondent des thèses qui, au cours des dernières décennies, se sont répandues pour affirmer le déclin du pouvoir médical. Par elle-même, la fonction sociale exercée par les médecins leur procure prestige et influence, mais le pouvoir médical ne peut pas vraiment s’évaluer qu’en termes généraux et abstraits. En pratique, le statut hégémonique de la profession médicale fut atteint grâce, pour une très grande partie, au type d’organisation que les médecins se sont donné (Moran et Wood, 1993, p. 124). Par ailleurs, les développements qui y conduisirent n’obéirent pas à une logique purement linéaire. Après une institutionnalisation – renforcée de répression – qui a abouti à la monopolisation des soins curatifs et à l’unité organisationnelle, le pouvoir de la profession médicale a souffert des transformations dans les mentalités qui, à leur tour, ont fait naître de nouvelles attentes et exigences à l’égard des professionnels et de leurs organisations. Qui plus est, l’évolution des « revendications » s’accentue d’une transformation des organisations qui en sont porteuses, comme le traduit nettement le « passage des associations pour les malades à des associations de malades » (Mouillieet al., 2007, p. 473). Ce développement est d’ailleurs solidement appuyé par une batterie de législations dont la recension « dans de nombreux pays et régions du monde, et en particulier en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Angleterre, au Canada et aux États-Unis », donne une « charte » consolidée de dix droits du patient : le droit de choisir son médecin ; le droit au respect et à l’écoute ; le droit à la confidentialité ; le droit d’être informé ; le droit de consentir (ou non) aux examens et aux traitements ; le droit de ne pas souffrir ; le droit de faire une pause ; le droit de demander réparation ; le droit d’être représenté ; le droit de partager (son expérience avec autrui) (Viviana et Winckler, 2007, p. 29-33). Le « nouveau » patient, généralement plus informé et mieux représenté, trouve d’ailleurs un contexte favorable à l’affirmation de l’« autorité » dont il s’estime souvent investi par son statut de client… qui ne peut qu’avoir raison ! Robert Lafore (préface, dans Lhuillier, 2007, p. 5-6) rend ainsi compte de ce contexte : Les thèses relatives au déclin du pouvoir médical et les débats qu’elles alimentent posent la pertinence d’études empiriques qui forment la matière première du présent numéro de Recherches sociographiques. Dans quelle mesure les observations menées …
Appendices
Bibliographie
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