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La photo, support de la mémoire. Ici celle de la ville de Québec, en deux temps, à 100 ans d’intervalle. Si la photo se pense parfois comme vision objective de la réalité, la comparaison entre l’album de Huot et le catalogue de Béland montre au contraire à quel point la vision est subjective.
Claudel Huot a saisi L’âme de Québec à travers des photographies réalisées dans les trente dernières années ; celles-ci sont accompagnées de très courts textes de Pierre Caron, Michel Lessard et Jean-Claude Labrecque. Cette âme, il la trouve dans la présence de la nature en ville, dans les arbres, les fleurs et le fleuve, et dans des architextures. Plusieurs passants figurent dans ces images de Québec ; on ne distingue pas leurs traits, parfois les uniformes des écoliers. Le fleuve, pour Huot, c’est le loisir, la baignade et les bateaux de plaisance. Quelques incursions en dehors du Vieux-Québec, sur la plage de Beauport, sur le fleuve, près du Pont de l’Île d’Orléans ne l’en éloignent pas vraiment. Photos en noir et blanc, parfois agrémentées d’une touche de couleur. Absence de voitures, ou presque, absence de lieux de travail. Paysages hivernaux et jardins secrets, détails architecturaux, offerts aux promeneurs. Un très bel album pour les amants de Québec et de la photographie.
La collection Yves Beauregard a fait l’objet d’une exposition en 2008 au Musée du Québec et le catalogue retrace l’histoire de la photo (artistes et techniques) à Québec en cet âge d’or des grands studios que fut la fin du XIXe siècle. L’âme de Québec, selon les Lemire, Livernois, Vallée, ne logeait pas au moment du tricentenaire de Québec à la même place que 100 ans plus tard. Si le paysage et le panorama tiennent aussi une grande place dans leur production, ils ont une vision plus monumentale de l’architecture. Huot, en comparaison, s’y arrête de manière plus anecdotique, en s’intéressant à des détails. La collection Beauregard présente plusieurs résidents de Québec, on en voit même quelques-uns grandir comme Cyrille Fraser Delage ; on croise plusieurs membres du clergé, des notables, des étudiants, des militaires, certains connus, d’autres dont les noms n’ont pas été transmis à la postérité. Le fleuve apparaît surtout à titre de route maritime ; le commerce et l’industrie ne sont pas absents, non plus bien sûr que les paysages hivernaux, climat oblige.
On comprend, à feuilleter attentivement le catalogue de la collection Beauregard, pourquoi l’âme de Québec demeure dans le Vieux-Québec. Les photos de l’époque du Tricentenaire montrent qu’en dehors de ce qui correspond en gros au Vieux-Québec, à Saint-Jean-Baptiste et à Saint-Roch, le territoire de ce qui allait devenir Québec était alors largement agricole (Beauport, Sainte-Foy), de villégiature (Sainte-Foy) ou forestier (la Jeune Lorette).
À travers ces deux livres de photographies en noir et blanc, apparaît clairement l’évolution de l’art photographique au Québec, mais aussi de l’imaginaire urbain. Si le catalogue est plus didactique et contient des textes substantiels, intéressants en même temps qu’accessibles, ce qui s’impose ce sont les images d’un Québec à la fois disparu et que le promeneur déchiffre encore. La touristification du Vieux-Québec, de son architecture ancienne, de ses panoramas splendides et de son blanc hiver, n’est pas récente et y avaient déjà contribué les pionniers de la photographie.