Comptes rendus

Frédéric Boily, Mario Dumont et l’Action démocratique du Québec. Entre populisme et démocratie, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2008.[Record]

  • Mathieu Bock-Côté

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Ce n’est pas la première fois qu’on pose au Québec la question du conservatisme. Ces dernières années, l’actualité électorale a forcé bien des esprits, encore hier persuadés de la profonde pénétration des valeurs « de gauche » au sein de la société québécoise, à remettre en question un bon lot de lieux communs sur le Québec progressiste. Toutes ces contributions partageaient toutefois un même défaut : le conservatisme sur lequel on s’interrogeait avait peu à voir avec celui qui régnait dans la société québécoise. C’était le cas d’une compilation d’études consacrées à la nouvelle sensibilité historique critiquant la Révolution tranquille au nom d’un personnalisme chrétien aux promesses inaccomplies. C’était aussi le cas du collectif Droite et démocratie au Québec (2007), dont les contributions étaient trop disparates pour bien définir la réalité conservatrice dans la société québécoise. Mais rarement contestait-on la droite telle qu’elle s’est incarnée depuis un peu plus d’une décennie à travers l’Action démocratique du Québec. Frédéric Boily est bien conscient de cette réalité et l’avoue dès ses premières pages : « l’ADQ n’a peut-être jamais été vraiment prise au sérieux d’un point de vue universitaire » (p. 3). On connaît la raison : selon une certaine intelligentsia, la droite ne pense pas ; si elle sait calculer ses intérêts dans sa formulation néolibérale et cultiver le ressentiment dans son expression populiste, elle aurait en elle-même bien peu d’idées. Il y aurait peu de raisons d’étudier son discours, la plupart du temps ramené à une pure démagogie relevant du plus simple opportunisme électoral. On sera donc reconnaissant à Frédéric Boily de s’interroger ainsi directement sur le discours adéquiste, sans chercher explicitement à lui faire un procès, sans chercher non plus à en faire l’apologie. Boily, qui n’en est pas à sa première étude sur le conservatisme, mène depuis quelques années une cartographie conceptuelle des droites canadienne et québécoise. C’est encore une fois ce qu’il propose ici, en catégorisant le discours adéquiste sous le signe du populisme. Une hypothèse traverse l’ouvrage : la constante politique du discours adéquiste serait un style populiste qui s’exprimerait différemment selon les circonstances mais qui aurait chaque fois la prétention de se situer en dissidence avec le Québec officiel. Après un premier chapitre consacré à une clarification conceptuelle de la notion même de populisme, effectivement équivoque, Boily revient dans son deuxième chapitre sur les premières années de l’ADQ, sur sa fondation, et sur le sillon qu’elle aura d’abord cherché à tracer dans l’espace politique québécois. Créée pour ouvrir une alternative nationaliste au Parti libéral qui ne soit pas non plus satellisée par un Parti québécois alors sous la direction clairement indépendantiste de Jacques Parizeau, l’ADQ aura vite témoigné d’un certain malaise envers l’héritage politique de la Révolution tranquille, tant sur le plan du clivage souverainiste-fédéraliste que sur le plan du modèle québécois. Au fil des années, l’ADQ a formulé un discours de plus en plus critique envers un modèle de société de son point de vue confisqué par un duopole partisan évitant toute remise en question significative des orientations politiques adoptées depuis un demi-siècle. Ce discours est l’objet du troisième chapitre qui s’intéresse au populisme protestataire de l’ADQ. Construisant son programme en empruntant beaucoup à l’antiétatisme d’une certaine droite américaine, l’ADQ a misé sur une mise en accusation du centralisme qui piégerait la société québécoise et ses régions en substituant aux acteurs sociaux une bureaucratie démangée par le réflexe réglementaire. Ainsi, à l’élection de 2003, l’ADQ misera sur un programme envisageant explicitement la déconstruction du modèle québécois, en contestant sa tendance au planisme technocratique. Pour une série de raisons qui n’étaient pas d’abord idéologiques, l’ADQ …

Appendices