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Voici un document longuement attendu qui pourra s’avérer précieux à la fois pour les preneurs de décisions, les analystes de politiques et plus généralement, pour tous ceux qui s’intéressent aux questions de pauvreté et d’inégalités socioéconomiques au Québec. Il présente un portrait chiffré d’un certain nombre d’indicateurs (plus d’une vingtaine) de ces deux phénomènes. Ce portrait n’est pas seulement statique (à une année donnée) mais aussi dynamique (évolution dans le temps). Dans plusieurs cas, il offre une ventilation des indicateurs selon les régions, les types de ménages et le groupe âge-sexe des personnes. En outre, il ne se limite pas à des mesures classiques telles que le nombre de pauvres ou les taux de pauvreté mais présente aussi des indicateurs de sévérité de pauvreté de même que des mesures multidimensionnelles combinant statistiques économiques (p. ex. revenus ou dépenses) et sociales (p. ex.., mesures d’isolement par rapport à des réseaux sociaux de référence). De plus, certains indicateurs (tels les indicateurs de Laeken) permettent d’établir des comparaisons entre la situation au Québec et dans d’autres pays, bien qu’aucune analyse de cette nature ne soit présentée. Notons que le document se veut un complément à celui de Julie Morasse (Inventaire des indicateurs de pauvreté et d’exclusion sociale, 2005) qui recense un éventail plus large d’indicateurs en présentant définitions, méthodes de construction et brefs commentaires, tout en restant toutefois très limité quant aux résultats chiffrés. Ces deux documents sont disponibles gratuitement sur le site Internet de l’Institut de la statistique du Québec.
L’approche du document n’est donc pas de construire une mesure qui pourrait éventuellement devenir l’indicateur officiel de la pauvreté au Québec (un tel indicateur n’existe pas au Canada mais dans certains pays comme les États-Unis). Il se veut en effet résolument agnostique et éclectique quant à la définition du phénomène. C’est au lecteur de faire son choix ou du moins de tirer de l’information pertinente à partir de chacun des indicateurs. Cette approche comporte certains avantages, mais aussi des inconvénients. D’une part, elle nous paraît appropriée sur le plan scientifique, puisque tout indicateur de pauvreté s’appuie sur des jugements de valeur qui ne peuvent être testés empiriquement. Ainsi, lorsque l’indicateur se définit à partir d’un panier de consommation nécessaire pour satisfaire les besoins dits essentiels du ménage, le choix de ce panier comporte forcément une dimension arbitraire. Il est donc pertinent de comparer la robustesse des indicateurs aux choix méthodologiques retenus pour leur construction. Ainsi, un des résultats importants qu’on peut tirer du document est que, selon la grande majorité des indicateurs retenus, le taux de pauvreté global aurait diminué au Québec au cours des dernières années.
Par ailleurs, la présentation en tableaux chiffrés d’un grand nombre d’indicateurs rend la lecture du document assez difficile. On peut ainsi déplorer l’absence de graphiques présentant l’évolution temporelle des principaux indicateurs ainsi que les courbes de Lorenz, ce qui aurait facilité de beaucoup l’analyse des tableaux. En outre, certains indicateurs peuvent porter à confusion. Ainsi, lorsqu’on présente les résultats d’après les seuils de Sarlo du Fraser Institute selon lequel le taux de pauvreté global au Québec était de 4,1 % en 2002 (voir p. 75), il nous semblerait essentiel à tout le moins de souligner qu’il s’agit d’un indicateur de pauvreté très sévère. Sans quoi, le lecteur non averti pourrait en conclure qu’il n’existe à peu près pas de pauvreté au Québec (c’est d’ailleurs la conclusion de Sarlo !) et que les programmes sociaux accomplissent parfaitement bien leur travail ou sont même trop généreux. Enfin, nous sommes quelque peu déçu que les auteurs du document ne se soient pas inspirés des travaux novateurs de Jean-Yves Duclos et Abdelkrim Araar (Poverty and Equity, 2006) qui présentent une approche statistique unifiée et rigoureuse des mesures de pauvreté, d’équité horizontale et d’équité verticale et qui pourraient aisément s’appliquer au cas du Québec. Ces auteurs ont d’ailleurs développé un logiciel (DAD) qui en facilite grandement l’utilisation. Mais ne soyons pas trop critique. Ce document est une contribution essentielle à l’étude de la pauvreté au Québec. Il importe qu’il soit mis à jour régulièrement et qu’il offre des outils de mesure permettant de toujours mieux appréhender ces questions capitales pour notre société.