Comptes rendus

Maurizio Gatti, Être écrivain amérindien au Québec. Indianité et création littéraire, HMH, Cahiers du Québec, 2006, 215 p. (Collection littérature.)[Record]

  • Guy Sioui Durand

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  • Guy Sioui Durand
    Sociologue,
    Critique d’art et commissaire indépendant.

Installé au Québec depuis 1998, Maurizio Gatti s’est intéressé aux Amérindiens. Il a compilé en 2004 soixante-treize extraits d’auteurs dans Littérature amérindienne du Québec.Écrits de langue française, un recueil de contes, d’oeuvres romanesques, de poèmes, de récits et de témoignages écrits en langue française par une trentaine d’Amérindiens vivant au Québec. Gatti récidive avec Être écrivain amérindien au Québec. Indianité et création littéraire. Il y annonce deux objectifs : « étudier les conditions de production, de diffusion et de réception de la littérature amérindienne francophone au Québec » (p. 17) et « volontairement provocateur à leur endroit … susciter un débat sur la littérature amérindienne et de stimuler des réactions, quelles qu’elles soient, surtout chez les Amérindiens et les Québécois […] » (p. 24). Se situant au carrefour de la sociologie et des études littéraires, cet essai poursuit, treize ans plus tard, le projet de Diane Boudreau qui avait commis Histoire de la littérature amérindienne au Québec : oralité et écriture (1993). Bref, une occasion d’en mesurer l’évolution depuis. Suivant les mêmes sentiers de travers que la première, Maurizio Gatti en arrive à la même conclusion : une littérature amérindienne toujours en émergence. Deux chapitres d’inégales étendues – la mise en réserve de l’identité et l’écrivain amérindien et la littérature – forment son livre. Le premier aborde ce que l’auteur estime être les conditions historiques et politiques psycho socialisant l’émergence de l’individu/écrivain amérindien dans l’espace francophone du Québec. Son argumentation s’inspire explicitement de l’ouvrage La réduction. L’autochtone et les Amérindiens d’aujourd’hui (2003) de Jean-Jacques Simard. En une enfilade de questionnements hybrides, c’est-à-dire mélangeant les paliers de la réalité historique, culturelle et littéraire d’horizons divers liés aux minorités et traités à peu près toujours en deux pages, Gatti tente d’y déceler « l’émergence d’un ensemble de pratiques, de leur reconnaissance et de leur constitution en corpus littéraire » (p. 17), d’un statut québécois pour l’écrivain amérindien. On retient de son analyse les difficultés identitaires vécues par ces quelques « Sauvages » qui ont pris la plume pour écrire : instruits catholiquement, urbains et avec un certain talent d’écriture, quelques-uns se seraient ainsi affranchis des vicissitudes de la réserve et des pensionnats comme écrivains modernes aux socialisations métissées. La deuxième partie porte sur la comparaison du cheminement des littéraires amérindiens et de ceux qui appartiennent à la littérature québécoise. Bien qu’y prédominent les formes d’oralité du théâtre, de la poésie, des chants et des contes sur les nouvelles et romans d’expression française, et bien qu’on y décèle une structure circulaire et la résurgence de thèmes immémoriaux, Gatti maintient qu’il y a irrévocablement influence européenne  (p. 85). S’il fait mention de rares initiatives d’organismes apparus récemment – la collection Les Loups rouges (Le Loup de Gouttières) qui a publié trois titres depuis 2004, la mise en forme du Cercle d’écriture de Wendake en 2004, la section Littérature dans le site Web de la Société Terres en Vues de Montréal en 2006 ou les initiatives de l’Institut Culturel et Éducatif Montagnais – l’auteur prend principalement appui sur les parcours de trois auteurs (Bernard Assiniwi, Michel Noël et Rita Mestokosho) qu’il prétend « significatifs » mais dont, paradoxalement, il n’analyse aucune des oeuvres. Adoptant l’alignement d’opinions disparates et de citations diverses, Maurizio Gatti avance que le statut d’écrivain amérindien peut s’acquérir par « autodéfinition ». « Je propose une première définition générale, au terme d’un bilan sans doute destiné à changer encore : un écrivain amérindien est celui qui se considère et se définit comme tel » (p. 125). L’essayiste anticipe en conclusion, l’inévitable « intraduction », c’est-à-dire l’appropriation par l’univers littéraire …